Histoire du vin : Antiquité Techniques et production

L'énigmatique vigne des Allobroges

L'énigmatique vigne des Allobroges

Lycurgue, roi de Thrace, frappé de folie par Dionysos et assailli par Ambrosia transformée en rinceaux de vigne, dernier quart du IIe siècle de notre ère, mosaïque de Sainte-Colombe-les-Vienne.

Au Ier siècle, les Romains accordent la citoyenneté aux Allobroges, dont la capitale est Vienne, ainsi que le droit de planter et d'exploiter la vigne. Le cépage Vitis allobrogica, encore appelé Vitis picata, serait né à ce moment-là. Résistant aux hivers rigoureux, il donne un vin célèbre jusqu'à Rome et réputé pour son goût de poix, que Pline l'Ancien évoque dans son Histoire naturelle.  

Cependant, de nos jours, aucune trace archéologique n'a prouvé la présence de cette vigne dans les environs de Vienne ; aucun vestige d'exploitation viticole ni toponyme ne permet d'identifier le lieu de production. Et pour comble de malchance, les nombreuses amphores mises au jour dans la région contenaient toutes... de l'huile d'olive.  

Les sources écrites, dont une inscription découverte à Aix-les-Bains mentionnant la donation d'une vigne, existent bel et bien. Certains historiens de l'oenologie émettent dorénavant l'hypothèse que ce mystérieux « allobrogique » pourrait être rapproché du cépage de mondeuse, cultivé traditionnellement en Savoie, et que les Allobroges auraient fait commerce d'un vin produit non pas autour de Vienne mais dans leur arrière-pays, sur les coteaux du Dauphiné.

En Gaule Aquitaine : la vigne des Bituriges Vivisques

Le célèbre cépage Biturica, ou Biturgiaca, nous est connu par les écrits de Pline l'Ancien et de Columelle, lequel précise qu'il a été importé récemment de pays lointains. À la fin du VIe siècle, c'est Isidore de Séville (Étymologies) qui l'évoque à son tour, sans doute à partir des écrits de Columelle. Bien que l'on ne puisse pas établir avec une totale certitude dans quelle région cette Vitis bitiruca était cultivée - chez les Bituriges Cubes (c'est-à-dire restés autour de Bourges) ou chez les Bituriges Vivisques (déplacés à l'embouchure de la Gironde) - les indices archéologiques découverts dans la région de Bordeaux laissent à penser qu'il s'agit bien de l'Aquitaine.

L'étude des découvertes archéologiques réalisées dans la région, instruments ou installations liés à la culture de la vigne et à la production de vin, outils vignerons et traces agraires, a fait apparaître deux grandes entités viticoles : les pays du Charentais et de Cognac et le Bordelais. Le Périgord, le Haut-Quercy, les régions d'Agen et de Toulouse et les vallées du Lot, du Tarn et de la Garonne ne fournissent que des traces très éparses.
Parmi les vestiges remarquables, on a découvert à Bordeaux des ceps de vigne portant des cicatrices de taille, datés de la seconde moitié du Ier siècle, ainsi que des outils de vigneron - serpettes et couteaux à vendanger de différentes formes. C'est au cours de la seconde moitié du Ier siècle de notre ère que la viticulture dans la région a connu un rapide essor, avec l'apparition de nouveaux vignobles et la création d'un type nouveau d'amphore, dite « d'Aquitaine », vers l'an 70. Mais les installations viticoles datent surtout du IIe siècle, période de l'apogée du vignoble ; ce sont de vastes ensembles avec fouloirs, bassins et pressoirs construits en dur. Après deux siècles de production, les établissements viticoles sont abandonnés au cours du IIIe siècle, sans que l'on puisse en expliquer les causes.

La viticulture se maintient toutefois suffisamment au cours du IVe siècle, puisqu'elle est fréquemment attestée par les textes. Les vestiges d'équipements viticoles à partir du Ve siècle font défaut. Par le testament (écrit en 615-616) de Bertechramnus, évêque du Mans, qui laisse ses biens au clergé et mentionne des vignes et un pressoir, et par les évocations écrites du vignoble de Léonce le Jeune, évêque de Bordeaux, on sait que, pendant le haut Moyen Âge, les environs de Bordeaux sont toujours plantés en vignes, en particulier à Plassac, Floirac et Preignac.

Pour autant, il est impossible de relier l'existence antique de ces vignobles au vignoble que nous connaissons aujourd'hui, car la géographie de cette région a été plusieurs fois bouleversée au cours de l'histoire, du fait des différents souverains qui l'ont administrée et des cultures viticoles qui se sont succédées jusqu'à la crise du phylloxéra qui a décimé les vignobles à partir de 1870.

La viticulture en Narbonnaise sous l'Antiquité

En Provence
D'abord limitée à la région de Marseille, l'existence de la viticulture, attestée en archéologie par la mise au jour de champs de vigne, remonte à la fondation de la cité phocéenne (-600). S'il est délicat de déduire que l'on fabriquait du vin seulement par le nombre de pépins identifiés, la découverte d'installations de vinification du Haut-Empire (Ier au IIIe siècle), en revanche, le prouve.  

Les procédés et les techniques alors utilisés s'inspirent de ceux qui ont cours en Italie : fouloirs au sol, pressoirs à leviers, treuils. À partir du IIe siècle, l'introduction de cuves de recueil du moût, la découverte de chaudières pour cuire le moût defrutum, et la présence de grands chais abritant des dolia enterrées témoignent du développement considérable de la viticulture dans la région au cours du Haut-Empire. Puis, dans le courant du IIIe siècle, la situation change, les grandes fermes vinicoles et par la suite les installations de vinifications sont progressivement délaissées et abandonnées, du fait de la crise viticole qui s'étend à partir du milieu du IIIe siècle. Moins nombreuses, celles des IVe et Ve siècles sont de tailles plus réduites. Une part de la production de vin est alors concédée à des métayers exploitant les terres. Jamais la production de vin ne retrouvera l'importance qu'elle avait atteinte sous le Haut-Empire.  

En Languedoc-Roussillon
Sur les territoires de Narbonne, Béziers et Nîmes, les témoignages de production viticole proviennent surtout de la mise au jour récente de villae et de fermes, dans les départements de l'Hérault, du Gard et des Pyrénées-orientales. A Nîmes (Gard), la plus ancienne vigne connue de la région est datée du IIe siècle avant notre ère. À partir de la Conquête, on note une extension importante des terres viticoles, une intensification de la production de vin et le développement d'ateliers de fabrication d'amphores. Dans cette partie de la Narbonnaise, seul le vin de la région de Béziers avait bonne cote ; il était même vendu à Rome dès la première moitié du Ier siècle. Selon les écrits de Pline, les autres vins avaient la réputation d'être trafiqués. Tout au long du Haut-Empire, la production connaît un développement sans précédent, bénéficiant, pour l'exportation, de l'apparition des amphores de type « Gauloise », fabriquées sur place. Ce dynamisme dure jusqu'à la charnière du IIIe siècle, époque à laquelle les installations de production vont être abandonnées ou dispersées sur le territoire. Au cours de l'Antiquité tardive, l'activité viticole semble continuer, mais sa place dans l'économie de la région est moindre et, mises à part quelques villae et fermes, les traces archéologiques (chais, pressoirs, fouloirs) se font plus rares.

Dans le Tricastin
En moyenne vallée du Rhône, la mise au jour de traces de fosses de plantation, et surtout la découverte, sur le site du Molard, à Donzère (Drôme), d'une installation viticole comprenant deux fouloirs, quatre pressoirs et un cellier d'une capacité de 2 500 litres, témoignent d'une viticulture intensive entre la seconde moitié du Ier siècle et le début du IIe siècle. La région est occupée par de petites unités de productions, interprétées comme des annexes agraires qui ont progressivement été abandonnées au profit d'établissements plus grands et plus confortables, situés non loin des axes de communication et dont les activités se sont poursuivies jusque dans l'Antiquité tardive.

Le saviez-vous ?

- Defrutum

Le defrutum était un vin cuit, parfois agrémenté d'olives noires et d'aromates. Produit dans la région située au débouché du Guadalquivir, il était exporté partout dans l'Empire romain dans des amphores ovoïdes à fond pointu et col à bords évasés appelées « Haltern 70 » (du nom du site rhénan où elles ont été pour la première fois identifiées).

- Le culeus, unité de rendement de la vigne

Selon Columelle, le rendement d'un vignoble romain de bonne qualité était de trois culei par jugera. Le culeus désigne la contenance d'une peau de boeuf entière, soit l'équivalent de 20 amphores ou 500 litres. La jugera, qui correspond à un quart d'hectare, est l'unité de surface. Dans l'exemple cité par Columelle, cela correspond à un rendement de 60 hectolitres à l'hectare, soit le volume moyen de production d'un grand cru actuel.

- Dolium, pluriel dolia

Les dolia étaient d’énormes jarres en céramique destinées au stockage et pouvant contenir des liquides (vin, huile) ou des solides (céréales). Une fois qu'elles étaient installées, leur poids interdisait de les déplacer. Elles étaient en outre fragiles et cassaient facilement.  

Les dolia pouvaient être enterrées et servir ainsi de grenier, tout comme être utilisées pour le transport du vin en vrac par bateau.

L'état des vignobles en Gaule à la fin de l'Antiquité

À partir du IVe siècle, la crise de la viticulture s'étend plus durement sur l'ensemble du territoire de la Narbonnaise : les grands domaines qui n'avaient pas été affectés par la crise du milieu du IIIe siècle abandonnent la fabrication du vin, les terres sont converties en pâturages ou affectées à la production de céréales et les ateliers de potiers cessent de produire des amphores vinaires pour l'exportation. Restent quelques vignobles locaux, mentionnés dans les textes et par des témoignages indirects : au début du Ve siècle, un propriétaire de Vinon (Var) fait ainsi orner sa maison de mosaïques dédiées à Dionysos, probablement par référence à sa propre activité.

En Aquitaine, bien qu'un certain nombre de grandes installations soient abandonnées, la production vinicole semble perdurer, et certaines exploitations produisent encore du vin au cours du IVe siècle. Il est difficile d'évaluer l'état du commerce du vin, car le liquide est transporté dans des tonneaux, dont ne subsiste aucune trace. Pas plus ne connaît-on l'étendue réelle du vignoble, dont le prestige continue d'être salué par les sources écrites. Il semble toutefois qu'il ait continué à être une source non négligeable de revenus pour l'aristocratie de la région.

Dans la région de Lyon, la production des amphores cesse, mais rien ne permet d'affirmer que les tonneaux les aient alors remplacées pour acheminer le vin. Ailleurs, des témoignages écrits (Histoire des Francs, Grégoire de Tours, fin du VIe siècle) attestent la présence de vigne en Bretagne, à Paris, et dans les vallées de la Loire et de la Seine (mentionnée dans un discours de l'empereur Julien prononcé à Antioche en 363). En Bourgogne, un texte daté de 312 décrit l'état des vignes et signale que celles des Côtes de Nuits doivent être régénérées.

En Gaule belgique et septentrionale, il semble que les vignobles restent florissants et que de nouveaux soient créés sur les coteaux de la Moselle et à Reims. En Alsace et dans le Palatinat, des installations viticoles cessent de fonctionner au IVe siècle. Pour ces deux régions, les premières sources écrites évoquant la vigne datent de 590 (Grégoire de Tours), et les vestiges archéologiques sont rares.

À partir du Ve siècle, faute de témoignages écrits ou archéologiques, il devient difficile d'établir clairement l'évolution de l'histoire des vignobles.

Le saviez-vous ?

Magnus Ausonius, Ausone, propriétaire à Saint-Émilion

Ce personnage originaire de Bazas, en Aquitaine, semble avoir été un grand propriétaire viticole au IVe siècle : il aurait possédé six domaines dans la région de Bordeaux, représentant, d'après les sources écrites, 25 hectares. Professeur de rhétorique, il fut précepteur du futur empereur Gratien à Trèves, ville où il exerça également les fonctions politiques de consul.
Les textes qu'il écrit depuis l'Italie évoquent les paysages bordelais et témoignent de sa nostalgie pour son pays natal, où il meurt en 394. Il laisse une oeuvre poétique importante.

Les méthodes de conduite de la vigne dans l'Antiquité

Depuis les années 1990, avec la mise au jour de vastes parcelles agraires, travaillées en fossés, rangées et tranchées, on appréhende un peu mieux les méthodes employées pour conduire la vigne pendant l'Antiquité.  

Elles diffèrent selon les provinces de l'empire romain : vignes rampantes, vignes basses sans échalas, vignes à échalas sans joug, avec joug ou à joug multiple, vignes conduites sur des arbres ou hautains, voire même en gobelet. Il semble que la culture des vignes rampantes et des vignes conduites sur des arbres étaient les deux techniques les plus répandues dans le sud de la Gaule.  

Bien que les écrits de Columelle (Les Arbres) et de Pline l'Ancien (Histoire naturelle) évoquent son existence, aucune trace archéologique n'a jusqu'à présent attesté la conduite de la vigne sur des arbres.  

Selon les écrits de ces mêmes agronomes de l'Antiquité, la vigne rampante était particulièrement adaptée aux régions venteuses de la Narbonnaise. Toutefois la configuration des fosses de plantation qui y ont été découvertes peut aussi bien indiquer la conduite basse des vignes que le recours à la technique du provignage (marcottage).  

En Gaule, plusieurs types de disposition des fosses ont été observées : en ligne, en carré, en quinconce... Les fosses isolées reliées par des petites tranchées assurant le drainage sont les plus répandues. Mais les vignes étaient-elles plantées en remplacement d'autres, les plants étaient-ils provignés (marcottés), ou les types de vignes regroupés par cépages ? L'organisation du vignoble n'est pas lisible au travers des parcellaires mis au jour.

La technique du provinage

Il semble qu'en Gaule, parmi les manières de conduire de la vigne, différentes selon les provinces, faire ramper la vigne ou l'amener à croître sur hautain aient été les plus répandues pendant l'Antiquité.

Une des techniques permettant de renouveler les plantations, recommandée par les agronomes antiques Caton ou Columelle, est le provinage (ou provignage). Identique à celle du marcottage, elle consiste à multiplier une plante par enfouissement de certains de ses rameaux, qui sont détachés du pied-mère lorsqu'ils ont formé des racines.

Il existe deux façons de pratiquer le provinage : soit un sarment (le provin, encore appelé marcotte) est courbé puis enfoui dans une fosse contiguë au pied-mère, soit le pied lui-même est couché, enterré en ne laissant dépasser dans l'air que quelques tiges, appelées cabus. Ce type de végétation autour d'une souche mère, qui ne donne pas l'apparence de plantations en rang, est appelé « vigne en foule ».

Les archéologues identifient le provinage par les traces qu'il laisse dans le sol : appelées « logettes », ces traces partent soit en étoile de la fosse de plantation située au centre, soit perpendiculairement à cette première fosse de plantation. Ces techniques ont été abandonnées au XIXe siècle lors de la crise du phylloxéra, et remplacées par le greffage.

Les procédés de vinification en Narbonnaise pendant l'Antiquité

Procéder à la vinification du raisin demande une série d'opérations qu'il est possible de reconstituer à partir des vestiges archéologiques mis au jour en Provence.

Dans un premier temps, il s'agissait de fouler le raisin : cette opération s'effectuait dans une cuve dont le sol était bétonné et pourvu d'un exutoire en pierre ou en plomb. Du fouloir, le jus de goutte (jus du raisin) s'écoulait dans une cuve enduite de béton de tuileau (un mortier à base de briques et de tuiles) comportant une cuvette de vidange et parfois un escalier.

Les rafles (tiges de la grappe) étaient ensuite rassemblées sous le pressoir. Dans les grands domaines, on rencontre des pressoirs à levier et contrepoids. L'usage de la vis, connu en Italie dès la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère, ne se diffuse en Narbonnaise qu'à partir du IIe siècle de notre ère. Le jus de presse (jus obtenu à l'issue du pressage) coulait ensuite dans une cuve.

Les deux jus étaient mis à fermenter dans de grandes jarres, les dolia, qu'on enterrait dans des fosses remblayées de sable ou de terre. Les jarres étaient fermées avec de la poix bouillante, qui avait une fonction stérilisante. La fermentation achevée, le vin était vendu en vrac ou bien mis en amphores et transporté.

Foulage et pressurage en Narbonnaise sous l'Empire

Pendant l'Antiquité, le raisin est foulé aux pieds. Sitôt récolté, il est transporté et déversé dans l'aire de foulage. Des ouvriers le piétinent au son des flûtes, en s'aidant de cordes pour ne pas perdre l'équilibre. Le liquide qui jaillit des grappes s'écoule par une rigole vers des baquets de bois, des jarres ou des cuves maçonnées. Les peaux de raisin subissent une première séparation d'avec le jus obtenu, appelé moût. Le marc est conservé à part, à proximité du fouloir. Ensuite, le pressurage est assuré mécaniquement par des pressoirs, dont deux types existent alors.

En Narbonnaise, les pressoirs sont semblables à ceux de la péninsule italienne, de conception déjà ancienne : un gros tronc d'arbre est maintenu en position horizontale, et l'une des ses extrémités est fixée au moyen de cales tandis que l'autre est abaissée et élevée par des câbles reliés à un système de poulies. Le poids du tronc, sous l'effet du mouvement de levier, écrase le marc de raisin.

Un second modèle de pressoir, à levier et contrepoids, probablement d'origine grecque, se diffuse dans cette même région au début de l'Empire : le treuil permettant de mobiliser le tronc de l'arbre est fixé à un bloc de pierre qui se soulève. Ce modèle sera amélioré aux IIe et IIIe siècles, le treuil et les câbles étant alors remplacés par une vis verticale. En allégeant l'intervention humaine, cette innovation permet d'accroître le rendement, de gagner du temps, et présente l'avantage d'être plus fiable en termes de sécurité.

Le saviez-vous ?

Marc et moût

Le marc de raisin désigne le résidu des raisins une fois pressés et leur jus extrait. C'est de ce résidu que l'on tire, par distillation, l'eau-de-vie.

Le moût désigne le jus doux de raisin obtenu à l'issue du foulage ou du pressurage, avant sa fermentation.

La vinification dans les dolia enterrées

Le processus de vinification proprement dit débute une fois le raisin pressé et le moût mis en cuve. En Narbonnaise méridionale, les dolia, immenses jarres d'argiles, étaient enterrées et maintenues par un remblai. Ceci présentait l'avantage d'empêcher qu'elles ne se brisent et permettait leur remplissage au moyen d'un tuyau. Mais surtout, l'enfouissement de ces jarres offrait des conditions idéales pour la conservation du précieux breuvage, la masse de terre absorbant les écarts de température extérieure, mais aussi ceux liés au dégagement calorique lors de la fermentation des levures et de la transformation du sucre en alcool.

Seul inconvénient, ces dolia en argile étaient des récipients poreux, qu'il fallait donc étanchéifier au moyen d'un enduit de poix végétale bouillant, obtenu à partir d'un résineux. Enduire ces grandes jarres représentait un travail fastidieux et considérable qui devait être renouvelé chaque année. Conséquence inévitable : le vin héritait d'une saveur de poix caractéristique, proche de celle d'une fumée, voire de goudron ! Tant et si bien que certains consommateurs habitués à ce goût allaient jusqu'à demander des vins spécialement additionnés de poix !

Le saviez-vous ?

Dolium, pluriel dolia

Les dolia étaient d’énormes jarres en céramique destinées au stockage et pouvant contenir des liquides (vin, huile) ou des solides (céréales). Une fois qu'elles étaient installées, leur poids interdisait de les déplacer. Elles étaient en outre fragiles et cassaient facilement.  

Les dolia pouvaient être enterrées et servir ainsi de grenier, tout comme être utilisées pour le transport du vin en vrac par bateau.

Le vieillissement accéléré du vin

Les Anciens appréciaient particulièrement les vins blancs. Avant de boire les plus grands crus d'Italie, il fallait attendre plusieurs années : cinq ans pour le vin de Nomentum, dix ans pour le vin de Sabine, une vingtaine d'années pour le Falerne, et pas moins de vingt-cinq ans pour le vin de Sorrente.

Pour les autres vins, et sans doute afin de réduire l'attente, les Romains avaient mis au point des procédés permettant de donner à des vins plus jeunes le goût de ceux qui avaient vieilli pendant de longues années. Au cours de la vinification, diverses substances étaient ajoutées, cuites et broyées, en très petites quantités, ce qui permettait de « faire vieillir un moût sans force », selon l'agronome Columelle, à qui l'on doit une recette de ce procédé.

Le fenugrec (Trigonella foenum grecum, ou « foin grec ») est l'un des ingrédients majeurs de cette recette : on a découvert depuis que la molécule responsable de ce goût caractéristique, le sotolon, plutôt rare à l'état naturel, est justement présente dans la plante. Les anciens vinificateurs avaient bien trouvé le moyen de faire vieillir, avec l'ingrédient idéal, des vins qu'il eût fallu élever des années pour obtenir le même goût !

Une expérience associant archéologue, historien et vigneron a consisté à préparer une cuvée produite à partir d'un moût issu d'un cépage blanc (de l'ugni) auquel on a ajouté du fénugrec : il s'est avéré que la recette de Columelle donnait un vin proche du Xérès ou d'un vin jaune du Jura.

Le saviez-vous ?

Sotolon

Le sotolon est une molécule qui se développe au cours du processus de vinification. Il est responsable des notes de noisette et de curry qui, associées à d'autres arômes, caractérisent les vins jaunes. Des températures de caves élevées en été et froides en hiver favorisent son développement.
Après la mise en bouteille, le sotolon continue à se former. On trouve cette molécule dans les vins liquoreux, le porto, le tokay et le jerez et en très fortes concentrations, dans le vin jaune.