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Mis à jour le
15 décembre 2023
Collection
Carbone 14

Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.

Avec Jean Soulat, archéologue, ingénieur d'études au laboratoire LandArc.

Comment identifier la piraterie et la contrebande dans les archives archéologiques ? Départ pour "l'île aux Forbans", dans l'Océan Indien.

Aux origines de la piraterie

La piraterie existe probablement depuis les origines de la navigation et s’avère toujours d’actualité, notamment en Mer d’Arabie et en Mer de Chine méridionale. Mentionnée dès l’Iliade et l’Odyssée, elle fut un phénomène endémique, véritable calamité maritime, notamment en Méditerranée. Ainsi, on se souvient de ses pillages et ravages, au cours du 1er siècle avant notre ère, dont seule la flotte de Pompée mit un terme, à la fin de la république romaine.

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Localisation des secteurs qui seront testés en prospection géophysique en 2024 - © J. Soulat, ADLP

L’âge d’or des forbans

L’âge d’or de la piraterie couvre les 17e et 18e siècles, une époque pour laquelle les historiens possèdent nombre de sources écrites, témoignages, voire romans d’aventure. Toutefois, les données de l'archéologie restent, pour ce thème, d’une rare indigence. L’archéologie de la piraterie et des économies illicites, s’avère surtout une recherche anglo-américaine, probablement eu égard à la proximité des Caraïbes. Elle restait inconnue en France et, c'est Jean Soulat, archéologue, qui s’est récemment lancé dans cette problématique, autour d’épaves, mais aussi de camps de pirates.

"Dans l'imaginaire collectif, l'île de la Tortue, c'est le repère pirate par excellence des Caraïbes !"

Jean Soulat : "L'archéologie de la piraterie est une branche de l'archéologie maritime, une thématique de recherche très particulière, qui s'intègre dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'archéologie des outremers, [...] et qui s'intègre aussi parfaitement, grâce à sa culture matérielle, à cette archéologie moderne, post-médiévale, comme on dit en Angleterre ou aux États-Unis, dans cette grande période, que sont les temps modernes."

La flibuste dans l’Océan Indien !

Le pirate, c’est étymologiquement "celui qui tente la fortune." Cette fortune, les forbans la recherchent tout d’abord dans les Caraïbes. Hormis les épaves, l’île de la Tortue (au large d’Haïti), a été une véritable île de la flibuste française, qui reste cependant totalement à investir par les archéologues. Sous une forte pression des nations européennes, la piraterie faiblit dans les Caraïbes, à la toute fin du 17e siècle, et migre alors vers de nouveaux territoires et de nouvelles mers. Cette migration de la forfaiture porte désormais ses champs dans l’Océan Indien et, en 1720, le gouverneur de l’île Bourbon (île de la Réunion actuelle) dénombre quelque 1 150 pirates œuvrant dans ces mers.

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Plan de la baie et du port Sainte-Marie datant de 1733 - © Bibliothèque nationale de France

L’île Sainte-Marie, établissement hors-la-loi

À quelques encablures de Madagascarl’île Sainte-Marie est, durant cette époque, un des grands points de ralliement de la flibuste : dans la baie d’Ambodifotatra (ou Ambodifototra), subsistent encore des toponymes évocateurs, dont "l’île aux forbans". C’est dans cette baie qu’a été coulé, en 1721, le Fiery Dragon du capitaine Christopher Condent. Identifier une épave constitue généralement un défi pour l’archéologue : des canons, plus de 2 800 porcelaines chinoises, mais aussi des monnaies d’or provenant de Hollande, d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie et de l’empire ottoman ont été remontés à la surface. Parmi la céramique, un tesson sort du lot puisqu’il appartenait au vice-roi des Indes dont le navire a été capturé par Olivier Levasseur, dit "La Buse."

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13 monnaies en or venant de l’épave du Fiery Dragon (coulé en 1721) - © J. de Bry
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Matériel retrouvé à terre et sur des épaves : Soucoupe et assiette en porcelaine chinoise - tesson avec blason armorié, probablement Luis de Meneses - Cuillère et pichet en étain - Coquillages et corauxs - © C. Bioul, J. de Bry, J. Soulat, ADLP, De Castro 2007

En 2022, l’équipe de Jean Soulat part à la recherche des installations pirates sur l’île, qui abritait un fortin de la flibuste. Mais comment reconnaître un site d’habitat pirate, puisque l’ensemble du mobilier n’a pas été créé par eux, mais issu de pillages ? C’est probablement la mixité des objets, collectés au fur et à mesure des larcins, qui semble aujourd’hui le meilleur indicateur de la présence d’un site pirate…

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Relevé du caniveau au pied du rempart du Fort - © L. Ibba, ADLP

Pour aller plus loin

Quelques références citées

Année :
2023
Durée :
29 min
Année :
2023