Dans le cadre de la construction d’une résidence par Demathieu Bard Immobilier, rue de la Magdeleine, les archéologues de l'Inrap ont mis au jour une domus (luxueuse habitation urbaine) datée de l’Antiquité gallo-romaine. Parmi les vestiges découverts, des statuettes en bronze viennent de faire l’objet d’une campagne de nettoyage et de stabilisation avant leur étude. Elles éclairent d’un jour nouveau le statut des propriétaires de cette maison.

Dernière modification
04 décembre 2024

Une maison dans un quartier excentré de Durocortorum

L’organisation générale de Durocortorum, la Reims gallo-romaine, se conforme au modèle de l’urbanisme romain : des îlots d’habitation séparés par des rues formant un quadrillage d’axes perpendiculaires autour du forum, centre politique et religieux. La ville antique est bien moins documentée dans ces quartiers éloignés. C’est dans sa frange ouest qu’est située la domus, à plus d’un kilomètre du forum, dans un espace humide entre le decumanus maximus et le principal cours d’eau qui traverse Reims, la Vesle. L’habitation est construite au IIe siècle de notre ère. Deux importants piliers confèrent à sa façade côté rue un caractère imposant.

Les statuettes en bronze ont été trouvées dans une couche de démolition résultant probablement d’un incendie. Elles étaient associées aux restes d’une fresque représentant une mégalographie (personnages représentés en taille réelle). Parmi les fragments du décor peint, deux d’entre eux portent les noms d’Achille et de Déidamie, ce qui renvoie à la scène mythologique d’Achille à Skyros. Cet épisode précédant la guerre de Troie est prisé à Rome et sa présence à Reims témoigne de son appropriation par les élites dans la capitale de province de Gaule Belgique. Quatre représentations peintes de cette scène sont répertoriées dans le monde antique (à Aquilée, Pompéi, Rome et maintenant à Reims).

Trois statuettes finement décorées : Mars, un taureau et une déesse

La finesse des statuettes qui représentent des divinités romaines ou leurs attributs conforte l'hypothèse de riches propriétaires. Les yeux de la statuette de Mars sont rehaussés d’argent. Son bouclier présente un décor en relief de la Louve, de Romulus et Rémus. Le nettoyage révèle une tête de Méduse sur sa cuirasse. Cette statuette d’une hauteur de 18 cm repose sur un socle circulaire orné d’un décor floral rehaussé d'argent et de cuivre.


Le taureau, d’une largeur de 16,7 cm pour 11,6 cm de hauteur, repose sur un socle rectangulaire. Ses yeux également soulignés d'argent confèrent une grande expressivité à son regard .

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Statuette du taureau en cours de nettoyage.

© Renaud Bernadet


Le personnage féminin d’une hauteur de 30,7 cm qui représente initialement une déesse (dont l’identification n’est pas encore assurée) se voit par la suite coiffé d’un imposant casque représentant en relief une sphinge, un visage et une couronne de créneaux (allégorie d’une cité ?). Dans son dos, des emplacements sont encore visibles pour des ailes. Étonnamment, elle est dotée de la massue d'Hercule entourée d'un serpent, reposant sur la peau du Lion de Némée . Cette représentation polymorphe soulève des questions quant à la réutilisation et la signification de tous ces différents éléments.

La qualité des statuettes et la rare richesse du répertoire décoratif des enduits peints de la maison indiquent des propriétaires fortunés et très attachés à la culture romaine. La localisation de la maison éloignée du centre interroge sur leur statut et leur fonction.

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Statuettes en cours de nettoyage – remontage avec Renaud Bernadet, conservateur-restaurateur.

© Joël Peyrou, Inrap

Aménagement : Demathieu Bard Immobilier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Julie Léone, Inrap