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Mis à jour le
30 novembre 2021
Collection
Carbone 14

Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.

Les archéologues appellent cela des « dépôts métalliques », le commun des mortels, des trésors archéologiques. Quoiqu’il en soit, la découverte de plusieurs séries d'objets de bronze déposées dans des vases, il y a près de 3 000 ans, constitue une découverte hors du commun.

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Bijoux, outils (têtes de haches), armes... Des centaines d'objets datant de l'âge du Bronze découverts près de Gannat (Allier)

• Crédits : © photo Cyril Fresillon / CNRS UMR TRACES / photothèque CNRS

Généralement pillés par des « détectoristes », ces pilleurs munis de « poêles à frire », ces objets de l’âge du Bronze sont rarement mis au jour dans leur contexte, par les archéologues.

Au cœur de l’Allier, Pierre-Yves Milcent et son équipe, fouille, depuis 2019, un vaste habitat fortifié, daté de 800 ans avant notre ère. Ce site de l’âge du Bronze livre désormais le plus grand nombre d’objets métalliques en France, et l’un des plus riches d’Europe.

Il s'agit d'un site de hauteur dont la surface aujourd'hui peut être estimée aux alentours d'une trentaine d'hectares. [...] C'est quand même une surface qui est considérable pour un site fortifié, quelle que soit l'époque, mais c'est particulièrement important pour l'âge du bronze. [...] Aujourd'hui, on connaît à peu près 200 sites fortifiés avec une occupation de l'âge du bronze. En France, ces sites ont des superficies qui sont extrêmement variables, mais, en moyenne, ils font à peu près quatre hectares. Des sites qui, comme celui dont on parle, font 30 hectares ou plus, on en connaît à peu près une quinzaine en France.
Pour nous autres, archéologues spécialistes de la protohistoire, un dépôt métallique, c'est donc un ou plusieurs objets qui peuvent être en bronze, alliage de cuivre, d'étain ou bien en or. On va parler de dépôt dès lors que ces objets sont trouvés dans le sol que l'on pense qu'ils y ont été placés sciemment. Ce que l'on appelle aussi des dépôts métalliques, ce sont en réalité des ensembles non funéraires, puisque leur particularité pour l'âge du bronze, c'est que ces ensembles sont trouvés dans d'autres contextes qu'une tombe. Et c'est ce qui intrigue les archéologues depuis pratiquement 150 ans.

Armes, bracelets et pièces de char pour les dieux ?

Dans des céramiques décorées étaient présents des lames de haches et de couteaux, des faucilles, des bracelets, des anneaux de cheville et pendentifs, mais aussi des ceintures décorées, des poignards, des pointes de lance, et même des pièces de char et de harnachements de chevaux. Sont aussi présentes des curiosités : des galets de rivière choisis pour leur couleur (blancs dans un dépôt, rougeâtres dans l’autre). 

L'archéologie a peu investigué jusqu'à présent le domaine de la musique, surtout pour les époques pré et protohistoriques. Mais ce qui est sûr, c'est qu'au-delà de leur dimension esthétique, quand on fait des reconstitutions expérimentales, on s'aperçoit que l'univers sonore de ces sociétés est quelque chose de très important. Ça devait même être assez assourdissant parfois ! Et on peut penser que certains objets devaient être fabriqués pour rendre un son particulier.

Les dépôts possèdent en partie les mêmes types d’objets, rangés de la même façon et selon le même ordre (bijoux regroupés par lots à la base du vase, lames de haches disposées tête-bêche au-dessus). Cette sélection d’objets et la répétition des gestes sont observées pour la première fois en France. Pour les archéologues, elles témoignent de « rituels », peut-être de fondation ou d’abandon de l’habitat fortifié. L’étude de ces dépôts jette donc une lumière nouvelle sur un phénomène emblématique et intriguant de l’âge du Bronze européen : l’enfouissement volontaire et organisé de richesses métalliques dans des lieux qui ne sont ni des sépultures, ni des temples.  

Ces objets sont en bronze. Le bronze, quand on le trouve, il est oxydé. Mais les sociétés qui nous intéressent, ce qu'elles aimaient dans ce bronze, c'était son éclat car quand l'objet est briqué, quand il est soigneusement poli, il ne faut pas l'oublier, le bronze a une couleur qui ressemble à s'y méprendre à celle de l'or.
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Tintinnabulum retrouvé sur le site

• Crédits : © photo Francis Bordas / UMR TRACES / CNRS

L’âge du Bronze final 

Les sociétés de l’âge du Bronze final annoncent les principaux traits des sociétés celtiques de l’âge du Fer : économie agro-pastorale développée, organisation socio-économique complexe et hiérarchisée, habitats organisés parfois en de vastes agglomérations, métallurgie intensive, réseaux de contacts et d’échanges tissés à l’échelle de l’Europe.

Il y a eu du pillage sur ce site. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes intervenus. Il s'agissait d'abord d'essayer de sauver les informations qui pouvaient l'être et puis ensuite, d'essayer d'assurer la préservation des éléments particulièrement sensibles au pillage. Et il est bien entendu que les dépôts métalliques de l'âge du bronze sont des cibles privilégiées pour les pilleurs. [...] Aux alentours de 2017, il y a eu visiblement plusieurs campagnes de pillage qui avaient été mis au jour et donc c'est cet ensemble de presque 400 pièces qui a pu être saisi ensuite. Aujourd'hui, ces objets, heureusement, ont pu intégrer les collections publiques du musée Anne de Beaujeu (Moulins).

Pour en savoir plus 

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Dépôts en cours de fouilles

• Crédits : © Cyril Fresillon / UMR TRACES / photothèque CNRS

Année :
2021
Durée :
29 min