De la sépulture collective à la sépulture individuelle

Alors que la fin du Néolithique a laissé une abondance de tombes collectives (pouvant parfois accueillir plusieurs centaines de corps entassés et manipulés), l’âge du Bronze marque l’avènement progressif des sépultures individuelles, éparses au départ, puis groupées autour d’un monument funéraire. Dans une période de transition, les anciennes structures mégalithiques (dolmens ou allées couvertes) peuvent avoir été réutilisées tandis qu’apparaissent d’autres monuments : les tumulus.

Tendances générales et spécificités régionales

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Sépulture avec parement en dalles de schiste mise au jour lors de la fouille de la nécropole de Kergroas à Paule (Côtes-d’Armor). Alors que l’acidité des terres bretonnes dissout généralement en quelques décennies les ossements qui y sont enfouis, certains cercueils étanches, tel celui de cette femme âgée, les ont conservés durant 3500 ans.

Dans le domaine funéraire comme ailleurs, toute généralisation est abusive. Les tendances générales et les évolutions au cours du temps n’empêchent pas l’affirmation éclatante de spécificités régionales. En d’autres termes, ce qui peut être « vrai » pour le Bassin parisien ou l’est de la France ne l’est pas forcément pour les autres régions :

 

Dans le Bassin parisien, par exemple, les tombes individuelles du Bronze ancien sont assez mal connues : rarement placées au centre d’un monument, rien ne les signale dans le paysage ; hormis le défunt qui y est inhumé, elles recèlent très peu d’objets permettant une datation. Au contraire, dans l’ouest de la France, soit elles sont regroupées en nécropole, soit elles constituent, pour les mieux dotées, de volumineux tumulus de plusieurs mètres de hauteur recouvrant un caveau funéraire pour un seul individu auquel sont associés de nombreux mobiliers (parures, objets en cuivre ou en bronze, pointes de flèche, vases parfois en argent…). Si l’on descend plus au sud, les modalités funéraires sont encore différentes, puisque les abris sous roche, les grottes et les avens sont fréquemment utilisés comme lieu funéraire, mais, hormis quelques exceptions, on ne sait rien de leur fonctionnement.

 

Au Bronze moyen, les tombes sont en majorité des inhumations sur l’ensemble du territoire national, même si la pratique de la crémation commence à se répandre dans le Nord-Ouest. Elles se caractérisent souvent, dans le Bassin parisien et une partie du Centre-Ouest, par un abondant mobilier d’accompagnement (effets personnels et dépôts d’objets divers), significatif de l’identité ou du statut social du défunt, dont elles sont dépourvues, ou presque, dans l’Ouest. Le tumulus devient par contre une norme sépulcrale très courante, avec un pic d’utilisation autour de -1500.

Les tumulus

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Fouille d’un tumulus de la nécropole de Kergroas à Paule (Côtes-d’Amor), en 2003. Le tertre (diamètre : 8 m) était cerné par un fossé dont le comblement apparaît de couleur sombre sur la photo. La tâche au centre correspond à une sépulture.

Emblématiques de l’âge du Bronze, bien qu’ils ne se soient largement répandus qu’au Bronze moyen, les tumulus sont de grands amas de terre ou de pierre de forme circulaire ou oblongue qui recouvrent une ou plusieurs sépultures. D’un diamètre moyen de 20 m, ils sont entourés de plusieurs fossés, une entrée favorisant le passage entre profane et sacré. Chaque tumulus constitue un centre autour duquel se disposent des tombes généralement moins spectaculaires. Parfois isolés, ils marquent un repère visuel fort au sein du territoire. Au fur et à mesure qu’ils se multiplient, ils s’organisent en nécropoles situées non loin des habitats. L’érosion naturelle et les labours les ayant pour ainsi dire gommés du paysage, c’est souvent vus du ciel, grâce à la prospection aérienne, que ces grands enclos circulaires sont détectés par les traces de leurs fossés.

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Au début du Ier millénaire avant notre ère (Bronze final), les sépultures collectives à caractère familial se développent dans le Quercy à l’image de la grotte Sindou à Sénallac-Lauzès (Lot). Le plan ci-dessus montre la distribution des ossements dans sa salle 1, d’une surface d’environ 50 m². La salle contenait les ossements de 50 individus, dont les liens familiaux ont été établis par une étude paléogénétique. On peut donc supposer qu’ils vivaient en « familles » et étaient inhumés en respectant les liens biologiques.

 

 

Au Bronze final, l’incinération prend peu à peu le dessus pour devenir quasi exclusive. Apparaissent alors des nécropoles composées de modestes fosses où sont versées quelques poignées d’ossements incinérés mélangés aux résidus du bûcher funéraire (cendres, charbon de bois). La fin de cette période voit le retour en  force des inhumations ainsi que de la construction de nouveaux monuments funéraires. Le principe de l’incinération continuera toutefois dans des régions comme le Languedoc.

 

Exemple typique de région peu sensible à la norme, le Quercy conserve tout au long de l’âge du Bronze sa tradition de sépultures collectives correspondant à des lignées familiales : à l’intérieur d’anciens dolmens réaménagés, dans des coffres sous tumulus, et surtout à l’intérieur de grottes pouvant accueillir jusqu’à une cinquantaine d’individus dont les analyses génétiques ont établi la parenté.