Le dernier tableau-piège

Le 23 avril 1983, 120 personnalités du monde de l'art contemporain participent à un banquet organisé par Daniel Spoerri au domaine du Montcel, à Jouy-en-Josas (Yvelines). À la fin du repas, les tables du banquet sont enterrées, avec tous les reliefs du repas, dans une tranchée de 60 mètres. Vingt-sept ans plus tard, en 2010, une équipe d’archéologues de l'Inrap étudie quelques mètres de ce festin-performance.

Daniel Spoerri à la table du banquet de L'enterrement du tableau-piège en 1983

L'enterrement du tableau-piège

L'enterrement du tableau-piège

L'enterrement du tableau-piège en 1983

La performance intitulée L'enterrement du tableau-piège marqua pour Daniel Spoerri la fin de la série de ses fameux Tableaux-Pièges. Ces œuvres consistaient à fixer les restes d’un repas sur le plateau de la table : la réalité ainsi « piégée » devenait un tableau néoréaliste.

Les tables enfouies du banquet de 1983 composèrent cette fois une œuvre cachée au regard, intitulée le Déjeuner sous l'herbe en référence ironique à la célèbre toile de Manet. Enterré, le banquet de Daniel Spoerri se décomposa jusqu'à n'être plus qu'un souvenir.

Fouiller le « Déjeuner sous l'herbe »

Fouiller le « Déjeuner sous l'herbe »

Tranchée du déterrement du Déjeuner sous l'herbe en 2010

Voulue par l'artiste dès 1983, la fouille archéologique d'un segment du Déjeuner sous l'herbe a été réalisée en juin 2010.

Les couverts du repas et différents objets laissés par les convives (brosse à dent, pièces de monnaie, briquet, etc.) ont été mis au jour. Les archéologues ont pu étudier leur état de détérioration et juger de la qualité de ces artefacts.

Cette toute première fouille scientifique appliquée à l'art contemporain a repoussé les limites de l'art et de l'archéologie. Elle interroge les limites de l'étude des archives du sol et apporte des renseignements importants sur la mémoire véhiculée par les traces matérielles à court terme.

Elle permet de confronter les vestiges conservés sous terre aux documents d'archives et aux témoignages, afin de mesurer l’écart entre les interprétations actuelles du mobilier archéologique et ce que l'on sait de 1983.