La vie de l'esprit

Difficile pour l’archéologue de rendre compte, dans la matérialité des vestiges, des spiritualités du passé. Que perçoit la science de la sphère religieuse au Néolithique ? 

La personnification du divin

La personnification du divin

La dame de Villers-Carbonnel (Somme), vers 4000 avant notre ère, mise au jour en 2010.
Modelée à partir d'une plaque d'argile rectangulaire, la statuette mesure 21 cm. Le caractère exceptionnel de cet objet tient à la fois à son intégrité et à la rareté des figurations féminines au Néolithique moyen.

Au Paléolithique, l’homme se conçoit probablement comme un élément de la nature parmi d’autres. Mais cette conception connaît une transformation au Néolithique, quand l’homme en transformant l'environnement, devient lui même le créateur de sa subsistance. La place symbolique que l’homme s’attribue dans la nature change, il en est désormais une entité distincte. Cette transformation s’exprime à travers l’apparition de représentations humaines plus nombreuses, surtout à partir de 8800 avant notre ère au Proche-Orient. Les hommes ont désormais tendance à mettre le divin à leur image.

Force et fécondité

Force et fécondité

Vase en forme de taureau trouvé à Aubevoye (Eure) en 2003, dans un village de la culture Villeneuve-Saint-Germain, vers 4800 avant notre ère.
Cet objet d'une trentaine de centimètres, sans équivalent en France, perpétue un thème idéologique né dans le Néolithique du Proche-Orient.

Ce que l’on perçoit de la religion néolithique semble célébrer les valeurs de fécondité et de force. Il est probable que les figurines féminines néolithiques en terre cuite, avec leurs formes généreuses, renvoient à un symbole de fertilité.
La figure du bovin est également très présente : vases représentant des taureaux, crânes de bovins hérissant les palissades de certaines enceintes, stèles gravées de têtes de bovin… Animal puissant et impressionnant, le taureau a pu constituer un emblème de la maîtrise des hommes sur leur environnement.

L’hommage aux ancêtres

Dans une grande partie de l’Europe, à partir de 4500 avant notre ère, les fouilles ont révélé des sépultures néolithiques dont les corps avaient fait l’objet de manipulations après inhumation. Comment interpréter ces gestes funéraires ? Peut-être traduisent-ils un culte rendu aux ancêtres et dont le rôle serait une justification généalogique de l’emprise d’un groupe sur un territoire. Les tombes monumentales, visibles de loin, participeraient elles aussi de cette recherche.
Le culte de l’ancestralité se retrouve dans une autre pratique. Le site de Balloy, en Seine-et-Marne, a révélé les vestiges d’une maison danubienne en terre et en bois du Néolithique ancien dont les restes semblent avoir été inclus à un enclos funéraire plus tardif, datant du Néolithique moyen. Cela pourrait traduire un travail de mémoire à l’égard des premiers colons d’une communauté, dans l’idée de légitimer dans le temps un territoire.

Les stèles anthropomorphes

Les statues-menhirs sont des stèles de pierre sculptées en bas-relief de façon à représenter un personnage masculin ou féminin que l’on retrouve en France (Rouergue, Languedoc, Provence) et en Europe (péninsule Ibérique, Suisse, Sardaigne et Italie). Elles datent de la fin du Néolithique, à partir de 3300 avant notre ère. Leur interprétation les apparente à des ancêtres, à des héros ou à des divinités. Elles pourraient donc tenir de ces deux composantes majeures de la spiritualité néolithique, la personnification du divin et le culte des ancêtres.