Les attributs d'une élite
Les armes
Parmi les armes, les archéologues retrouvent des épées, des lames de hallebardes et des poignards, souvent brisés ou fragmentés. Les épées n’existaient pas à l’époque néolithique ; sortes de poignards allongés, elles ont été rendues possibles par les performances propres du bronze (sa plasticité, sa résistance).
Les haches semblent être des objets ambivalents utilisés aussi bien pour l’abattage des arbres et le travail de la terre que pour le combat rapproché. On en distingue plusieurs types selon leurs modes de fixation au manche : les haches à rebords latéraux, les haches à talon (lequel marque une séparation entre la lame et la partie emmanchée) et les haches à ailerons, qui « enveloppent » le manche (à illustrer). Quant aux haches à douille, caractéristiques de la toute fin de l’âge du Bronze et du premier âge du Fer, retrouvées à foison dans les dépôts, elles sont dans certains cas si peu résistantes aux chocs (douille trop profonde, alliage au plomb trop mou) que l’on doute qu’elles aient jamais pu servir d’armes ou d’outils. Les archéologues penchent plutôt vers une signification cultuelle (elles constituent parfois une importante masse de métal offerte aux dieux) ou leur imaginent une fonction de monnaie avant l’heure pour les échanges de matières premières.
Les casques et les cuirasses en tôle de bronze témoignent des progrès réalisés dans la maîtrise des alliages. Dosé à 6 % d’étain seulement quand le bronze « standard » l’est à 10 %, le bronze de dinanderie est martelé à partir de lingots jusqu’à former des tôles, à la fois souples et résistantes. Outre les équipements défensifs, il est aussi utilisé pour fabriquer des vaisselles métalliques d’une qualité exceptionnelle, à l’usage des milieux favorisés, ainsi qu’une multitude d’objets qui amorcent un nouveau style de vie aristocratique (parures, objets liés à la toilette, équipements en lien avec la pratique de l’équitation et la conduite de chars).
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Ces trois casques à crête et à calotte pointue ont été fortuitement mis au jour à Bernières-d’Ailly (Calvados) en 1823 à l’occasion de travaux agricoles. Ils faisaient partie d’un dépôt de neuf casques emboîtés les uns dans les autres par groupes de trois. Des ailettes latérales perforées ornaient la plupart d’entre eux, sans doute destinées à la fixation de parures (plumes ?).
© Bibliothèque municipale de Falaise, cliché Hervé Paitier, Inrap -
Cette épée datée du Bronze moyen a été découverte en 1962 à l’occasion du dragage de la ria du Trieux (petit fleuve des Côtes-d’Armor). Les quatre paires de rivets qui fixaient la lame à la poignée ont disparu, et les trois qui sont présents en haut du manche semblent purement décoratifs. La métallurgie du bronze a permis la fabrication en série d’armes bien plus efficaces que celles en pierre.
© Hervé Paitier, Inrap -
Les cuirasses sont façonnées par martelage à froid de tôles de bronze fortement amincies. Elles se composent de deux coques assemblées par des rivets sur un côté, l’autre étant fermé grâce à des crochets après enfilage. Cet exemplaire, mis au jour avec d’autres à Marmesse (Haute-Marne) en 1974, est daté Bronze final. Il présente un décor en bossettes de différentes tailles, obtenues par estampage et soulignant, de dos comme de face, l’anatomie du guerrier.
© RMN-Grand Palais (musée d'Archéologie nationale), Jean Schormans
Musée d’Archéologie nationale et Domaine national de Saint-Germain-en-Laye
La parure
Tandis que les armes sont l’apanage du guerrier, les bijoux sont destinés à embellir les personnes… On n’a aucune idée de l’admiration que pouvait susciter la vue d’une femme parée de magnifiques jambières, et portant bracelets, bagues et pendentifs (aucun de ces objets n’étant a priori réservé exclusivement à l’un ou l’autre sexe). Mais on sait que la possession de bijoux distinguait une élite qui, de son vivant, tenait à manifester sa supériorité et à en emporter les témoins matériels dans sa tombe, pour la postérité ou l’éternité.
Moins précieux que l’or, le bronze neuf présente un éclat jaune qui lui permet de rivaliser à moindre frais. À noter que les bijoux, afin d’être finement moulés et décorés, nécessitent l’utilisation d’un bronze riche en étain (jusqu’à 20 %), qui rend le métal plus souple.
Les torques, parfois torsadés, parfois lisses, peuvent être décorés de motifs géométriques, pourvus de cabochons ou de pastilles. Ils se ferment généralement par un système de crochets.
Outre les divers bracelets, anneaux et boucles d’oreille portés à même le corps, des éléments de parure sont destinés aux vêtements, qu’ils retiennent (comme ces épingles décorées pouvant atteindre 30 cm), serrent à la taille (comme les ceintures articulées), ou simplement décorent, directement cousus sur le tissu. L’ensemble de ces parures se retrouve parfois en dépôt, constituant des panoplies féminines complètes (il existe aussi des assemblages masculins) qu’il est tentant de rapprocher du phénomène de la dot que l’on connaît encore sous certaines latitudes. Ces panoplies indiquent alors l'appartenance à un clan ou à une tribu ; elles symbolisent la richesse et reflètent les traditions culturelles du groupe.
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Bracelets en bronze provenant de la nécropole de Migennes (Yonne), datée du Bronze final. Comme ceux-ci, la plupart des bracelets de l’âge du Bronze sont de simples joncs, ronds ou aplatis. Leur surface supérieure ou leurs extrémités sont parfois marquées de traits parallèles ou croisés. D’autres sont faits d’une tôle martelée décorée de bosselures ou de guillochages, ou se terminant de chaque côté par une élégante spirale.
© Loïc de Cargouët, Inrap -
Cette défense de sanglier (longueur : 25 cm) sertie dans une résille de bronze à décor spiralé provient de la nécropole de la Colombine à Champlay (Yonne), datée du Bronze final. Si, dans leur tombe, les jeunes femmes adultes de cette époque portaient souvent des pendentifs en dents de suidés, cette parure de prestige a été découverte sur la hanche de la défunte qu’elle accompagnait, ce qui laisse penser qu’elle était portée au niveau de la taille. Il pourrait donc s’agir d’un élément d’aumonière plutôt que d’un collier.
© RMN-Grand Palais (musée d'Archéologie nationale), Franck Raux
Musée d’archéologie nationale, Saint-Germain-en-Laye. -
Épingle (19 cm), bracelet et parure à double spirale provenant d’une incinération du Bronze final à Ungersheim (Alsace). Les épingles, qui peuvent atteindre 30 cm, servent à tenir les vêtements. Leur multiplication, au Bronze final, témoigne de l’apparition du tournage du métal. Les têtes d’épingles, discoïdes ou tronconiques, sont moulées sur la tige préalablement formée, après quoi l’ensemble est usiné et décoré.
© François Schneikert, Inrap