Un petit pied dans une boîte

La découverte de Little Foot est le résultat d’un incroyable enchaînement de coups de chance et d’observations perspicaces, alliés à la ténacité des paléoanthropologues de l’Institut de l’Évolution Humaine de l’Université du Witwatersrand, à Johannesburg. 

Une boîte de fossiles

L’environnement habituel de travail du professeur Ronald J. Clarke à l’Université du Witwatersrand, à Johannesburg. © Laurent Bruxelles, Inrap

Les grottes de Sterkfontein sont le terrain de jeu privilégié des paléoanthropologues (spécialistes des fossiles de pré-humains) depuis la découverte par Robert Broom, en 1947, du crâne complet de « Mrs Ples », rattaché à l’espèce des Australopithecus africanus. Des milliers d’ossements d’animaux et d’hominidés fossiles ont été extraits, depuis, de la gangue rocheuse. Ronald Clarke, découvreur des fameuses pistes de pas d’australopithèques de Laetoli, en Tanzanie, est paléoanthropologue à l’Institut de l’Évolution Humaine de l’Université du Witwatersrand, à Johannesburg. Ce 6 septembre 1994, il décide de trier une boîte de fossiles d’animaux exhumés en 1992 d’une grotte de Sterkfontein par son mentor Philipp Tobias et par Alun Hughes. Alors qu’il étale les fossiles sur la table, Ron Clarke identifie, à sa plus grande surprise, l’astragale d’un hominidé. 

Des os de pied

En fin de compte, ce sont quatre os provenant du pied gauche d’un hominidé, plus un cinquième os, assez endommagé, que Ron Clarke découvre ce jour-là. L’hominidé inconnu est rapidement surnommé Little Foot (« Petit Pied » en français) en réponse à la légende de Big Foot dont on parle beaucoup à cette époque... Les choses en restent là jusqu’en 1997 quand, le 15 mai, alors qu’il ouvre une nouvelle caisse de fossiles au Département d’Anatomie de l’Université de Johannesburg, Ron Clarke découvre de nouveaux ossements d’hominidé : quatre de pied gauche et un morceau de tibia gauche sectionné. Il a rapidement la conviction qu’ils appartiennent à Little Foot, d’autant plus qu’il identifie le cinquième ossement découvert en 1994 comme un élément de tibia droit. Si l’on a autant d’ossements provenant des pieds d’un hominidé, le reste de son squelette ne serait-il pas encore dans la grotte, attendant d’être exhumé ?  

Mission (quasiment) impossible

Ron Clarke charge ses deux assistants, Stephen Motsumi et Nkwane Molefe, de descendre dans la grotte, munis du moulage du tibia, dans l’espoir de trouver le fossile avec lequel il entrera en connexion. Dans l’obscurité de la Silberberg Grotto, l’une des branches du vaste réseau de galeries de la grotte de Sterkfontein, les deux techniciens scrutent le sol et les parois de la cavité remplie de déblais de dynamitages miniers à la lumière de leurs lampes torches pendant près de 36 heures. La mission que leur a confiée Ron Clarke semble impossible… Pourtant, à 25 mètres de profondeur, ils repèrent sur une petite marche poussiéreuse une section d’os qui, ô miracle, s’ajuste parfaitement avec le moulage de tibia : une chance inouïe !