Depuis 2005, l’Inrap et le CNRS mènent une fouille programmée sur le site paléolithique de Caours (Somme) occupé par l'Homme de Néandertal pendant la dernière période interglaciaire. Les vestiges lithiques indiquent des activités de boucherie.

Chronique de site
Dernière modification
18 juin 2020

Chronologie

Les niveaux archéologiques du site de Caours sont contenus dans une formation de tufs de la vallée du Scardon, affluent de la rive droite de la Somme. Ces formations carbonatées se sont développées au cours de l’avant-dernière période interglaciaire (interglaciaire eemien : ± 128 000-112 000 ans).
Lors de sa découverte en 2003, il s’agissait du seul site de l’Europe du nord-ouest contemporain de cette phase interglaciaire. Ces nouvelles données ont bouleversé les connaissances sur les modalités de peuplement du Nord-Ouest de l’Europe, qui semblait jusque-là inoccupée pendant cette période. Le site de Caours démontre ainsi que l’Homme de Néandertal, contrairement à certaines théories, était présent en Europe du nord durant les périodes tempérées et n’était pas seulement inféodé à un climat froid et à un environnement ouvert (steppe).

Vue générale de la fouille 2019. Chaque année, des étudiants d’universités françaises ou étrangères effectuent un stage sur le site. Depuis 2005, plus d’une centaine d’étudiants et de bénévoles ont fouillés à Caours.

Vue générale de la fouille 2019. Chaque année, des étudiants d’universités françaises ou étrangères effectuent un stage sur le site. Depuis 2005, plus d’une centaine d’étudiants et de bénévoles ont fouillés à Caours.

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G. Moreau, Cnrs


Les modalités de subsistance des Néandertaliens

La fouille des cinq niveaux d’occupation du site de Caours fournit des données uniques et essentielles sur les comportements de subsistance des chasseurs nomades du Paléolithique moyen. Sur le terrain, la structuration de l’espace est perceptible. Des accumulations osseuses sont constituées de restes de cerf, de daim, de chevreuil, d’aurochs et de rhinocéros des prairies. Ces animaux ont été chassés et consommés par les Néandertaliens.

Dans l’état actuel des recherches, le site de Caours semble avoir joué le rôle de site de boucherie : les animaux abattus à proximité auraient été ramenées sur le site pour la découpe et la consommation du gibier. La représentation anatomique des vestiges osseux montre des différences de proportion qui témoigneraient d’un traitement différentiel du gibier en fonction de la taille des animaux. Les plus lourds (aurochs, rhinocéros) ont été découpés sur le lieu d’abattage et seules les parties les plus nutritives ont été apportées sur le site. Les espèces plus légères (cerf, daim, chevreuil…) y ont été amenées entières et toutes les parties du squelette ont été retrouvées. Ces activités à but alimentaire sont mises en évidence par certains fragments osseux portant des traces de découpes à l’aide d’outils de silex. D’autres présentent les stigmates d’une fracture intentionnelle afin en récupérer la moelle, très recherchée pour ses qualités nutritives.

À proximité immédiate se trouvent de petits postes de taille du silex où ont été produits les outils lithiques destinés à la découpe immédiate du gibier. Les activités de débitage ont été réalisées aux dépends des galets de silex prélevés dans les alluvions du Scardon. L’objectif de la taille semble avoir été la production rapide d’éclats pour les activités de boucherie par le biais d’une production de type Discoïde. Les éclats produits sont plutôt courts, certains possèdent un dos de débitage opposé à un bord tranchant, qui a été utilisé brut.
Dans le niveau le plus ancien, des zones de combustion ont été identifiées.


Les recherches en cours


À l’heure actuelle, les fouille ont pour but d’explorer les niveaux archéologiques sur la plus grande superficie possible, dans le but d’une approche palethnographique. À ce jour, quatre d’entre eux ont été fouillés sur une superficie de près de 500 m2, le cinquième sur une centaine de m2.
Depuis 2005, le site joue aussi le rôle de chantier-école pour des étudiants d’universités françaises (Paris, Lille, Amiens, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg…) ou étrangères (université de Liège, du Québec, de Durham…). Sur cette période, plus d’une centaine d’étudiants ou de stagiaires ont ainsi été accueillis sur le site.
En 2015, le terrain a été acquis par la Communauté d’agglomération de la Baie de Somme pour permettre à la fouille de continuer dans des conditions optimales., en vue de la valorisation à destination du grand public.


Recherche archéologique : Inrap
Responsable de la recherche archéologique: Jean-Luc Locht (Inrap)
Collaborations scientifiques : CNRS UMR 8591 LGP, CNRS UMR 8198 GEPV, CNRS UMR 6569, Université de Tübingen, Center for Human Evolution and Palaeoenvironment, CNRS UMR 7041 ArScAn/AnTET, Université de Liège (gestion du SIG)