Le site du Néolithique final de Trémonteix est de première importance pour la compréhension des premières sociétés paysannes et pour l’histoire de la céréaliculture au cours du Néolithique dans le Massif central. L’intérêt de cette occupation repose également sur l’abondance et la diversité de la céramique et de l’industrie lithique taillée, des assemblages de référence pour le Néolithique final auvergnat.  

Dernière modification
31 mai 2021

En contrebas des Côtes à Clermont-Ferrand, vaste plateau basaltique qui domine l’agglomération au nord, une équipe de l’Inrap a fouillé en 2011, quartier Trémonteix, sur 2588 m2, une occupation du Néolithique final. Ce site révèle les traces les plus anciennes de la présence et de l’activité d’un groupe d’agriculteurs et d’artisans néolithiques dans ce secteur de Clermont, au cours de la deuxième moitié du IIIe millénaire entre 2848 et 2286 avant notre ère.

Défrichage et premiers aménagements

Le site a été aménagé dans un secteur boisé car la forêt composée d’une chênaie-hêtraie et d’une ripisylve dominait alors tout le paysage. Au cours du Néolithique final, une petite communauté d’agriculteurs est d’abord venue explorer ce secteur pour le défricher et l'éclaircir, comme le confirment certaines espèces malacologiques et des charbons de bois significatifs d’un milieu ouvert. Plus tard, ce même groupe est revenu au même endroit pour occuper le coteau, y aménageant des terrasses, des maisons et des abris pour travailler au sec. Il est possible que ce lieu n’ait été occupé que saisonnièrement, peut-être lors des périodes estivales, plus favorables aux moissons et aux pâturages.

Des agriculteurs-….

La culture des céréales, celle du blé (amidonnier, engrain), de l'orge nue et de l'orge vêtue a été pratiquée à proximité de l’habitat, comme l’atteste la découverte de graines et de galettes carbonisées. Ces céréales étaient ainsi consommées sous forme de galettes cuites au four et de bouillies. Les données carpologiques ont montré qu'aux abords du site de Trémonteix coexistent à l’automne des champs de blé et d'orge vêtue, et au printemps des cultures de blé amidonnier, engrain, épeautre mélangés à des champs d’orge nue et de millets. 

Furca de blé engrain (Triticum dicoccum), trouvée sur le site néolithique de Trémonteix (Puy-de-Dôme).

Furca de blé engrain (Triticum dicoccum), trouvée sur le site néolithique de Trémonteix (Puy-de-Dôme).

© Manon Cabanis/Inrap

En Auvergne, les céréales à grains vêtus (blés amidonnier et engrain) du Néolithique moyen sont remplacées au Néolithique final par une culture mixte de céréales à grains vêtus (blés amidonnier, engrain, orge vêtue) et à grains nus (orge nue). La présence d’un stock de grains à orge nue indique que, sur Trémonteix, les populations du Néolithique final ont adopté des pratiques culturales similaires à celles des sociétés paysannes de la France méridionale. 

Orge vêtue (Hordeum vulgare), trouvée sur le site néolithique de Trémonteix (Puy-de-Dôme).

Orge vêtue (Hordeum vulgare), trouvée sur le site néolithique de Trémonteix (Puy-de-Dôme).

© Manon Cabanis/Inrap

...éleveurs

Les restes osseux animaux, essentiellement des déchets d'alimentation humaine, montrent que les principaux animaux du cheptel, les bovins, les caprins (moutons, chèvres) et le porc, étaient consommés, ainsi que le sanglier et peut-être le cerf, car des os d'espèces sauvages ont été retrouvés sur place. Si la céréaliculture et l’élevage demeurent les principales ressources vivrières des agro-pasteurs, l’activité de la chasse était aussi pratiquée, mais de façon marginale.

Des artisans à Trémonteix

Les vestiges archéologiques retrouvés dans le sol correspondent à des creusements : des fosses, des fossés, des trous de poteaux, ou à des aménagements : des terrasses, des empierrements et des foyers. Les niveaux de sols, plus ou moins épais et tassés par les piétinements contiennent les mobiliers du quotidien. Des zones d’ateliers de travail et d’artisanat, organisées autour de foyers et de fosses‑dépotoirs ont été découvertes. Ces ateliers se répartissent le long de petites terrasses qui bordent le coteau.

Un petit bâtiment domestique incomplet a également été mis au jour au pied du coteau. Son espace interne, compartimenté par une cloison séparait l’espace de l’atelier organisé autour d’un foyer de l’espace habité. L’habitat principal et le groupe de maison du hameau le plus proche se trouvaient sans doute à proximité du site.

Le mobilier du quotidien

Le matériel recueilli rend compte de la vie quotidienne des occupants du site. Il s’agit de tessons de céramique, de silex taillés, de fragment de meule, d’outils sur galet et d’industrie osseuse et également de restes végétaux et organiques. La poterie et les ustensiles en terre cuite, très diversifiés, comptaient de nombreuses jarres, des pots cylindriques, des cuillères et louches, des bouteilles à col haut.

Céramique et cuillère.

Céramique et cuillère. 

© Muriel Gandelin/Inrap

Des fragments de faisselles en terre cuite révèlent également la consommation de lait caillé et celle de fromage. Quelques fusaïoles (qui constituent les accessoires mobiles du fuseau servant à filer la laine et d’autres fibres végétales) et des pesons de métier à tisser signalent la confection de tissu, de toile et probablement celle de vêtement.

Pesons de céramique.

Pesons de céramique.

© Muriel Gandelin/Inrap

 

Les artisans et leurs outils : une économie d’échanges

Des aires d’activités spécialisées dévolues à la mise en forme d’outil ou à la transformation de tiges et de fibres végétales ont été découverts lors de la fouille des lambeaux de sols riches en débris de silex, d’os et de tessons de céramique. Le travail de l'os est attesté par des pointes et des poinçons. L’outillage en matière dure animale est également représenté par un racloir obtenu à partir d'une omoplate de bovin et une hache-marteau en bois de cerf.
L’outillage en silex compte des racloirs, des grattoirs sur lame, des fragments de poignard, une armature de flèche et surtout de nombreux microdenticulés (lames avec petites encoches ou dentiticules). La majorité des silex et des outils provient d’atelier de taille situés à plus de 250 km au nord, dans la région du Grand‑Pressigny en Indre-et-Loire, témoignant du déplacement de groupes humains d’une région à l’autre.

Ces déplacements de communautés sont confirmés par le traitement et la finition des poteries, car les traces techniques qui ont été observées sur la céramique du site s’apparentent à celles qui caractérisent les vases du Centre-Ouest et du Nord de la France (Gord/Deûle-Escaut). La céramique domestique épaisse et la céramique fine de luxe du site s’apparentent également à certaines productions de l’Artenac (phase IIb) (site du Néolithique final en Charente).

Les productions et les modes de subsistance de ces communautés du Néolithique final auvergnat semblent ainsi relever, non pas d’une identité unique, mais plutôt d’une filiation avec les groupes septentrionaux et occidentaux, tout en présentant des spécificités économiques et culturelles locales.

Équipe de fouille.

Équipe de fouille.

© Sylvie Saintot/Inrap

Aménagement : Logidôme
Responsable scientifique : étude de l’industrie lithique : Sylvie Saintot, Inrap
Étude de la céramique : Muriel Gandelin, Inrap
Étude archéobotanique : Manon Cabanis, Inrap
Étude malacologique : Sophie Martin, Inrap
Étude micromorphologique : Julia Wattez, Inrap
Étude achéozoologique : Dominique Lalaï, Inrap
Étude de l’industrie en matière dure animale : Ingrid Sénépart, ville de Marseille