Ce mardi 9 juillet, à 20h, heure de Paris, est prévu  le décollage du nouveau lanceur européen d’Ariane-6  à Kourou. La construction de son pas de tir dans l’enceinte du Centre spatial guyanais (CSG) avait nécessité dès 2015 l’ouverture de grandes carrières de sable et une série d'investigations dans un sous-sol riche en vestiges archéologiques, de l'époque précolombienne jusqu'à celle des premiers contacts entre populations amérindiennes et colons.

Dernière modification
05 juillet 2024

Dès 2015, des sondages archéologiques sont entrepris au sein de vastes carrières de sable. Le diagnostic de l’ensemble du périmètre d’exploitation de la carrière Luna-S2, soit 13,6 ha, met alors au jour plusieurs occupations humaines anciennes dans deux secteurs et une fouille de près de 2500 m² est alors engagée. Les plus anciens vestiges découverts sont des foyers préhistoriques constitués d’amas de quartz souvent altérés par la chauffe. Autour de ces aménagements, s’étaient déroulées des activités domestiques, dont témoignent des meules et des molettes et des éclats de pierre : un mobilier attribué à une période comprise entre 4000 avant J.-C. au début de notre ère environ.

Deux occupations plus récentes succèdent à celle-ci : un habitat sédentaire daté du IIe-Ier siècle avant  avant J.-C.  et une succession d’occupations saisonnières entre 750 et 1500 avant  avant J.-C. (période du « Néoindien ancien »). Celles-ci se composent de petites pièces de quartz et de fragments de céramiques, parfois altérés ou écrasés au sol.

L’horizon le plus récent, à 40 cm sous le sol actuel, est un habitat amérindien appartenant aux temps modernes et daté entre 1630 et 1750 environ. Hormis des poteries écrasées, mais en place, deux sépultures en pleine terre ont été mises au jour. Au sein du mobilier figurent des lames de couteaux, des haches en fer, des balles de mousquet, un double tournois Louis XIII, monnaie en cuivre datée de 1628, mais aussi plus de 9 000 perles de verre provenant d’Europe, d’Italie et de Hollande, découvertes dans une des sépultures. Cet habitat de plein air témoigne des débuts de la traite entre amérindiens et colons, des contacts encore non-documentés par l’archéologie en Guyane française.

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Voir « Découverte d'un site précolombien sur le Centre spatial guyanais de Kourou » (Video)

 

L'archéologie guyanaise au musée de l'espace du CSG

Ces recherches ont débouché sur la volonté du CNES et de la Drac de la Guyane de mettre en valeur le patrimoine amérindien révélé par les fouilles, au travers d'une exposition, réalisée par l'Inrap, dans le musée de l'espace du Centre spatial guyanais. Présentée en avant-première au Grand Conseil coutumier des peuples amérindiens en 2019, cette exposition mettait en valeur de nombreux objets du quotidien, des objets en fer, de la céramique et des perles européennes, des matériaux lithiques, des meules, et quelques objets exceptionnels, comme une grande demi-plaque de cuisson, ainsi qu'un « samaku » , une jarre de 80 cm de diamètre réemployée en contexte funéraire pour accueillir une inhumation. L'exposition gagnera l'espace permanent du musée entièrement rénové et qui ouvrira ses portes à l'automne 2024.


 

Kourou 19

Visite du Grand conseil coutumier de Guyane au CSG

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CNES


Un patrimoine et une histoire renouvelés

Par ailleurs, l'Inrap s'est également rapprochée de la ville de Kourou dans le cadre d'une convention de partenariat scientifique et culturel (2020), en vue de la protection et de la valorisation du site des roches gravées (Kourou) et de la restitution au public des résultats scientifiques des travaux de fouilles ménés par l'Inrap sur l'ensemble du territoire guyanais. En effet, l'archéologie guyanaise est en pleine expansion. Le couvert forestier y représente plus de 95 % du territoire et les grands projets d’aménagement lancés depuis 2017 dans le cadre de l’Opération d’intérêt national (OIN) entraînent des recherches archéologiques sur des centaines, voire des milliers d’hectares. En vue d'accompagner ce développement, l’Inrap a étoffé ses équipes d'archéologues et inauguré en septembre 2022 dans la commune de Matoury un nouveau Centre de recherches archéologiques,  plus moderne, mieux adapté à ses activités. 

illustration Guyane

Fouille d'une occupation du XIVe au XVIIIe s. à Sainte-Agathe (Guyane).

© Inrap

Outre les fouilles menées sur le terrain du CSG, l'Inrap a mené de nombreuses fouilles en Guyane qui éclairent ses dynamiques complexes de peuplement. Pour mémoire, un diagnostic archéologique sur le plateau des Mines, le long du fleuve Maroni, frontière entre la France et le Surinam, avait ainsi permis de découvrir le site le plus ancien connu à ce jour sur le plateau des Guyanes. Le site de Pointe-Morne, à Saint-Georges de l’Oyapock, à l’emplacement du futur pont international reliant la Guyane française au Brésil, a livré les vestiges, exceptionnellement bien conservés, de deux occupations amérindiennes distinctes. Enfin, à Saint-Laurent du Maroni, des fouilles extensives (6500 m2) ont commencé à éclairer un pan méconnu de l’histoire : l’industrie pénitentiaire. L'archéologie coloniale et pénitentiaire, qui s'est beaucoup développée es dernières années, a permis de révéler des dynamiques de peuplement de la Guyane à l'époque moderne (après 1848), entre esclavage, bagne et orpaillage. Elles font l'objet d'une carte et d'une synthèse inédites dans L'Atlas archéologique de la France récemment paru (Inrap - Tallandier). 

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Archéologie de la Guyane de la fin du XVIIIe au milieu du XXe siècle : occupation coloniale, bagne et orpaillage.



© Aurélie Boissière/Tallandier/Inrap