Sur le site de la Genetoye, l’Inrap et le service archéologique de la Ville d’Autun fouillent le complexe suburbain de l’antique Augustodunum. Le quartier artisanal a délivré un important mobilier de métal et de céramique, dont de nouvelles figurines en terre cuite du célèbre potier (coroplaste) Pistillus.

Dernière modification
22 février 2021

L’Inrap et le service archéologique de la Ville d’Autun ont démarré, en ce début d’été 2020, une nouvelle campagne de fouilles programmées sur le site de la Genetoye. Cet important complexe suburbain de l’antique Augustodunum, dont le sanctuaire abrite notamment le célèbre temple de Janus, fait l’objet depuis 2012 d’un projet collectif de recherche (PCR), dont l’objectif est de comprendre l’évolution et l’organisation d’un secteur occupé depuis la Préhistoire.

Questionnements scientifiques

Porté par l’UMR Artéhis (Université de Bourgogne-Franche-Comté), le Projet collectif de recherches « Autun-Genetoye » a été lancé en 2012 et coordonne les recherches engagées par l’Inrap et un ensemble d’équipes universitaires. Réalisé dans le cadre d’une collaboration avec le Service Archéologique de la Ville d’Autun, avec laquelle l’Inrap vient de renouveler une convention de partenariat scientifique et culturel, il bénéficie également du soutien de Bibracte EPCC.
Chaque été, des fouilles programmées tentent de répondre à trois grands questionnements scientifiques. D'une part, les chercheurs analysent l’évolution et les aménagements de ce terroir contraint, situé dans un secteur inondable, à la confluence entre la rivière Arroux et le Ternin. D'autre part, ils tentent de comprendre sa dynamique et ses formes d’occupation de la Préhistoire jusqu’au Moyen-âge. Dans ce cadre, la fin de la période laténienne précédant l'implantation de la nouvelle capitale des Éduens (Autun-Augustodunum), qui succède à Bibracte, bénéficie d'une attention toute particulière. Enfin, la fouille menée à l’été 2020 sera principalement centrée sur le complexe antique périurbain (quartier artisanal, zone cultuelle) de son émergence à son abandon, appréhendé sous ses différentes facettes, notamment dans sa relation avec la ville antique.

Campagne de fouilles menée en 2014 à l'est de la cella du temple dit de Janus conservée en élévation.

Campagne de fouilles menée en 2014 à l'est de la cella du temple dit de Janus conservée en élévation.

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A. Maillier, Bibracte EPCC.  

Au cœur de la Genetoye, vestiges d’un quartier artisanal antique

Le quartier artisanal antique de la Genetoye se développe à l’ouest du sanctuaire. Depuis 2017, la fouille s’attache à caractériser les productions et l’organisation des ateliers qui jalonnent ce quartier. Présentes dès la période augusto-tibérienne (Ier au IIe siècle de notre ère), les productions artisanales sont d’abord tournées vers la métallurgie : les archéologues ont mis au jour des objets en fer, mais surtout en bronze (cloches, clous décoratifs, anneaux…).

Sans disparaître, cet artisanat s’efface au profit de la poterie, en expansion à partir du IIe siècle. Entre 75 et 170 fours sont recensés. Les productions comprennent de la vaisselle commune, destinée à l’exportation, mais on trouve également de nombreuses céramiques fines (vase à décor modelé, gobelets métallescents, lampes).

Édicule représentant Vénus.

Édicule représentant Vénus.

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Loïc Androuin

S’y joignent des ateliers de figurines en terre cuite, dont celui découvert en 2019, lié au célèbre coroplaste (modeleur) Pistillus qui a officié à Autun à la fin du IIe ou au début du IIIe siècle. La production est abondante. Des indices permettent d’envisager d’autres corps de métier : chutes de menuiserie conservées dans le canal (fouille 2018), épandage d’os lié à de la boucherie… Le quartier se rétracte dès le début du IIIe siècle.

Le sanctuaire et son environnement

La structuration générale des abords du sanctuaire est aussi au cœur des recherches. Des études paléoenvironnementales analysent les restes végétaux (pollens, bois, graines) livrés par certains milieux scellés ou encore en eau (puits, canal). Ils constituent une précieuse source de connaissance de la consommation végétale des populations antiques ou des matériaux organiques employés. Ils permettent de restituer le paysage (proche du nôtre à l’Antiquité) et de confirmer l’absence de ressources en matière première, qui ne sont donc pas à l’origine de l’implantation du site.
Le quartier se répartit en deux espaces. D’un côté, une série d’ateliers ou boutiques à l’architecture standardisée. De l’autre, un second ensemble d’ateliers, à l’architecture moins soignée. Un canal antique clôt le quartier. Il relie le Ternin à l’Arroux, empêchant ainsi les inondations de la zone. L’ensemble artisanal occupe au total près de 4 ha. Sa création est sans doute liée à la présence du sanctuaire, auquel sont probablement destinées certaines productions. Rapidement, cet ensemble se développe comme un quartier suburbain en soi.

La céramologie, de l’étude à la transmission du savoir

La céramique fait l’objet d’une étude approfondie par les céramologues. Entre 2017 et 2019, les fouilles des ateliers ont livré plus de 150 caisses de mobilier céramique, principalement constituées de rebuts de production, c’est-à-dire d’éléments défectueux et rejetés par les artisans potiers (défaut de tournage, problèmes de séchage, surcuisson, etc.). Ces fragments livrent un échantillon assez précis des formes produites à la Genetoye pendant près de deux siècles. Dans le cadre du PCR, le premier travail des céramologues a été de proposer une typologie des produits de ces ateliers.

Des stages dirigés par des céramologues de l’Inrap, intitulés « Apprendre à construire une typologie », ont été proposés à des étudiants de Licence et Master, de l’Université de Bourgogne mais aussi dans toute la France (Université de Bordeaux, Paris IV, le Mans etc…). Le volet céramologie du PCR répond ainsi à un objectif de formation extra-universitaire des étudiants en archéologie, au même titre que l’apprentissage de la fouille, qui offre une réelle opportunité d’appréhender le travail de terrain de manière concrète. Cette année, le lien avec la formation donnera lieu à un projet de Master I, portant sur l’organisation interne des ateliers de potiers de la Genetoye.

Four de potier mis au jour en 2019.

Four de potier mis au jour en 2019.

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Stéphane Alix, Inrap

Directeur du programme de recherche du PCR : Yannick Labaune, service municipal d’archéologie d’Autun
Responsable de recherche archéologique : Stéphane Alix, Inrap
Responsable de recherche archéologique adjointe : Marie-Noëlle Pascal, Inrap
Céramologie (vaisselle fine) : Anne Ahü (Inrap, UMR 7041 Arscan)
Coroplastie : Loïc Androuin (Université de Bourgogne)
Dendrochronologie / xylologie : François Blondel (docteur, UMR 6298 artehis), Laure Cassagnes (Université Panthéon-Sorbonne)
Instrumentum : Geneviève Daoulas (Inrap)
Carpologie : Jean-Pierre Garcia (Université de Bourgogne, UMR 6298 artehis)
Lavage, inventaire et conditionnement du mobilier archéologique, acquisitions géophysiques : Morgane Jal (Université de Bourgogne)
Palynologie : Isabelle Jouffroy-Bapicot (UMR 6249 chrono-environnement)
Lampes à huiles : Claude Malagoli (docteur, UMR 5138 ArAr Archéologie et Archéométrie Maison de l'Orient et de la Méditerranée)
Étude de la métallurgie des alliages cuivreux : Pierre Mazille (Université de Bourgogne, Inrap)
Céramologie (vaisselle commune) : Sylvie Mouton-Venault (Inrap, UMR 7041 Arscan)
Géoarchéologie : Amélie Quiquérez (Université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS), 
Équipe de fouilles : Loïc Androuin, Claire Antonmattei, Juliette Brange, Léa Chautard, Marion Courcoux, Juliette Garcia, Estelle Humbert, Marie-Anaïs Janin, Wilfried Labarthe, Chloé Linguanotto, Pierre Mazille, Axelle Migeon, Léa Msica, Timothée Ogawa, Klaudia Sala, Aurore Schneider, Markt Van Horn, Lucile Volk, Julia Zimmermann


 

Programme Collectif de recherches : « Le complexe monumental de la Genetoye (Autun, Saône-et-Loire) dans son environnement. Approches diachroniques et pluridisciplinaires de la confluence Arroux / Ternin de la préhistoire au Moyen-Age », sous la responsabilité de Yannick Labaune (SAVA).

Fouille de l’enceinte néolithique des Grands Champs sous la responsabilité de Franck Ducreux (Inrap) entre 2017 et 2019.

Fouille du quartier artisanal antique sous la responsabilité de Matthieu Thivet (Université de Franche-Comté)  en 2014 et 2016, puis Stéphane Alix (Inrap) entre 2017 et 2020.

Fouille du temple dit de Janus sous la responsabilité de Martine Joly (Université de Toulouse) et Philippe Barral (Université de Franche-Comté) entre 2013 et 2018.

Fouille du théâtre du haut du Verger sous la responsabilité de Filipe Ferreira (Université de Paris-Sorbonne) en 2013, 2014 et 2016.