À Meaux, l'Inrap a fouillé une nécropole témoignant de l’évolution progressive des pratiques funéraires et de la christianisation de la population. Différents espaces maçonnés souterrains correspondant à des unités bâties médiévales ont été également mis au jour, dans un état de conservation remarquable.

Chronique de site
Dernière modification
23 février 2022

La fouille du 45-47 rue Cornillon concerne une parcelle urbaine de 1000 m² dans le quartier du marché de la ville de Meaux. Elle s’est déroulée du 27 septembre au 17 décembre 2021. L’opération fait suite à un diagnostic réalisé en 2011 qui avait permis la mise au jour de vestiges essentiellement funéraires attribués à la fin de l’Antiquité et au début du Haut Moyen Âge, clairement identifiée en fond de parcelle, à l’est. La prescription de fouille porte strictement sur l’implantation des fondations du futur bâtiment (500 m² environ) à l’ouest de la parcelle, en front de rue. Les vestiges sont densément stratifiés et généralement bien conservés.

Vue générale du site de Meaux en cours de fouille.

Vue générale du site de Meaux en cours de fouille.

© C. Le Forestier, Inrap



Les premiers chrétiens de Meaux ?

La nécropole, principalement préservée à l’est de l’emprise, a livré 62 sépultures individuelles qui se répartissent en deux phases d’inhumations. Orientés est-ouest, la tête des défunts à l’ouest, les sujets sont assez bien conservés.

La première phase concerne les individus inhumés à l’époque gallo-romaine (IIIe-IVe siècle après J.-C.). Ces 40 sépultures se caractérisent par un creusement quadrangulaire de grandes dimensions et par l’utilisation de cercueils dont les parois sont assemblées à l’aide de clous, sur lesquels la corrosion a piégé de nombreuses traces ligneuses. La répartition funéraire est classique (hommes, femmes et enfants) et quelques sujets ont bénéficié de dépôts (céramiques, verreries ou animaux). Des clous de chaussures ont été retrouvés dans deux inhumations, en position non fonctionnelle.  Un cas exceptionnel de scoliose sévère a été mis en évidence.

La seconde phase concerne l’époque alto-médiévale. Les défunts sont inhumés dans des sarcophages de plâtre, de pierre, des coffres de bois ou sans contenant. Les 22 sépultures de cette période sont enfouies moins profondément que les inhumations précédentes et les défunts sont parfois habillés (boucles de ceinture retrouvées en position fonctionnelle). La répartition funéraire est également classique, sans sélection particulière.

Cuve de sarcophage en pierre.

Cuve de sarcophage en pierre.

© H. Civalleri, Inrap


La parcelle se situe entre l’église Saint-Martin (où 125 sépultures alto-médiévales avaient été mises au jour à la fin du siècle dernier) au nord et l’abbaye Saint-Saintin au sud, probablement le long d’une voie romaine, dont la rue Cornillon reprendrait le tracé. Cette situation géographique et la pérennité de l’occupation funéraire, de la fin de l’Antiquité au début de l’expansion du christianisme, semblent indicateurs de la transition sociétale et religieuse vers le christianisme. L’extension de la zone funéraire vers l’ouest est confirmée, malgré sa destruction partielle par les vestiges médiévaux. D’autres indices témoignent également de la continuité de cet important ensemble funéraire vers l’est. De même, quelques découvertes témoignent d’une occupation funéraire au Moyen Âge classique vers le sud, à proximité de l’emplacement supposé de l’église Saint-Saintin. Ce secteur de Meaux et ses découvertes funéraires témoignent de l’évolution progressive des pratiques funéraires et de la christianisation de la population (disparition du mobilier dans les sépultures, simplification des modes d’inhumation et concentration des sépultures près des édifices religieux).

Un habitat de la fin du Moyen Âge

Si quelques structures et indices matériels évoquent une occupation discrète aux XIIe et XIIIe siècles, la majorité des vestiges postérieurs à la nécropole concerne une période allant du XIVe au XVIe siècle. Différentes unités bâties ont été mises au jour, confirmant la densification de l’habitat le long de la rue Cornillon. Seuls les espaces maçonnés souterrains subsistent, ils semblent être installés de manière opportune dans de vastes creusements antérieurs (antiques ?), liés à l’extraction de matériaux. Ils sont comblés par des remblais massifs, contenant majoritairement des éléments de démolition des étages supérieurs. Les maçonneries peuvent êtres enduites au plâtre, la plupart comportent des remplois de constructions antérieures (blocs, sarcophages, fragments de plâtre).

Exemple de bâti stratifié.

Exemple de bâti stratifié.

©  J.-L. Bellurget, Inrap


Chaque ensemble est unique en termes de types de vestiges et d’organisation spatiale. Des phases de remaniement du bâti, parfois d’envergure, ont été mises en évidence. La variété et l’état de conservation des vestiges médiévaux sont remarquables : murs, escaliers droits ou à vis, voûtes, puits, latrines, niveaux de sols et d’occupation, caves, espaces excavés indéterminés…

Certains de ces vestiges apparaissent dès 0,50 m de profondeur et peuvent être conservés jusqu’à 3 m environ d’élévation/profondeur. Une partie des vestiges repose sur un deuxième niveau de sous-sol. La qualité de la vaisselle associée à ces vestiges, ainsi que le soin apporté aux éléments architecturaux en plâtre retrouvés dans les couches de démolition (moulures, peintures…) attestent l’opulence des habitats disparus.

Vue générale du site en cours de fouille.

Vue générale du site en cours de fouille.

© J.-L. Bellurget, Inrap

Aménageur : Société Trois Moulins Habitat
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Île-de-France)
Responsable de secteur : Cyrille Le Forestier, Inrap
Responsable scientifique :  Christelle​ Seng, Inrap