L’église Saint-Guillaume de Strasbourg fait l’objet d’une importante entreprise de rénovation portée par la paroisse, en collaboration avec l'Inrap qui a réalisé un diagnostic (2017), une étude d'archéologie du bâti (2018) et y mène actuellement une fouille de grande ampleur. Celle-ci a notamment permis de mettre au jour une cinquantaine de sépultures au centre de la nef et a révélé les phases antérieures et le plan primitif de l'édifice, ainsi que deux bâtiments dans les niveaux antérieurs à l’installation de l’église.

Dernière modification
16 février 2021


Depuis 2017, l’église Saint-Guillaume à Strasbourg fait l’objet de plusieurs interventions d’archéologie préventive menées par l’Inrap dans le cadre des travaux de rénovation et d’assainissement portés par la Paroisse. Depuis fin 2020 et jusqu’au 5 février 2021, les archéologues explorent une partie de l’intérieur de l’église. Riche en informations inédites, la fouille complète les premières données acquises lors d’un diagnostic archéologique en 2017 et une étude d’archéologie du bâti en 2018. L’opération en cours est la première fouille d’ampleur d’une église strasbourgeoise. Elle permet de comprendre l’église d'origine, et a mis au jour une cinquantaine de sépultures du Moyen Âge au cœur de la nef.

L’église Saint-Guillaume, façade occidentale.

L’église Saint-Guillaume, façade occidentale.

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B. Dottori, Inrap



Une église conventuelle des XIIIe-XIVe siècles

L’église Saint-Guillaume est une église conventuelle fondée par des moines de l’ordre de Saint-Guillaume aux XIIIe - XIVe siècles. Située à l’époque en dehors des murs de la ville de Strasbourg, dans le faubourg de la Krutenau, elle intégrera le périmètre urbain dans la première moitié du XVe et sera rattachée à la Réforme protestante au cours du XVIe siècle, tandis que le couvent est supprimé en 1553.

Vue de l’église en 1666, avec les trois pignons en façade - Huile sur toile de Leonhard Baldner (XVIIe s.)

Vue de l’église en 1666, avec les trois pignons en façade - Huile sur toile de Leonhard Baldner (XVIIe s.)


Par rapport aux formes caractéristiques des églises conventuelles de l’époque gothique du Rhin Supérieur, l'église présente la particularité d’avoir son narthex, le vestibule d’entrée à la nef, qui est voûté. Il est surmonté à l’origine de trois pignons, visibles sur des représentations anciennes, le clocher actuel étant un ajout du XVIIe siècle. À l’intérieur subsistent de nombreux éléments remarquables (monument funéraire du XIVe siècle, des vitraux des XIVe et XVe siècles, des tribunes datées des XVIe et XVIIe siècles,…).

Première fouille archéologique d’ampleur d’une église strasbourgeoise

Le potentiel archéologique du sous-sol de l’église est apparu en 2017 lors du diagnostic archéologique. À cette occasion, le caveau funéraire intact d’une abbesse strasbourgeoise décédée en 1694, Eva-Salomé von Furdenheim, avait été découvert. À la suite, l’État a prescrit une étude d’archéologie du bâti sur des parties extérieures de la nef et les charpentes, ainsi qu’une fouille d’ensemble de la nef et du narthex (vestibule) de l’édifice.
Réalisée en 2018, l’étude du bâti, a permis d’appréhender les caractéristiques constructives de l’édifice, son évolution architecturale et notamment de retrouver la trace des trois pignons surmontant le narthex.


Vestiges antérieurs à la fondation de l'église et plan primitif de l'édifice

Grâce à la fouille en cours, plusieurs informations inédites sont acquises sur le passé de l’édifice. Les archéologues ont ainsi accédé aux niveaux antérieurs à l’installation de l’église. Ils mettent au jour les vestiges d'un bâtiment d’habitation et le plan partiel d’un édifice doté d’une abside semi-circulaire. Bâtiment qui pourrait correspondre à une église ou une chapelle totalement inconnue jusque-là.

Édifice à abside semi-circulaire et fosses sépulcrales.

Édifice à abside semi-circulaire et fosses sépulcrales.

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B. Dottori, Inrap


Les archéologues circonscrivent à cette occasion le plan primitif de l’église. L’édifice initial était seulement constitué du chœur actuel, qui était alors légèrement plus long. La nef résulte d’un agrandissement opéré au XVe siècle où un nouvel état de construction entraîne la démolition d’une extrémité de l’église initiale. Ce sont les arases de ces premières maçonneries de l’église qui sont actuellement relevées.


Cinquante sépultures au cœur de la nef

Les archéologues ont identifié une cinquantaine d’inhumations organisées en rang régulier, au centre de la nef. Des épitaphes du XVe siècle, insérées dans les murs, signalaient la présence de sépultures à l’intérieur de l’église. La fouille en cours et l’étude anthropologique à venir apporteront de nombreuses informations sur ces défunts du Moyen Âge : sexe, âge, catégorie sociale, hygiène de vie, pathologies (…) ainsi que sur les modes et pratiques d’inhumation et l’organisation spatiale des sépultures intra-ecclésiales.


Remaniement du sol et fondations du Jubé

Par ailleurs, le remplacement dans la nef de dalles funéraires par un dallage en tomettes de terre cuites, signalé dans un texte du XVIe siècle, est confirmé par les archéologues. Ils ont également constaté des affaissements du dallage en de nombreux endroits qui sont liés à un mauvais comblement, à l’époque, d’anciennes fosses sépulcrales.

Vue d’ensemble du dallage en tomettes de terre cuite, mis au jour à l’issue du décapage.

Vue d’ensemble du dallage en tomettes de terre cuite, mis au jour à l’issue du décapage.

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B. Dottori, Inrap

Ces instabilités ont nécessité une reprise complète des sols au XVIIIe siècle. À la fin du XVe siècle, l’église disposait d’un jubé, une tribune transversale élevée entre la nef et le chœur, dont il ne subsiste aujourd’hui qu’une seule travée. Les archéologues retrouvent actuellement le mur de fondation de l’ancien jubé : un imposant mur en briques, intégrant des arches de décharge, identifié à une extrémité de la nef et à proximité du chœur actuel.

Aménagement : Paroisse protestante Saint-Guillaume
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Boris Dottori, Inrap