À l’occasion de la saison culturelle et scientifique de l'Inrap consacrée à l’Antiquité et de l'exposition « Retour à la poussière », présentée au musée départemental Arles Antique, Julien Boislève,  médaille d'archéologie de l'Académie d'Architecture en 2022, évoque l'essor des études sur les fragments d'enduits peints, révélateurs des architectures des maisons romaines dans lesquelles ils prenaient place. 

Dernière modification
13 septembre 2023

Vous êtes toichographologue. Que signifie ce terme et d’où vient-il ?

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Existe-t-il de nombreux toichographologues ?

En France, nous devons être une petite vingtaine à pouvoir assurer la totalité du suivi, de la fouille à l’étude des peintures. Il est difficile d’évaluer le nombre de spécialistes étrangers, d’autant que dans de nombreux pays, les notions d’étude et restauration ne sont pas les mêmes que chez nous. Dans certains pays, on considère que le remontage est un travail de restaurateur, alors qu’en France, on veille à bien le maintenir dans le domaine de l’étude scientifique.

Il y a aussi des spécificités et des évolutions d’approche. Pendant longtemps, Pompéi a représenté la référence pour les spécialistes de la peinture romaine, on parlait même de « pompéianocentrisme ». Cela s’explique surtout par l’état de conservation exceptionnel et l’entièreté de ces peintures, mais cela a créé un biais : l’attention s’est portée sur l’iconographie et les décorations in situ, en délaissant tout ce qui était fragmentaire. Or en France, on est essentiellement en présence de peintures fragmentées. Et il se trouve que les Italiens sont venus se former en France pour mieux tirer parti des méthodes qui ont été mises au point pour le traitement de ce matériel fragmentaire.

Sous quelle forme retrouve-t-on ce matériel fragmentaire ? Est-ce fréquent ?

De manière générale, la peinture est un élément très présent dans l’architecture romaine. L’image d’Épinal de certaines ruines avec leurs beaux murs en pierre nue est une image fausse : hormis pour certains édifices monumentaux, construits en pierre de taille, dans la plupart des édifices romains, dans la maison privée, mais aussi dans des boutiques ou dans des grands bâtiments publics, le mur en pierre, en brique ou en terre, est le plus souvent recouvert. Il peut s’agir de placage en marbre, option très coûteuse et donc plus rare, ou d’enduit peint, que l’on retrouve partout car il est plus facile à mettre en œuvre et plus économique. Si l’on fouille un site romain en contexte urbain ou une villa en contexte rural, il serait même étonnant de ne pas en trouver.

Quand on trouve des peintures en fouilles, trois cas principaux peuvent se présenter. Soit la peinture est encore en place sur le mur, c’est le cas le plus facile pour l’étude mais le plus rare. Soit elle s’est effondrée en place, elle s’est brisée au sol mais elle est encore en connexion avec son emplacement : avec la bonne approche de fouille, il est possible de retrouver le sens dans lequel elle est tombée et de reconstituer le puzzle. Enfin, il y a le troisième cas, le plus fréquent : les peintures sont fragmentaires, et loin de leur emplacement d’origine. Soit le décor a été détruit et rejeté dans une fosse, soit il a été brassé dans des remblais. Dans ce cas, le travail sur la peinture est de portée plus limitée pour la connaissance du site.

Il est donc très important de bien détecter les peintures sur les sites ?

Pendant très longtemps, les fragments d’enduits peints étaient perçus comme des gravats dont on ne pouvait rien faire et on ne gardait au mieux que les « beaux » fragments. Or, les enduits peints exigent un travail difficile et vraiment très spécialisé. Faire le puzzle, rester des mois devant un tas de fragments rouges, peut en décourager certains. Et quand on ne sait pas, il y a le risque que l’on jette. La diffusion des connaissances et la communication sur les résultats scientifiques, ont beaucoup contribué à modifier cet état de choses. L'association française pour la peinture murale antique organise des colloques. Des travaux ont été diffusés. Les expériences avec des collègues ont joué également. Ce travail doit être poursuivi au sein de l’Institut et auprès des prescripteurs, la meilleure des garanties étant évidemment que l’étude des peintures murales soit prise en compte dès la prescription de la fouille et donc les enduits signalés dès le diagnostic.

En quoi consiste la technique des décors peints ?

À l’époque romaine, la technique est la peinture à fresque (le mot « fresque » vient de l’italien a fresco, qui veut dire peindre dans le frais). Elle consiste à appliquer le pigment de peinture sur un enduit humide, constitué le plus souvent de sable, de chaux et d’eau. Lors du séchage, par une réaction chimique, la chaux migre vers la surface et traverse la couche picturale (le pigment), en se cristallisant au-dessus de celle-ci. On appelle cela la carbonatation. La peinture est ainsi « scellée » et résiste formidablement au passage du temps, sans perdre son éclat. On peut passer l’éponge dessus et le pigment, dans bien des cas, ne déteint pas.

Cela sous-entend une organisation très particulière du chantier de décoration romain. Pour peindre sur un mortier qui est encore frais, il faut travailler par zones successives, en allant toujours du haut vers le bas en même temps que sur la longueur des murs. Si les décors sont souvent divisés en trois zones, une zone inférieure, une zone médiane et une zone supérieure, ce n’est pas par hasard, car cela correspond aux zones successives de travail sur le mortier. Aux points de raccord entre les zones, pour cacher les imperfections, on place astucieusement des bandes décorées.

Vous travaillez également sur les stucs antiques. En quoi consiste cette technique ? 

Le stuc est un enduit qui est travaillé en relief. Ce n’est pas un matériau, c’est une technique de mise en œuvre d’un matériau. Cela peut être travaillé par estampage, c’est-à-dire avec un moule que l’on vient appliquer sur la matière pour créer un motif - par exemple des rangs d’oves, des motifs architecturaux – formé à l’aide d’un gabarit tiré sur l’enduit frais, ou bien modelé à la main. Là, ce sont des pièces uniques. Il y a quelques cas où le stuc est peint, par exemple en imitation de marbre, mais dans la grande majorité des cas, il est laissé blanc. Ainsi peuvent être crées des jeux décoratifs entre la couleur des enduits et le stuc laissé blanc, entre le plat et le relief... C’est un artisanat important, qui connaît un regain d’intérêt en Gaule à partir de la deuxième moitié du IIe siècle apr. J.-C., avec quelques ensembles remarquables en Gaule, notamment en Bourgogne, sur deux sites fouillés par l’Inrap. À Entrains, le stuc a été travaillé pour imiter un plafond à caissons, comme une grande architecture en pierre. À Autun, le stuc décore des grandes arcatures avec toutes leurs moulurations et des feuillages d’acanthe. Une villa bretonne à Mané-Véchen a aussi livré une galerie de grands personnages en stuc, comme des sculptures, avec au plafond des stucs dorés à la feuille d’or. Le stuc est difficile à remonter, car il faut non seulement assembler les fragments par la tranche pour reconstituer les éléments, mais il faut pouvoir les refixer sur leur support, et faire des collages sur l’épaisseur. De plus, le stuc peut être un matériau assez fragile selon la qualité de sa mise en œuvre ou selon les matériaux utilisés. Parfois, il est réduit presque à l’état de poudre et impossible à prélever sur le terrain. Dans d’autres cas, au contraire, il est très solide, comme c’est le cas des stucs que nous avons prélevés en Bourgogne.

 

Jusqu’à combien de mètres s’élèvent les décors peints ?

Cela dépend des architectures. L’intérêt d’étudier les peintures est certes de connaître le décor, mais aussi bien souvent de rétablir l’architecture des bâtiments. Quand les remontages sont conséquents, on peut connaître les hauteurs précises des pièces. Les plus basses que j’ai étudiées, c’est à Nîmes, où elles atteignent à peine les deux mètres sous plafond, alors que les plus hautes peuvent atteindre les cinq mètres, voire au-delà. Tout dépend de la richesse des bâtiments, si c’est une pièce d’apparat, s’il y a un étage… La plupart des sites ne conservent même plus leurs murs, mais par chance, il y a des effondrements en place qui n’ont pas été perturbés ensuite. Nous, archéologues, nous découvrons les peintures telles qu’elles sont tombées lorsque le bâtiment s’est ruiné. Parfois, il y a plusieurs décors effondrés en place sur le sol d’une pièce, ce qui indique forcément qu’une partie des peintures vient de l’étage. Cela a été le cas, par exemple, à Nîmes, à Clermont-Ferrand ou à Arles, sur le site de la maison de la Harpiste. Dans ces trois cas, il y avait non seulement les peintures de l’étage effondré, mais également le sol de l’étage en béton, qui était tombé dans la pièce du rez-de-chaussée.

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Autun (Saône-et-Loire), fouille du Centre hospitalier, IIIe s. apr. J.-C.,  restitution des volumes de la pièce.

©  DAO L. Espinasse, Archéotransfert-Ausonius

Justement, vous avez reçu un prix de l’Académie d’Architecture. Les enduits peints relèvent-ils de l’architecture ?

J’ai été très heureux de recevoir ce prix car une grosse partie du travail que je défends, c’est précisément cet apport de la peinture à la compréhension architecturale, bien au-delà de l’étude de styles, des décors, ou de l’histoire de l’art à laquelle nous avons longtemps été cantonnés. Il faut bien imaginer que les enduits constituent un véritable moulage des murs et plafonds disparus : ils ont la forme des pièces sur lesquelles ils prenaient place. Quand on remonte ces peintures, on collecte des éléments scientifiques, des preuves, qui permettent de rétablir les élévations et de décrire techniquement l’architecture.

D’abord, sur le revers de l’enduit, on va trouver les empreintes du support (mur, plafond, voûte…) sur lequel il était posé. Par exemple, une peinture qui présente des stries en chevrons au revers indique que le mur était en terre et que, pour permettre l’accrochage de l’enduit, on avait préalablement strié la paroi avec des chevrons. Si ce sont des briques, le revers présente des empreintes de briques, si ce sont des moellons, des empreintes de moellons, etc. Pour les plafonds, par exemple, on a très souvent des empreintes de poutres ou de fagots de roseaux, parce que, pour permettre l’accrochage de l’enduit à l’horizontale sur des poutres, on renforçait souvent l’armature avec des roseaux ou des lattis de bois. Ce sont les éléments techniques.

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Arles (Bouches-du-Rhône), site de la Verrerie, maison de la Harpiste (Ier s. av. J.-C.), remblais de destruction avec effondrement d'une paroi peinte. Le revers de la paroi porte des traces des stries d’accrochage en chevrons, ainsi qu'une coloration rouge provoquée par un incendie.

© Marie-Pierre Rothé, MDAA/Inrap

Ensuite, l’enduit épouse la forme des pièces, mais indique aussi celle des portes, des fenêtres et de toutes les ouvertures. Par exemple, pour la pièce que nous étudions à Arles, nous avons pu situer une fenêtre qu’on ne pouvait pas connaître par ailleurs. Le décor d’Autun a montré la présence de fenêtres hautes avec les bords en biais (ébrasures), ce qui a permis de comprendre d’où venait l’éclairage dans la pièce et même l’épaisseur du mur. Et puis, il y a tous les cas de formes architecturales un petit peu plus complexes. Par exemple, si les enduits sont courbes ou plats, on a probablement affaire à un plafond ou à une voûte. Il peut y avoir des niches, des absides, des exèdres, etc.

Un autre et dernier aspect architectural que l’on peut évoquer est la lecture dans l’enduit, de réfections et des travaux. Le décor peut être cassé, évacué et refait à neuf, mais la pièce, le mur ou simplement l’enduit peuvent être modifiés sans que l’on ait supprimé le décor existant. Par exemple, à Nîmes, sur un mur, on s’est aperçu que l’on avait deux zones rectangulaires présentant le même décor que sur le reste de la paroi, mais avec un mortier différent : des fenêtres avaient été bouchées et l’on y avait refait l’enduit. Il y a aussi des cas assez fréquents où deux décors sont superposés : il y a eu une réfection du décor. On le voit parce que, pour poser un enduit sur un précédent qui est par définition très lisse, on a dû le piquer, faire plein de petits trous pour permettre d’accrocher le mortier.

Vous travaillez actuellement sur la fouille du site de la Verrerie qui a livré beaucoup de murs peints, qui font actuellement l'objet d'une exposition« Retour à la poussière » au musée départemental Arles Antique . Comment en êtes-vous venu à travailler sur ce site ?

Il s’agit d’une fouille programmée qui a été engagée en 2013, sur la rive droite du Rhône, dans le quartier de Trinquetaille. Le site est classé au titre des Monuments historiques du fait de la présence d’une verrerie du XVIIIe siècle et du parc qui l’environne. Des fouilles ont eu lieu dans les années 80 qui ont révélé des vestiges romains de maisons du IIe siècle après J.-C. avec de grandes mosaïques. La végétation a ensuite repris ses droits et vers 2012, la ville a dû assurer des travaux d’entretien et de débroussaillage du site, assortis d’une demande de surveillance archéologique par l’État. À l’occasion, les archéologues du musée départemental Arles Antique se sont aperçus qu’il y avait, sous les sols des maisons du IIe siècle, un niveau inférieur et notamment un petit bout de mur avec 20 cm de peintures resté en place, que j’ai expertisées comme datant du Ier siècle avant notre ère. On ne pensait pas que la ville s’était développée aussi tôt sur cette rive ! S’engage une fouille programmée assurée par le Musée départemental, sous la direction de Marie-Pierre Rothé, assortie d’une demande particulière de l’État qu’un spécialiste assure la fouille et le prélèvement de ces peintures, ce qui a donné lieu à un partenariat entre l’Inrap et le musée.

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Arles (Bouches-du-Rhône), site de la Verrerie, maison de la Harpiste, vue de la pièce VIIIb.

©  J. Boislève, Inrap – MDAA

 

Quel type d’enduits peints avez-vous fouillés et prélevés sur ce site ?

Ce sont des peintures datées probablement des années 70 avant J.-C., une phase qui correspond à ce que l’on appelle le « deuxième style pompéien ». Succédant au « premier style pompéien », qui imitait des riches décors architecturaux – colonne, arcades, plafonds …- par le travail du stuc en relief, le deuxième style vise le même objectif en s’appuyant uniquement sur la peinture. L’utilisation savante de la couleur et d’effets d’éclairage crée une illusion parfaite de relief et de volume. On retrouve ce type de décor dans quelques sites importants de la Gaule, à Glanum (Saint-Rémy-de-Provence), par exemple.

La grande nouveauté de la fouille du site de La Verrerie est d’avoir livré une pièce d’apparat avec des figurations de grande taille, des « mégalographies », très rares en Italie et jusqu’alors inconnues en Gaule. C’est la preuve qu’il y avait bien des peintres très qualifiés dans les régions du Sud de la Gaule et pas uniquement, comme on le supposait, des artisans moins qualifiés qu’à la cour de Rome ou dans les cités de la région vésuvienne. 

Que nous disent les décors peints sur la vie des habitants et comment ont-ils évolué ?

Si l’on regarde une vue de Pompéi aujourd’hui ou d’un autre site bien conservé comme Éphèse en Turquie, ce sont des sites colorés. Même la statuaire était la plupart du temps polychrome. Ces décors nous donnent une connaissance du cadre de vie, du statut des bâtiments et de la hiérarchie des espaces. Pour une très grande villa, par exemple, toutes les pièces ne sont pas forcément peintes. L’importance donnée au décor varie selon la fonction de la pièce, si c’est plutôt une pièce de réception de l’espace public de la maison, ou plutôt une pièce privée, ou un couloir de service. Il faut estimer le niveau de luxe de cet apparat. Une maison modeste va peut-être, dans sa pièce la plus importante, avoir un décor modeste, à fond blanc avec trois bandes rouges, et ce même décor pourra être celui d’une pièce de service secondaire dans une très riche maison.

L’iconographie et la signification du décor soulèvent des questions plus compliquées. Qu’est-ce que ces décors nous disent du propriétaire ? Le décor, par exemple, que l’on étudie en ce moment à Arles, représente des personnages du culte de Bacchus, un thème qui est assez récurrent. Est-ce qu’il s’agit du décor d’une salle de réception, d’une salle à manger, invitant -  pour schématiser - aux orgies, aux réceptions, ou est-ce que ce décor marque une intention religieuse particulière ?


Il y a des cas que l’on pense pouvoir comprendre. Par exemple, une pièce d’une riche domus de Nîmes a livré la fameuse mosaïque du châtiment de Penthée, qui représente un épisode des Bacchantes d’Euripide. Sur les murs, les peintures représentent Apollon musagète, c’est-à-dire un Apollon qui joue de la cithare et qui est entouré des neuf muses, symbole des arts. Dans ce cas, il nous semble percevoir la volonté du propriétaire d’exposer aux visiteurs sa culture littéraire et artistique. Des décors du même type, à Périgueux et à Autun, représentent des scènes de gladiature. On peut émettre l’hypothèse que ces scènes de grande taille commémorent des jeux offerts par le propriétaire dans le cadre de la cité. Ils rappellent que cela leur a coûté très cher et ils en tirent du prestige…mais dans bien des cas, il faut admettre que nous n’avons pas toujours les clés pour comprendre la signification précise de ces scènes figurées et l’intention initiale du commanditaire.

De quelle manière les styles de peinture ont-ils évolué ?

Les Romains ont développé, avec les premier et deuxième styles, une peinture domestique en se basant sur ce qu’ils ont découvert en Grèce, où le stuc et la peintures imitaient de riches architectures. Puis, la paroi est déstructurée et se charge d’objets, de motifs et de personnages avec encore une volonté illusionniste qui détaille l’objet peint en cherchant à reproduire le réel. Par la suite, les motifs se simplifient, ils deviennent plus stylisés et souvent plus grands ; il en est de même pour l’imitation de l’architecture, qui devient complètement irréaliste, ouvrant des arrières plans imaginaires au-delà des murs.

Prenons à titre d’exemple le candélabre, motif très fréquent en décoration murale : dans les peintures du Ier s. apr. J.-C., il est représenté avec ses pieds et sa tige de métal…des lignes en dégradé rendent le volume du fût rond. Au fil du temps, enrichi de motifs végétaux et animaux, il devient un simple élément décoratif visant à séparer verticalement les panneaux, sans plus renvoyer à sa signification première de luminaire. Cette tendance à la simplification correspond à une évolution du goût, mais aussi à l’avantage qu’elle offre d’une plus grande rapidité d’exécution et donc d’une baisse des coûts.

La connaissance des styles pompéiens s’interrompt avec l’éruption du Vésuve en 79 apr. J.-C. Après cette date, faute d’autant de peintures en place, ce sont les peintures fragmentaires, sur d’autres sites qui doivent nous permettre de retracer l’évolution des modes et des styles.

Si la technique est romaine, les styles ont-ils évolué de manière indépendante en Gaule ?

Effectivement, aux premiers temps, en Gaule, les peintures sont très conformes à ce qui se fait en Italie. Ce sont même sans doute des artisans italiens qui sont venus faire les décors de la maison de la Harpiste à Arles. Au fil du temps, les artisans locaux vont créer des modes différentes, ne plus suivre ce qui se fait à Rome ou développer des variantes régionales.

Par exemple, dans l’actuelle Bretagne - l’Armorique romaine - plus de 35 sites ont livré des décors de plafond aux enduits incrustés de coquillages, qui datent essentiellement du début du IIIe siècle apr. J.-C. On ne les retrouve nulle part ailleurs dans le monde romain. Sans doute l’œuvre d’ateliers locaux, ces décors étaient coûteux par le travail minutieux qu’ils demandaient et réservés à des bâtiments riches ou à des thermes.

L’étude des coquillages montre qu’il y a un travail de ramassage sur l’estran et de sélection/composition très précise. L’incrustation des coquillages se fait sur fond peint, par couleur - les tellines et donaces jaunes sont placées sur fond jaune, celles violacées sur les fonds bleus, les roses sur les fonds rouges, etc. – sans trop les resserrer, de manière à laisser visible le fond de peinture, et sans trop les enfoncer, de manière à garder un effet de relief.  Il s’agit d’un artisanat hybride, entre la peinture et la mosaïque, qui a rencontré un certain succès auprès des propriétaires et qui a cohabité avec d’autres types d’enduits plus courants comme les imitations de marbre ou des représentations de tableaux figurés.