L’aménagement par un particulier d’une habitation aux abords de la deuxième enceinte médiévale de Sury-le-Comtal (Loire) a donné lieu, durant l’automne 2021, à une fouille alliant étude de bâti et recherches sédimentaires. Elle a été motivée par la présence sur la parcelle concernée d’une des dernières tours du rempart du XIIIe siècle encore en élévation, et par la découverte lors du diagnostic d’éléments en bois conservés dans le comblement de l’ancien fossé (douves).

Dernière modification
24 février 2022

Évolution des fortifications de Sury-le-Comtal (XIIIe-XIVe s.)

La parcelle fouillée est située sur un point clé pour la compréhension de l’évolution des fortifications suryquoises, à la jonction des deuxième et troisième enceintes. Le bourg de Sury s’organise au moins dès le XIIe siècle autour d’un château, protégé par une première enceinte. La création d’un autre rempart répond au développement démographique de la ville qui, probablement au XIIIe siècle, s’étend au sud et à l’est. Enfin, au début du XIVe siècle, la dernière enceinte est bâtie afin de protéger le nouveau faubourg : la villa nova. Ces fortifications apparaissent sur la représentation de Sury-le-Comtal dans l’Armorial d’Auvergne, dit Armorial de Revel, réalisé dans le courant du XVe siècle.

La tour d’enceinte, remarquablement conservée sur trois niveaux, est typique pour ce genre d’ouvrage. En forme de U, elle était, à l’origine, ouverte à la gorge (sur sa face arrière) et possédait trois ouvertures de tir dans sa partie basse (une dans l’axe principal, la capitale, et deux latérales). Le rempart de la troisième enceinte, observé lors de la fouille, établissait sa jonction contre cette tour en coupant le fossé qui s’étendait à ses pieds. Large de 1,40 m et composé essentiellement de galets de rivière et de pierres locales, il est d'une facture similaire à la tour.

Du militaire au résidentiel : un changement d’usage inscrit dans les murs

Dès la fin du Moyen Âge, le rempart et la tour subissent des bouleversements. Sur la tour, l’ouverture de tir capitale est élargie, afin de laisser entrer plus de lumière, et un passage est aménagé dans le rempart. C’est en tout cas ce que semble indiquer le piédroit en pierre de taille, sculpté et muni d’encoches d’huisseries et serrurerie, retrouvé dans l’ébrasement d’un placard plus récent. Des marques lapidaires ont été observées sur chacun des piédroits.

Entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, au moment où les éléments fortifiés de la ville perdent leur vocation militaire, une maison est bâtie contre l’enceinte et la tour, entraînant tant de perturbations dans les maçonneries (reprises, percement de conduits de cheminées, de placards, etc.) qu’il a été impossible sur le terrain de retrouver le rempart primitif sur cette façade. La tour subit également quelques modifications qui la rendent en partie habitable. Les ouvertures sur la face arrière sont murées, deux accès sont percés (rez-de-chaussée et 1er étage) détruisant une des ouvertures de tir latérales, et un placard est aménagé dans la niche de la seconde, la masquant complètement. L’ouverture de tir capitale est en partie condamnée et la partie supérieure est encore élargie pour former une petite lucarne.

Vue générale de la façade interne de l’ancienne maison et de la tour d’enceinte.

© Guillaume Martin, Inrap

Des activités artisanales...

La fouille sédimentaire s’est concentrée sur l’étude du fossé d’enceinte mesurant environ 10 mètres de largeur. La proximité de la nappe phréatique a permis la conservation de nombreux éléments en bois qui sont encore en cours d’étude, mais certaines phases d’occupation sont déjà nettement visibles. Après une période de comblement assez lent du fond du fossé, des caissons constitués de planches de bois assemblées et maintenues par des pieux profondément enfoncés dans le sédiment ont été mis en évidence. Ils appartiennent probablement à un vivier installé directement sur le cours du fossé et témoignent d’une activité piscicole.

Caisson de bois fixé par des pieux interprété comme un vivier, retrouvé dans le comblement du fossé.
Caisson de bois fixé par des pieux interprété comme un vivier, retrouvé dans le comblement du fossé.
© O. Royet, Inrap

D’autres structures plus légères (clayonnages) y sont également associées et des débris de vanneries ont été observés dans le comblement. Le mobilier céramique retrouvé dans cette couche pourrait dater de la fin du Moyen Âge, des datations complémentaires seront réalisées sur les bois prélevés afin de préciser la chronologie de mise en place de ces structures.

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Exemple de clayonnage retrouvé en place dans le fossé lors de la fouille.
© Christine Ronco, Inrap



… Aux activités métallurgiques

Ces niveaux sont scellés par un nouvel abandon du fossé progressivement comblé. Aux environs du XVIIe siècle, comme le montrent les céramiques récoltées, un petit canal large d’environ 1 m et peu profond, est creusé dans le fossé pour les besoins d’une activité métallurgique.

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Coupe du petit canal creusé dans le comblement du fossé d’enceinte et bordé de pieux. Le comblement de couleur rouille est composé de déchets d’une activité métallurgique.
© Benjamon Oury, Inrap


De nombreuses scories et des éléments métalliques, notamment des petites aiguilles en bronze, ont été trouvés dans son comblement. Le rempart de la troisième enceinte a vraisemblablement été modifié à ce moment-là. Il présente deux grosses dalles de pierres au passage du canal et une structure en bois encore non identifiée a été observée dans le canal juste en contrebas de ces dalles. L’activité métallurgique est la dernière à se dérouler dans ce secteur, remplacée à la fin du XVIIe siècle par de l’habitat dont l’établissement est favorisé par le comblement total du fossé et sa déviation en amont.

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Structure en bois découverte dans le petit canal à l’aplomb du mur de la troisième enceinte.
© Benjamin Oury, Inrap



Malgré une emprise très modeste (180 m²) cette fouille a donné de bons résultats grâce à l'excellente conservation des vestiges enfouis. Elle permet d’approcher localement l’évolution d’un quartier périphérique de la ville médiévale de Sury-le-Comtal et de tester les hypothèses déjà émises sur les différentes enceintes. Les indices observés dans les couches archéologiques permettent de retracer les différentes activités qui ont eu lieu dans le secteur depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à nos jours. Les différentes études en cours sur le mobilier récolté ainsi que les datations qui seront réalisées permettront de préciser la chronologie et d’affiner les interprétations.

Aménageur : Particulier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne - Rhône-Alpes)
Équipe : Guillaume Martin (photogrammétrie), Pierre Rigaud (étude du bâti), Blandine Lecomte-Schmitt (Xylologue), Alban Horry (céramologue), Sylvaine Couteau et Pierre Thiolas (topographes), Christine Ronco, Karine Giry, Olivier Royet (fouille), Inrap
Responsable scientifique : Benjamin Oury, Inrap