Émissions de radio
Aucun vote pour le moment
Mis à jour le
11 juillet 2024

Avec André Delpuech, conservateur général du patrimoine, chercheur au Centre Alexandre Koyré à l’EHESS, et ancien directeur du musée de l’Homme et responsable des collections des Amériques au musée du Quai Branly.

Le 12 octobre 1492, sur une île des Bahamas, la société taïno bascule brutalement dans le crépuscule de son histoire. Les caravelles de Christophe Colomb jettent l’ancre et découvrent les premiers amérindiens.

La culture taïno s’épanouit entre les Grandes Antilles et les Bahamas, notamment dans les îles d’Hispaniola, désormais Haïti, République dominicaine et Porto Rico. L’arrivée des caravelles de Christophe Colomb, en 1492, signera la fin du premier peuple amérindien de la mer des Caraïbes à avoir subi la conquête européenne et à avoir été anéantis par la colonisation, les guerres et les maladies.

860_sc_2554.jpg
Siège réservé aux caciques nommés "duho", taillé dans un tronc de gaïac, à la forme d'un être hybride qui mélange des traits humains et félins (14è s) - © Musée du quai Branly - Jacques Chirac - Hugues Dubois

Entre politique et religion : la société taïno

Seuls quelques mots taïnos sont parvenus dans la langue française dont, en tête, « cacique » mais aussi « tabac, hamac, yucca, maïs, patate et barbecue », enfin « ouragan ». Pour autant que sait-on sur cette société ?

« Ils vont nus, tels que leur mère les a enfantés, peignent le corps en brun ; d’autres se peignent en blanc et d’autres en rouge vif… et les femmes aussi » Christophe Colomb.

D’origine amazonienne, et notamment des sources de l’Orénoque, la communauté Taïno, locuteur de l’Arawak est une société parfaitement adaptée aux espaces maritimes et insulaires. Les Taïnos sont des agriculteurs, ne possédant pas d’écriture, mais ayant développé des sociétés complexes. Entre les XIIe-XVe siècles, ces chefferies taïnos, régies par des caciques, sont alors organisées de manière très hiérarchique. Ce pouvoir centralisé, associé à une importante démographie, autorise alors la réalisation de grands travaux d’aménagement. Au cœur des chefferies taïnos, le politique et le religieux s’interpénètrent. Au côté du cacique, officie le chamane ou « behique ». Pour mieux accéder à l’au-delà, après un jeûne puis une purification par vomissement, chamanes et caciques devaient inhaler la poudre d’une plante hallucinogène (la Cohoba), entraînant une transe hypnotique, en lien avec les esprits des strates supérieures. Les grands centres cérémoniels d’Hispaniola voyaient de puissants rassemblements religieux.

860_sc_71-1878-1-163-am-a.jpg
Sculpture (ou zemi) en pierre, représentant les divinités taïnos, esprits des ancêtres et de la nature, conservées dans les maisons des caciques ou les temples - © musée du quai Branly - Jacques Chirac / Thierry Ollivier / Michel Urtado

Kalinagos : Caraïbes ou cannibales ?

Les Kalinagos, entre Trinidad et la Guadeloupe, sont des sociétés bien plus belliqueuses que les Taïnos. Ceux-ci se regroupent sous la forme de puissantes coalitions temporaires afin de mener des raids jusqu'à Porto Rico ou sur le continent. Les objectifs sont alors l’acquisition de biens, le rapt de femmes et la capture de prisonniers destinés à certains rites anthropophages.

860_sc_dsf9973.jpg
Statue Taino Zemi, Hispaniola, République Dominicaine, datation : 1299 - 1370 A.P. J-C - © Vincent Girier Dufournier

À la fin du XVe siècle, ces habitants des Petites Antilles, rencontrés pour la première fois en Guadeloupe lors du second voyage de Christophe Colomb en novembre 1493, ont été d’emblée appelés Caribes et /ou Cannibales, le mot ayant la même étymologie. Quoiqu’il en soit, les Kalinagos résisteront longtemps aux colonisations françaises et anglaises du XVIIe siècle, quelques groupes se maintenant jusqu’à nos jours à la Dominique.

860_sc_collage-objets-tainos.jpg
Spatule vomitive utilisée pour se purifier par les shamanes ou caciques lors du rituel de la "cohoba" (inhalation d'une substance hallucinogène) - © musée du quai Branly - Jacques Chirac / Claude Germain

Quand les Taïnos s’exposent

Si la notoriété de cette société préhistorique antillaise a désormais, en France, dépassé le simple cercle des initiés, c’est sans nul doute au travers d’une exposition, en 1994, au Petit Palais : « l'Art des sculpteurs taïnos : chefs-d'œuvre des Grandes Antilles précolombiennes », manifestation née de l’intérêt voire de la passion d’un homme, alors maire de Paris, Jacques Chirac. Le but d’alors était, non seulement de rendre hommage aux sociétés autochtones amérindiennes, comme de répondre aux célébrations polémiques des 500 ans de la « découverte de l’Amérique » en 1992.

Trente ans plus tard, le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac rouvre le dossier au travers d’une nouvelle exposition « Taïnos et Kalinagos des Antilles », du 4 juin au 13 octobre 2024.

860_sc_aff-mqb-tainos-exe-v.jpg
Affiche de l'exposition - © musée du quai Branly - Jacques Chirac / DA©j6

Archive sonore

Nous remercions l'Ina, et Sylvia Monduc, pour les deux archives diffusées dans l'émission, extraites de l'émission "Pot au feu" (producteur Jean Lebrun) du 10 avril 2000, comportant un extrait du discours d'inauguration de l'exposition au Petit Palais à Paris consacrée aux Taïnos, prononcé par le maire de Paris, Jacques Chirac en 1994.

Pour aller plus loin

Année :
2024
Durée :
30 min
Année :
2024