Une équipe de l’Inrap réalise actuellement une importante fouille au cœur de Talmont-Saint-Hilaire et révèle un pan essentiel de l’histoire de la ville depuis l’an mille. Installé dans l’estuaire du Payré, le port mis au jour est intimement lié à l’évolution du château qui le surplombe.

Dernière modification
19 novembre 2021
 

Prescrite par l’État (Drac Pays de la Loire), l'opération menée par l'Inrap au cœur de Talmont-Saint-Hilaire (Vendée) précède la construction du siège de la Communauté de Communes de Vendée Grand littoral. Ce chantier couvre 2500 m2 et près de 3 m de stratigraphie et révèle un pan essentiel de l’histoire de la ville.
 
 

Un secteur stratégique de la Vendée médiévale

La fouille est l’occasion de comprendre l’évolution de Talmont-Saint-Hilaire tout au long de la période médiévale. Pour la première fois, elle permet d’associer la fouille d’un château et d’un port médiéval. Fondée au Xe siècle et démantelée en 1628, cette forteresse est le siège d’une puissante seigneurie. Implantés sur un éperon rocheux, qui crée une limite entre l’espace fluvio-marin et le continent, le château et son bourg castral sont situés à la confluence de deux petits fleuves, le Payré et la Sauvagère. La vie économique et sociale de l’agglomération fortifiée s’y organise en étroite connexion avec les marais salants, les forêts environnantes (vastes domaines de chasse) et le littoral. Ce dernier fait d’ailleurs l’objet d’aménagements portuaires spécifiques permettant de relier l’océan à la commune. Il en subsiste encore aujourd’hui des traces discrètes dans les infrastructures aménagées à l’embouchure du Payré, des avant-ports de la Vinière et de la Guittière, du Veillon ou encore du port maritime de la baie de Cayola. Ces sites constituent de véritables portes sur la façade Atlantique, première étape du déchargement des marchandises importées par des navires de gros tonnages. Elles sont ensuite acheminées vers Talmont par de plus petites embarcations à fond plat, grâce à un réseau de canaux aménagés. Inversement, les productions locales de vin et de sel sont exportées au Moyen Âge jusqu’en Angleterre ou sur toute la côte Atlantique, la Manche ou la Mer du Nord.

Au pied du château, un vaste espace portuaire

Des sources écrites mentionnent l’existence du port médiéval de Talmont sans qu’aucun élément concret n’en évoque l’origine ou l’emplacement exact. Les fouilles préventives menées cette année mettent au jour d’imposantes structures de quais en bois et pierre, qui confirment une importante implantation datée des Xe-XVIe siècles, dont les différentes phases de transformation semblent étroitement liées à l’évolution architecturale du château.
Le port constituait un axe important d’acheminement des denrées et matières premières nécessaires à la vie quotidienne des habitants du bourg et du domaine castral. Il était aussi un point central d’acheminement des matériaux de construction du château depuis le front de mer : des blocs de calcaire jaune taillés sur les falaises ou des galets directement prélevés sur la plage.

Le contexte humide a permis la conservation de matériaux organiques (bois, graines, cuir...) très souvent disparus des terrains de fouilles. Les aménagements portuaires en bois sont ainsi intacts, permettant l’étude de l’organisation des espaces navigables, des berges de différents canaux, des espaces de déchargement, de stockage ou de redistribution des marchandises. Les archéologues ont mis au jour des alignements de pieux, des pièces de bois, poteaux et poutres. Leur analyse par dendrochronologie permettra de préciser la chronologie du site de manière très fine. Elle favorisera la compréhension architecturale et structurelle de ces aménagements. La mise en évidence de traces d’outils constituera par ailleurs une source précieuse pour documenter les méthodes de construction et les pratiques artisanales. Le chantier a également livré un mobilier abondant et d’une grande variété, témoignant de la vie quotidienne des habitants sur une période clé de l’histoire de l’agglomération portuaire.

Contexte favorable à la conservation des vestiges et fouille complexe

À Talmont, la densité des vestiges et la grande complexité des découvertes nécessitent la sollicitation, dès la phase de terrain, de nombreuses compétences scientifiques. L’analyse des sédiments induit la réalisation de carottages et de prélèvements, dont l’étude permettra aux géomorphologues de comprendre l’évolution du site au fil du temps et les méthodes de comblement (naturelle ou anthropique) des anciens marais. L’intervention de spécialistes du paléoenvironnement a déjà permis des observations carpologiques (graines), palynologiques (pollens), anthracologiques (charbons de bois) ou malacologiques (coquillages, crustacés). Lors du tamisage des terres, de nombreux restes organiques ont été mis en évidence qui donnent des indications sur les denrées consommées et cultivées par les populations, mais aussi sur la fonction de certaines structures aménagées dans le port. Une quantité importante de coquilles de mollusques et d’ossements de mammifères, étudiés sur place, puis en laboratoire par l’archéozoologue interrogent sur les modes de consommation, les exportations et les dynamiques d’échanges commerciaux en œuvre à cette époque. Ils donnent également des indices sur de nombreuses activités domestiques ou artisanales, comme la fabrication d’objets en cuirs ou en matières dures animales, telles que les bois de cerfs. D’autres matériaux tels que la céramique ou le verre sont aussi très représentés et seront précieux pour affiner la chronologie d’un site qui semble se développer dès le Xe siècle, et disparaître, quand le château est démantelé.

Aménagement : Communauté de Communes Vendée Grand Littoral
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (DRAC Pays de la Loire)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Stéphane Augry, Inrap
Directrice adjointe scientifique et technique : Hélène Jousse, Inrap
Responsable de secteur : Pierrick Matignon, Inrap
Xylologue : Pierre Pefau, Inrap
Chargés de recherches CNRS : Vincent Bernard, Responsable du laboratoire ArchéoSciences, UMR 6566 CReAAH, Univ. Rennes 1; Frédéric Epaud, CITERES - UMR 7324, Laboratoire Archéologie et Territoires, Univ. Tours