Les méthodes de datation

La datation d’un site archéologique permet de le situer dans une période chronologique donnée, mais aussi de déterminer les différentes phases de son occupation, continue ou non.  
Les méthodes de datations se nourrissent mutuellement et il est rare qu’une seule soit employée. Ainsi, une typochronologie peut être précisée par une datation C14, de même qu’une datation C14 peut être calibrée par d’autres références.

Les méthodes de datation relative

Détail de la stratigraphie du site du Chemin de la fosse de la Haie à Changis-sur-Marne, 2012.
Différents dépôts de sables de la Marne déformés par le gel sont observables
© Denis Gliksman, Inrap

Elles permettent de dater un vestige ou tout un site, soit en établissant des liens chronologiques avec d’autres vestiges du même ensemble, soit en les comparant à des corpus déjà établis de vestiges ou sites datés.

La stratigraphie se base sur l’étude de la succession des couches archéologiques (de la plus ancienne, c’est-à-dire la plus profonde, à la plus récente), en tenant compte des modifications engendrées par des phénomènes naturels (dépôt d’alluvions, éruption, glissements de terrain…) ou des actions anthropiques (recreusement, reconstruction, remblai…). Elle permet d’établir les rapports d’antériorité / postériorité /contemporanéité entre les différentes unités stratigraphiques telles que les couches, les murs, les creusements…

La typochronologie se fonde sur l’évolution des caractéristiques – forme, décor ou encore mode de fabrication - des objets comme les céramiques, le mobilier métallique etc. Les archéologues et les spécialistes peuvent dater les objets qu’ils mettent au jour par comparaison à des typologies de référence. Inversement, des objets bien datés permettent de faire évoluer les typochronologies.

La sériation (approche statistique) appliquée à des ensembles de vestiges peut permettre d’en proposer une hiérarchisation chronologique. Cette méthode est très utilisée sur les tombes avec dépôt d’objets : elle permet de mieux comprendre dans quel ordre les sépultures ont été installées et de reconstituer le schéma d’extension d’une nécropole.

Les méthodes de datation absolue

A partir de mesures et d’analyses physico-chimiques, elles permettent de dater un échantillon sans se référer à son contexte archéologique. Chaque méthode a une « période d’application », en-dehors de laquelle elle n’est plus pertinente.

La dendrochronologie

Prélèvements pour une datation par dendrochronologie © Hervé Paitier, Inrap

La dendrochronologie se base sur l'étude des variations d'épaisseur des cernes des troncs d'arbres. Dans les régions où le climat impose chaque année un cycle de repos et d’activité pour la végétation, la croissance irrégulière des arbres se traduit par des cernes annuels, dont les caractéristiques, en particulier leur épaisseur, dépendent des facteurs climatiques et varient d’une année à l’autre. Des séquences de cernes comparables peuvent être observées sur les arbres d’une même essence soumis au même climat, et constituer une signature chronologique.
Ainsi, en comparant la séquence mesurée sur une pièce de bois à des séquences de référence datées, on peut déterminer la période de croissance commune. Si l’aubier est présent, il est possible de déterminer l’année exacte de coupe de l'arbre. La dendrochronologie est également précieuse pour l'étude des climats du passé, jusqu’au Néolithique.

Les méthodes isotopiques ou radiométriques

Ces méthodes utilisent la variation régulière de la proportion d’isotopes radioactifs par rapport aux isotopes stables contenus dans un corps, au cours du temps. Cette variation repose sur une loi de décroissance exponentielle connue, la demi-vie : c’est la durée nécessaire pour que la moitié des noyaux de l’isotope perdent leur radioactivité.

La datation par carbone 14 est la méthode isotopique la plus employée. Elle se base sur la désintégration progressive du carbone 14 (C14), l’un des trois isotopes du carbone. Sa demi-vie est d’environ 5 730 ans. En fonction de la proportion restante de C14 par rapport à la forme stable du carbone (C12), on peut déterminer le temps écoulé. Cette méthode s’applique aux carbonates et aux matériaux archéologiques constitués à partir de matière organique : charbons de bois, ossements, macro-restes végétaux, tourbes, mais aussi colles, résidus culinaires, colorants… Elle nécessite cependant une « calibration », c’est-à-dire la correction de la datation obtenue pour tenir compte de la variation de la radioactivité ambiante depuis deux millénaires, ou encore du taux de C14 plus faible en milieu marin que sur terre. Cette correction s’obtient par des méthodes complémentaires (dendrochronologie, Uranium-Thorium).

La datation par Potassium-Argon s’applique aux roches éruptives pour des périodes allant de 100-500 000 ans à 10 millions d’années. Sachant que le potassium 40 (K40) se transforme en argon 40 (Ar40), on mesure les proportions d’isotopes K40-Ar40 par spectrométrie de masse. En archéologie, on peut ainsi dater des niveaux du Paléolithique inférieur interstratifiés avec des couches provenant d’éruptions volcaniques.


De même, la datation par Uranium-Thorium permet d’obtenir des dates pour les périodes allant de 10 000 à 350 000 ans. On l’emploie sur les planchers stalagmitiques, en sédimentologie marine, ou sur les carbonates continentaux.

Les méthodes de physique du solide

Des méthodes de physique du solide sont également utilisées en archéologie. C’est le cas de la datation par thermoluminescence (jusqu’à 200 000 ans). Cette méthode s’appuie sur le fait que les cristaux (quartz, feldpath…) présents dans les matériaux utilisés pour fabriquer, par exemple, des céramiques, « récupèrent » au cours du temps la totalité de la charge énergétique accumulée depuis la dernière cuisson. Pour dater cette cuisson, la pièce de céramique est à nouveau soumise à une température élevée : la quantité de lumière émise permet de restituer le temps écoulé entre les deux cuissons.
Quant à la résonance paramagnétique/électronique (RPE, ou ESR en anglais), elle est utilisé pour la datation jusqu’à un million d’années de calcite, et jusqu’à 5 millions d’années des os et des dents.

L’archéomagnétisme

Enfin, l’archéologie peut recourir à la datation par archéomagnétisme. On sait que les matériaux donnent le sens du champ magnétique terrestre au moment où ils ont été chauffés : lors du refroidissement, la dernière organisation interne des matériaux est ainsi mémorisée. Connaissant les variations du champ magnétique terrestre, il est possible de déterminer la date de la chauffe de l’échantillon (argile, coulée volcanique). Cependant, le champ magnétique évolue et une même orientation peut correspondre à plusieurs dates. D’autres éléments comme la stratigraphie ou le mobilier vont permettre à l’archéologue de trancher.
Cette méthode s’applique jusqu’à quelques dizaines de milliers d’années et principalement à des fours de potier en place, car le matériau ne doit pas avoir été déplacé depuis sa dernière chauffe.