Le collège Victor Hugo à Narbonne est situé à l'emplacement du Capitole, temple majeur de la cité antique qui avait fait l’objet de fouilles archéologiques à la fin du XIXe siècle lors de la construction de l’établissement. Dans le cadre d’un Parcours d’éducation artistique et culturelle (Péac), soutenu par le Conseil départemental de l’Aude et par la Drac Occitanie, la cour centrale du collège a fait l’objet depuis 2017 de trois nouvelles campagnes de fouille. Pour cette troisième et dernière campagne, accompagnés par une équipe de l'Inrap et des chercheurs du CNRS (UME 5140 et IRAA), les jeunes archéologues du collège ont mis au jour de nouveaux vestiges qui permettent de mieux appréhender la phase de destruction du Capitole et ils ont pu à l'occasion approfondir leur connaissance de l'histoire et du riche patrimoine de leur ville.

Dernière modification
19 juin 2019

« la traversée culturelle du collège Victor Hugo »

En 2016, l’Inrap et le Collège Victor Hugo initient un Péac sous la forme d’une « résidence d’archéologues ». Articulé autour de la fouille programmée du Capitole de Narbonne, dont les objectifs scientifiques et techniques ont été définis et validés par le Service régional de l’archéologie, cette initiative s'inscrit dans le projet pédagogique de l’établissement soutenu financièrement par le Conseil départemental de l’Aude sous l'intitulé : « la traversée culturelle du collège Victor Hugo ». En mai 2017, la totalité des élèves de 6e, soit 160 élèves, suivent plusieurs heures de sensibilisation aux sciences et aux méthodes de l’archéologie, puis participent aux fouilles. Un an plus tard, lors de la deuxième campagne, c’est un groupe de 30 élèves de 5e qui travaille sur le chantier et c'est ce même groupe groupe de trente élèves, aujourd’hui en 4e, qui vient de participer à la fouille du mois de mai 2019, tandis que les 750 élèves du collège étaient sensibilisés aux objectifs de la recherche archéologique.

Mercredi 12 et jeudi 13 juin, à la veille des Journées nationales de l'archéologie, les résultats des fouilles ont fait l'objet d'une restitution auprès des 750 élèves du collège sous la forme de trois ateliers animés par les archéologues (présentation du contexte de la ville et du capitole romain, exposition de photos et d'objets trouvés durant la fouille et visite du chantier).  Jean-Michel Malvis, principal du collège Victor Hugo, résume : « il y a un double enjeu : le projet scientifique mené par les archéologues, mais aussi le projet pédagogique, pour nous, de sensibilisation à la culture et au patrimoine de la ville ». Pour ce programme innovant au sein duquel la discipline archéologique s’inscrit comme vecteur d'apprentissage de la citoyenneté, le collège Victor-Hugo de Narbonne a reçu le trophée 2019 de l'Inrap dans la catégorie « Éducation artistique et culturelle », remis à l'occasion de la soirée annuelle de l'Inrap au Musée de Cluny, le 4 juin.

Comprendre la fondation et l’abandon du Capitole

La troisième campagne de fouille de la cour du collège Victor Hugo s’est concentrée sur l’extrémité de l’angle nord-ouest du portique entourant le temple. Cette zone partiellement fouillée au XIXe siècle a permis d’étudier non seulement les vestiges bâtis du monument et les éléments issus de son élévation (décor, blocs d’architecture), mais également les constructions antérieures à l’édifice et ses abords immédiats. Les objectifs scientifiques définis avec la Drac ont visé à dégager les vestiges découverts puis remblayés au XIXe siècle, à effectuer des levés topographiques et photogrammétriques pour confronter les nouvelles données aux sources anciennes, ainsi qu’à approfondir les recherches dans des niveaux ou surfaces non dégagés précédemment. Les résultats sont à la hauteur des attentes.

Un monument largement démantelé

Plusieurs éléments témoignent du démantèlement systématique du Capitole. Le fort arasement du mur extérieur du portique ou l’absence du dallage qui ornait le sol du temple indiquent l’importance du processus de récupération des matériaux . Dans le sondage réalisé, seule subsiste la base d’une colonne monumentale. Les informations issues de la fouille laissent à penser que dès la fin de l’Antiquité les éléments du Capitole sont très largement soustraits comme souvent l’ont été les édifices monumentaux à cette période pour produire de la chaux, parfois pour être réutilisés comme éléments de construction.

De nouvelles données architecturales

De nombreux éléments de construction ont été découverts renseignant sur l’architecture du Capitole. Les jeunes archéologues et l’équipe de l’Inrap ont en effet mis au jour différents revêtements muraux tels que des enduits et des stucs, des fragments de plafond enduit, des revêtements de sol et des blocs d’architecture parmi lesquels un tambour de colonne cannelée. Cet ensemble d’artefacts permettra après étude de combler certaines lacunes dans la restitution architecturale de l’édifice.

Un quartier inattendu

Deux sondages réalisés sous le sol d’occupation du portique ont permis de caractériser l’espace urbain dans lequel le temple s’est implanté à la fin du Ier siècle avant J.-C. Le mur d’un bâtiment constitué d’une élévation en bois et terre, d’un sol interne en mortier de chaux et d’un seuil de porte réalisé à l’aide d’un bloc monumental en remploi ont été dégagés. L’abondance de scories métalliques et la présence d’un probable puits orientent les archéologues vers une activité artisanale de métallurgie. Ces vestiges disparaissent sous d’épais remblais issus de la démolition d’un vaste quartier de la ville préalablement à l’édification du sanctuaire. Dans ces remblais, les élèves ont eu l’opportunité de découvrir de nombreux fragments d’enduits peints de très belle facture témoignant de l’opulence des domūs qui occupaient auparavant ce quartier de la ville antique.