Émissions de radio
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Mis à jour le
18 juin 2024

Avec Sophie Krausz, archéologue, protohistorienne, professeure des universités à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Isabelle Pichon, archéologue et responsable scientifique à l’Inrap et Séverine Braguier, archéozoologue à l’Inrap.

Voici deux décennies qu’archéologues et historiens attendaient une découverte de la sorte, une découverte d’exception, mais qui soulève bien plus d’interrogations qu’elle n’en règle. Parmi ces questions, l’une d’elle se résume ainsi : "les archéologues, au travers d'une découverte très spectaculaire, viennent-ils de mettre au jour un nouvel épisode de la Guerre des Gaules, une de ces batailles entre gaulois et légions romaines totalement oubliée de l’histoire, et par là même, mettant en lumière que, César ne nous aurait pas tout dit ?"

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Vue zénithale de la fouille de Villedieu-sur-Indre - © François Goulin, Inrap

Des fosses de chevaux

Les archéologues de l’Inrap viennent de mettre au jour, sur le chantier médiéval de Villedieu-sur-Indre, d’étonnantes fosses de chevaux. Sur le versant d’un vallon et au pied d’un oppidum gaulois, "le camp de César", neuf fosses alignées contiennent des chevaux, datés de la fin de la période gauloise, au début de l’Antiquité romaine (100 avant notre ère à 100 de notre ère). Couchés sur le flanc droit, la tête au sud, les chevaux sont alignés et ont été soigneusement déposés dans les fosses puis rapidement enfouis après leur mort.

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Fouille des squelettes de chevaux - ©Hamid Azmoun, Inrap

Séverine Braguier : "Le cheval a cette particularité, en fait, que les mâles ont des canines que les femelles n'ont pas. Donc, à partir du moment où l'on commence à voir le crâne, on voit très vite si une canine est présente ou pas. Et, donc, là, nous n'avons que des mâles."

La cavalerie fantôme de Villedieu

Tous sont des petits chevaux, d’1,20 m au garrot, caractéristiques du cheptel gaulois, mais aussi germain, et tous sont des mâles adultes de plus de 4 ans. La cause du décès ne peut donc être une épidémie - ou épizootie - qui aurait touché des juments et des chevaux d’autres âges. Ce troupeau de 28 mâles adultes est donc très probablement un troupeau de chevaux de cavalerie gauloise, peut-être sacrifiés, cela même si la cause de leur décès ne peut encore être confirmée.

Dans d’autres fosses, sont présents quelques chiens, adultes et de taille moyenne. Faut-il y voir des chiens de guerre, molosses spécialement entraînés et employés, dès l’Antiquité, dans de nombreux conflits, notamment par les gaulois ?

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Vue rapprochée des squelettes de chevaux - ©Hamid Azmoun

Une bataille oubliée de l’histoire, au pied du camp de César

À 500 m des fosses de chevaux, au sommet de la colline, se dresse une forteresse gauloise, "le camp de César" dont les archéologues ne savent pas encore grand-chose, si ce n’est qu’il appartenait au puissant peuple des Bituriges. De longs clous de fer y ont été cependant découverts, attestant la présence d’un puissant rempart, fait de poutres clouées, de pierre et de terre, décrit, dans la Guerre des Gaules, par César, sous l’appellation de murus gallicus. La découverte de balles de fronde romaines sur cet oppidum témoigne surtout d’un affrontement entre gaulois et légions romaines, bataille avant que ne débute le fameux siège d’Avaricum (Bourges).

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Vue de la fouille et de ses alentours - © Hamid Azmoun, Inrap

Sophie Krausz : "Le camp de César à Villedieu-sur-Indre est connu depuis plusieurs décennies. Il existe, dans ce camp, un très grand et beau rempart, qui n'a jamais été fouillé. [...] Ce qui est troublant, sur ce petit oppidum de moins de dix hectares, qui surplombe la vallée de l'Indre dans une topographie très intéressante sur le plan défensif, c'est qu'on y a découvert, malgré le fait qu'il n'y ait pas eu de fouilles, trois balles de fronde en plomb qui n'ont pas été tirées par des Gaulois, mais bien par des légionnaires romains. [...] Donc, la seule chose que l'on peut dire, c'est que des légionnaires romains sont passés à Villedieu-sur-Indre."

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Vue d'une fosse par le dessus - © François Goulin, Inrap

Spectaculaire mise en scène et rituel guerrier ?

Ces chevaux inhumés dans une spectaculaire mise en scène rappellent les exceptionnelles découvertes de Gondole et l’Enfer, sites gaulois dans la plaine de Gergovie. À Gondole, 8 cavaliers et leurs chevaux étaient alignés, tandis qu’à l’Enfer, 53 chevaux seuls étaient présents dans cinq fosses. Les trois sites sont surtout à quelques centaines de mètres d’un oppidum (Gergovie, Gondole et le Camp de César) où se sont déroulés des affrontements entre gaulois et armée romaine. L’hypothèse d’animaux sacrifiés, dans le cadre d’un rituel complexe, et peut-être guerrier, dont nous ne possédons que quelques bribes, doit être envisagée.

Les fouilles achevées, une longue série d’analyses sera entreprise par Séverine Braguier, archéozoologue à l’Inrap. Les analyses isotopiques et paléogénomiques permettront aussi de connaître les origines et la phylogénie de ces chevaux, ce qu’ils ont consommé, mais aussi la saison de leur abattage. La bataille de Gergovie eut lieu en été, celle de Villedieu se déroula-t-elle en hiver, juste avant le siège d’Avaricum ?

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Détail des squelettes - © Isabelle Pichon, Inrap

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Année :
2024
Durée :
30 min
Année :
2024