Bâtiments naviforme et circulaires : nouvelles données sur l’habitat protohistorique en Aunis (Nouvelle-Aquitaine, Charente-Maritime, Longèves, Rue des Grands Champs)

Sous-titre

Rapport de fouille 2019

Numéro DAP
47
Image d'entête
DAP 47 | Longèves « Rue des Grands Champs » (Charente-Maritime)
Média
DAP 47 | Longèves « Rue des Grands Champs » (Charente-Maritime)
date expertise
décembre 2022
date achevement
août 2019
Paragraphes

Le contexte

L’opération menée rue des Grands Champs à Longèves sur 6 800 m² s’inscrit dans la recherche et l’identification des occupations anciennes en bordure de l’ancien golfe des Pictons. Ce terroir qui marque les abords actuels du marais Poitevin, entre terre sèche, marais et frange maritime, présentait une diversité de biotopes et de ressources particulièrement propice aux implantations humaines.

À l’issue du diagnostic, les bâtiments identifiés sur l’emprise avaient été datés du Néolithique récent par une analyse radiocarbone. Lors de la fouille, cette phase est apparue finalement comme peu marquée sur le site et ce sont les traces archéologiques du Bronze ancien, et de manière plus accentuée, du Hallstatt C2 qui ont présentées les résultats les plus remarquables avec un ensemble de grands bâtiments.

L’habitat protohistorique

Pour le Bronze ancien, le nombre de structures identifiées et la quantité de mobilier mise au jour peuvent apparaître modestes, mais la découverte de l’emprise d’un bâtiment naviforme au plan particulièrement bien structuré est un élément scientifique nouveau pour la connaissance des grandes constructions de cette période (fig. 1). En effet, l’édifice mesurait 13 mètres de long, pour une largeur variant de 2,65 à 6 mètres. Soit une superficie totale de 54 m². Il présente la trace d’un foyer en partie centrale et il est bien calé chronologiquement par un petit lot de céramiques et deux datations C14. Il vient s’intégrer à la série des grands bâtiments du Bronze ancien de la région, tous naviformes, qui ne compte actuellement que quatre autres exemples, issus de trois sites. Sur ces derniers, comme dans le cas de Longèves, la phase d’occupation du Bronze ancien n’avait pas été perçue lors des diagnostics, les grands bâtiments présentaient peu ou pas de structures satellites et les ensembles mobilier ont toujours été restreints. Au niveau régional, ces sites se distinguent clairement de deux autres types d’implantation du Bronze ancien. Le premier regroupe les sites plus ou moins étendus, à structures diverses où sont présents de petits bâtiments quadrangulaires, souvent de type « greniers ». Le second concerne des gisements uniquement marqués par quelques structures isolées, dont certaines peuvent livrer des lots de mobilier significatifs. Le rapport entre ces trois grands types d’occupations et les bâtiments qu’ils abritent reste à définir.

Fig. 1 : Bâtiment naviforme du Bronze ancien en cours de fouille en période hivernale. Photo :  S. Vacher, Inrap.

Les données issues de l’occupation du Hallstatt C2, entre 725 et 650 av. J.-C, établissent une nouvelle source de référence pour les établissements ruraux du premier âge du Fer. L’étude a permis de relever le plan détaillé d’une occupation, délimitée par un enclos curvilinéaire palissadé d’une surface supérieure à 4 400 m², dans laquelle l’organisation spatiale apparaît clairement. Elle s’articule autour des deux premières maisons circulaires identifiées au sud de la Loire (fig. 2).

Fig. 2 : Entrée de l’enclos du premier âge du Fer marqué par un bâtiment sur sa partie interne. Photo : S. Vacher, Inrap.

La présence des traces de ces constructions à structure complexe, d’une typologie qui n’avait pas encore était mise au jour jusqu’à présent dans le Centre-ouest, vient alimenter une base de données régionale encore pauvre en grands bâtiments de type habitation, bien qu’elle s’enrichisse rapidement depuis ces dix dernières années. Ces constructions, qui couvrent des surfaces de plus de 100 m², présentent deux couronnes de poteaux et se différencient pour l’une, par un porche ou portique et, pour l’autre, par un poteau central. Elles sont accompagnées de treize bâtiments satellites quadrangulaires, dont certains forment des alignements et dont un, voire deux, sont directement associés à l’entrée de l’enclos. Cette dernière est axée sur l’entrée de l’une des maisons circulaires. On remarque aussi, dans l’emprise enclose, la présence d’espaces dégagés, laissés volontairement libres de tout aménagement.

Sur ce site, marqué essentiellement par des trous de poteau, le lot de mobilier découvert reste restreint, en raison de l’absence de niveau de sol ancien conservé ou de fosses dépotoirs. La céramique apporte cependant une attribution chronologique fine qui a été confirmée par six analyses radio carbone.
Comme pour la période du Bronze ancien, au vu du faible lot de mobilier et de la taille des restes découverts, on peut s’interroger sur leur nature et sur la gestion des déchets domestiques dans ces implantations ainsi que leur lieu de rejet. En effet, si l’on part de l’hypothèse que même si une seule famille nucléaire a fréquenté ces bâtiments pendant une génération, soit une trentaine d’années, la masse de rebuts produite et laissée sur place aurait dû être conséquente (fig. 3).

Fig. 3 : Bâtiment naviforme du Bronze ancien en cours de fouille. Photo : S. Vacher, Inrap.

Les données archéologiques collectées sur ces différents grands bâtiments au plan remarquable s’inscrivent dans le développement actuel des études menées sur l’habitat du Bronze et du premier âge du Fer en France, comme l’ont souligné les communications du colloque de l’AFEAF de Rennes (Villard-le-Tiec, 2018). 

Mieux appréhender le paysage régional de la Protohistoire

L’intervention conduite sur le site des Grands Champs appartient à ces opérations de fouilles effectuées sur une surface modeste, limitées par les contraintes des projets mais qui apportent des données significatives. C’est le récolement systématique des informations, souvent hétérogènes, collectées sur les fouilles et les diagnostics d’archéologie préventive qui contribue actuellement au renouvèlement progressif de notre connaissance de l’habitat de ces cultures anciennes.
Dans le Centre-ouest, cette dynamique est illustrée d’ailleurs par les données issues de trois nouvelles fouilles et au moins deux diagnostics concernant des occupations du premier âge du Fer qui ont fait l’objet de reconnaissances plus ou moins étendues. Elles regroupent les sites du Chemin de la Tonnelle à Chaniers (Ruzzu, à paraître) et Les Bonneveaux à Saint-Vivien (Giraud, à paraître) pour lesquels de nouveaux bâtiments circulaires sont mentionnés, le site des Cottes Mailles à Aytré (Fouéré et coll., 2024) et du Petit Bitard à Mauzé-sur-le-Mignon (Vacher, 2021) qui ont révélé, quant à eux, de grands bâtiments quadrangulaires et le site de Fief de Cheusse à Dompierre-sur-Mer où une nouvelle intervention a permis de circonscrire la fin de l’enclos palissadé reconnu en 2009 (Maitay, 2019).

La multiplication de ces découvertes lors d’opérations d’archéologie préventive permet de même, de produire une actualité scientifique qui touche aussi à nos pratiques professionnelles, dès la conduite des diagnostics. Ces sites de la Protohistoire ancienne, dépourvus des puissants fossés qui marquent les habitats du second âge du Fer, sont en effet plus difficilement repérables à l’occasion de survols aériens ou de diagnostics mécaniques. Ils sont encore sous représentés dans les fouilles ou décelés tardivement, lors de cette phase, sur des sites complexes où plusieurs périodes d’occupation sont présentes. Mais il est certain que dans l’avenir, leur meilleure caractérisation permettra d’améliorer leur identification dès les diagnostics, et donc, de multiplier les fouilles sur ces habitats ruraux qui restent encore méconnus sur la façade atlantique du Centre-ouest. 

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Présentation générale

1.1. Localisation et contexte environnemental
1.2. Contexte archéologique
1.3. Méthode et historique de l'intervention

2. La phase 1, des traces fugaces du Néolithique
récent

2.1. Le bâtiment 16
2.2. La structure de combustion 301
2.3. Les structures attribuables aux phases 1 ou 2
2.4. Répartition spatiale et interprétation des traces du Néolithique récent

3. La phase 2, l’occupation du Bronze ancien

3.1. Le bâtiment naviforme 14
3.2. Des structures associées au bâtiment 14 ?
3.3. La structure 13 : les traces fugace d’un second bâtiment naviforme ?
3.4. Le foyer 98
3.5. L’occupation du Bronze ancien dans son contexte régional

4. La phase 3, un habitat clos du début de l’âge du
Fer, Hallstatt C/D

4.1. La clôture du site et son entrée, le bâtiment 13
4.2. Les bâtiments circulaires
4.3. Les bâtiments annexes
4.4. Des alignements de trous de poteau dans la structure interne de l’enclos
4.5. Des trous de poteau épars
4.6. Les fosses
4.7. Les structures de combustion
4.8. L'organisation spatiale du site
4.9. Comparaison régionale

5. Phase 4, des traces d’occupation médiévale

5.1. La sépulture 263
5.2. Les fosses attribuées à la période médiévale
5.3. L’organisation des structures médiévales

6. Analyse morpho-stylistique du mobilier céramique protohistorique des Grands Champs à Longèves

6.1. Méthodologie
6.2. Répartition spatiale et quantitative du mobilier
6.3. Description du mobilier céramique par ensemble et par structure
6.4. Attribution chronologique
6.5. Conclusion

7.  Le mobilier hors céramique protohistorique

7.1. Le torchis
7.2. Quelques fragments de céramique historique
7.3. Le mobilier lithique
7.4. Le mobilier métallique
7.5. Le verre
7.6. La faune

8. Conclusion

Bibliographie

Liste des figures

III. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

VACHER, Stéphane (dir.). (2019).  Longèves (17), rue des Grands Champs - Bâtiments naviformes et circulaires : nouvelles données sur l'habitat protohistorique en Aunis (Rapport de fouille., 1 vol.). Bègles : Inrap Grand Sud-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0157186>.

Autres rapports d'opérations

GIRAUD, Pierre (dir.). (à paraître). Les Bonneveaux, Saint Vivien, Charente Maritime (Rapport de fouille). CDG 17.

MAITAY, Christophe (dir.). (2019). Un habitat palissadé du premier âge du Fer et des réseaux fossoyés d’époques moderne et contemporaine, Fief de Cheusse, Fief de la Garenne – phase 3 à Dompierre-sur-Mer, Charente-Maritime (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Bègles : Inrap Grand Sud-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0155127>.

RUZZU, Florent (dir.). (à paraître). Chemin de La Tonnelle, Chaniers, Charente Maritime (Rapport de fouille). Archéodunum.

VACHER, Stéphane (dir.). ­(2021). Nouvelle-Aquitaine, Deux-Sèvres (79), Mauzé-sur-Le-Mignon, Fief du Petit Bitard, Bâtiment, enclos circulaire et grande fosse protohistoriques (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Bègles : Inrap Grand Sud-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0163944>.

Publications

FOUERE, Pierrick , BARBIER, Emmanuel & VACHER, Stéphane. (2023). 6000 ans d’occupation sur le plateau des Cottes mailles à Aytré, du Néolithique au grand siège de Richelieu. La lettre d’Archéaunis, supplément n° 1, 46 p.

RIQUIER, Vincent, MAITAY, Christophe, LEROY-LANGELIN, Emmanuelle, MAGUER, Patrick, LE GALL, Joseph (coll.), LORIN, Yann (coll.) & ROBERT, Gaëlle (coll.). (2018). Maison et dépendances à l’âge du Fer dans le nord et l’ouest de la France : du premier âge du Fer au début de La Tène. Dans A. Villard-Le-Tiec (dir.), Architectures de l’âge du Fer en Europe occidental et central : actes du 40e colloque international de l'AFEAF, Rennes, du 4 au 7 mai 2016 (p. 276-301). Rennes : Presse Universitaire de Rennes.

VILLARD-LE-TIEC, Anne (dir.). (2018). Architectures de l’âge du Fer en Europe occidentale et centrale : actes du 40e colloque international de l’AFEAF, Rennes, du 4 au 7 mai 2016. Rennes : Presse Universitaire de Rennes, 735 p.

Citations

VACHER, Stéphane (dir.), MAITAY, Christophe, MOREAU, Nathalie, BIDART, Patrick (coll.), BILLY, Benoît (coll.), BRYAND, Jean-Marc (coll.), GALTIÉ, Emmanuelle (coll.), MANGEON, Guillaume (coll.) & MIAILHE, Vincent (coll.). (2024). Bâtiments naviforme et circulaires : nouvelles données sur l’habitat protohistorique en Aunis (Nouvelle-Aquitaine, Charente-Maritime, Longèves, Rue des Grands Champs) : rapport de fouille 2019 (1 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 47). DOI : 10.34692/kvd4-jm29.

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Derrière les Grands Clos (Champagne-Ardenne, Marne, Saint-Gibrien)

Sous-titre

Rapport de fouille 2014

Numéro DAP
33
Image d'entête
DAP 33 | Saint-Gibrien « Derrière les Grands Clos » (Marne)
Média
DAP 33 | Saint-Gibrien « Derrière les Grands Clos » (Marne)
date expertise
novembre 2014
date achevement
août 2014
Paragraphes

La présente fouille a été réalisée à Saint-Gibrien, au lieu-dit « Derrière les Grands Clos », en 2012, sur 8280 m². Les occupations recensées indiquent une durée d’occupation quasiment ininterrompue entre le Néolithique moyen II et La Tène, soit 4500 ans. Pour chaque période, la densité de vestiges en creux ou mobiliers est lacunaire, mais présente de forts intérêts par leur nature.

La plus ancienne phase d’occupation remonte au Néolithique moyen II et se caractérise par des indices forts de la proximité d’un habitat. Trois grandes fosses détritiques, mises au jour à l'extrémité ouest de l’emprise, livrent des mobiliers lithiques et céramiques typiques du groupe de Michelsberg. Les datations radiocarbone indiquent que les fosses ont été comblées durant le milieu voire la fin du Néolithique moyen II1. Les occupations de cette période ne sont pas fréquentes dans cette partie de la plaine chalonnaise, bien qu’une fosse à profil en « Y », fouillée sur la parcelle juste au sud en 2002, ait été rattachée à celle-ci par la datation d’un charbon de bois extrait de la couche initiale de comblement. La spécificité de cette petite occupation relève surtout de la reconnaissance la plus méridionale, à ce jour, du groupe de Michelsberg en Champagne. Ces données abondent la vision de l’expansion géographique des groupes culturels du Néolithique moyen II dans la Marne, enrichissant les programmes de recherche et publications en cours régionalement (projet d’activité scientifique sur les occupations diachroniques d’une portion de vallée de la Marne à Athis dirigé par M. Frouin (SRA Île-de-France) et PCR sur les complexes miniers néolithiques de la région des Marais de Saint-Gond dirigé par R. Martineau (CNRS).

Deux fosses datées du Néolithique récent montrent une perduration d’activités cynégétiques débutée durant le Néolithique moyen II, l’une au profil en « Y » (st. 1123) et l’autre au profil en « U » (st. 1034). Ces fosses de grande profondeur, qui ont connu des comblements anthropiques plus ou moins rapides mettant en œuvre le substrat, ne comportent pas de mobilier détritique typique d'un habitat. Les nombreux charbons de bois qui en sont issus indiquent un milieu forestier en cours d'ouverture (arbres de lisière), sans pour autant signaler de trace d'agriculture dans l'environnement direct. Les vestiges fauniques livrent des restes de consommation d'aurochs (fosse 1123) ; les charbons présents ont révélé un important volume de branchages consumés (US 1064) évoquant une fumaison des viandes partitionnées sur place. La stature du gibier chassé peut justifier le besoin de transporter la viande prête à consommer ou à conserver. Selon le recensement régional inclus dans l’action collective de recherche (ACR) sur les systèmes de fosses profondes à la Pré- et Protohistoire (Riquier, 2019), sur 86 autres fosses profondes ayant livré des restes de faune, l’aurochs est présent dans 11 fosses, auxquelles il faut ajouter quelques aurochs juvéniles non identifiés qui mettraient l’animal en tête des restes fauniques issus de ces fosses. Seule La fosse 884 de Saint-Léger-près-Troyes (D19), datée de 4765 BP, a également livré des indices de passage au feu sur des fragments osseux d’aurochs, sans que l’intentionnalité du geste soit clairement établie (Achard-Corompt et al., 2013). La fosse de Saint-Gibrien constitue, par la qualité des restes étudiés, un témoin unique d’une pratique de consommation ou préparation in situ du produit de la chasse à l’aurochs et mériterait d’être intégrée aux corpus de l’ACR.

Pour les deux phases d’occupation du Néolithique, les données anthracologiques recueillies sont aussi venues abonder le corpus de sites permettant d’éclaircir le débat sur la présence endogène du Pinus sylvestris en Champagne crayeuse durant l’Holocène (Bellavia et al., 2018).

Un dépôt de cinq pesons, certains entiers, d’autres fragmentés, a été découvert dans la fosse 1061. L’étude et les comparaisons effectuées par F. Médard attribuent ce dépôt à une période comprise entre le Néolithique final et l'âge du Bronze ancien. Ce type de dépôt indiquerai la présence d'un habitat peu éloigné, sur lequel aurait été mis en œuvre du tissage. Malgré un suivi archéologique autour de cette fosse sur des emprises représentant une surface non négligeable (70 m vers le nord-est, 90 m vers le nord-ouest, 70 m vers le sud), aucun témoin d’habitat n'a été découvert. Il faut alors s'interroger sur les diverses hypothèses d'un tel manque de données à mettre en relation avec le dépôt : éloignement plus important sur la parcelle adjacente à l'est, dépôt hors de l’habitat, ou encore implantation érodée ou n’ayant pas laissé de traces interprétables.

Pour la Protohistoire, les occupations sont moins bien cernées chronologiquement, alors que cette période représente la plus grande partie des vestiges recueillis. Deux aires de stockage sont identifiées, l’une en grenier sur poteaux, potentiellement rattachée à l’âge du Bronze final / Hallstatt ancien, l’autre en batterie de silo de La Tène plutôt ancienne.

Douze bâtiments à quatre poteaux porteurs (greniers), trois annexes agricoles assurées et trois bâtiments semblables composent donc, dans un premier temps, une importante aire de stockage sur poteaux. Les bâtiments sont organisés en plusieurs rangées et au moins un chevauchement montre qu'il y a eu plusieurs phases dans ces constructions. L'organisation des bâtiments laisse un vaste espace vide dans le centre ouest de l'emprise. Des systèmes de fossés peuvent être liés à l'occupation bâtie, même si les informations chronologiques sont lacunaires : fossés et bâtiments ne se recoupent pas et les orientations sont similaires. Les constructions sont presque toutes groupées à l'intérieur de zones qui seraient encloses par les fossés. Aucun retour n'a été mis au jour pour la zone ouest ainsi définie, mais l’emprise fouillée est assez allongée. En revanche, la zone est se trouve enclose par un fossé qui montre un retour en direction du sud-est. Si l'interruption de l'enclos semble plutôt due à l'érosion de la craie, la zone ouest montre bien deux ouvertures organisées avec au moins un système structuré. Les systèmes d'enclos ont été incomplètement perçus dans le cadre de cette fouille, puisque l'enclos ouest continue au nord et au sud, et l'enclos est au sud et à l'est. La nature des bâtiments découverts ne suggère pas la présence d'habitat sur le site. Il est davantage probable qu'il s'agisse d'une aire de travail agricole et de stockage des récoltes en grenier. Ce type d'aire organisée en unité de travail agricole peut tout-à-fait être installée à proximité de la zone cultivée. À ce titre, la proximité de la vallée de la Marne, plaine limoneuse potentiellement très fertile, à moins de 50 m du site, peut constituer un intérêt certain.

Dans le quart nord-est de l'emprise, une importante batterie de 32 silos, comme signalé précédemment, a été mise au jour. Les silos ne se recoupent quasiment pas et leur organisation montre que certains schémas, bien que non limitatifs, peuvent être repérés. Au moins deux alignements nord-sud sont caractérisés, ainsi que trois autres qui sont plutôt d'orientation nord-ouest – sud-est. Quelques menus indices montrent des différences de phasage entre les greniers bâtis et la batterie de silo en sous-sol. Celle-ci semble plutôt établie en aire ouverte et les silos ont livré davantage de restes végétaux de faible densité si on considère que leur fonction première est le stockage de denrées alimentaires céréalières. Les remplissages montrent des comblements anthropiques rapides : plusieurs présentent des remblaiements crayeux volontaires indiquant très probablement qu'ils ont été utilisés comme décharge pour les déblais de creusement de nouveaux silos. La totalité des structures n’est donc pas strictement contemporaine. Les éléments mobiliers issus des comblements sont plutôt ténus en ce qui concerne les activités domestiques (faune, céramique ou objets métalliques). Il est donc possible que cette aire de stockage en silo soit éloignée de l'habitat, peut-être pour des raisons similaires à celles évoquées pour les greniers. Les datations radiocarbones restent assez larges et renvoient à La Tène dans sa globalité, ce qui limite le champ des hypothèses sur l'évolution du site.

La batterie de silos a livré trois inhumations d'individus masculins, aux âges variés (adolescents, 20-49 ans, plus de 60 ans), datés de La Tène ancienne, ce qui peut témoigner d'une phase d'abandon, voire de condamnation de la zone de stockage. Ces sépultures complètent les nombreuses données similaires sur la plaine de Champagne durant La Tène. L’une des sépultures (A du silo 1377) apporte un éclairage sur l’attention portée aux individus souffrant d’un fort handicap, dont l’analyse paléopathologique a mis en avant un syndrome de Klippel-Feil, qui a depuis fait l’objet d’une publication plus détaillée (Richard et Darton, 2021).

L’expertise du rapport de fouille en CIRA par Stéphane Marion propose une interprétation plus condensée des chronologies d’occupation, mettant en avant la faible quantité d’éléments datants pour étayer le rattachement des enclos et bâtiments à la période hallstattienne et la faiblesse réelle de l’étude céramique. Pour lui, les établissements seraient davantage tributaires de la topographie du site, plaçant les bâtiments sur les altitudes basses (suivant les courbes de niveaux), et les silos en position haute. Par ailleurs, S. Marion souligne que deux phases distinctes ont pu intervenir dans la mise en place des batteries de silos : la première située entre La Tène A et La Tène C1, et la seconde entre La Tène C2 et le début de la période gallo-romaine. Si la proposition de phasage de l’occupation laténienne est pertinente, le rattachement des enclos et bâtiments au Hallstatt semble confirmé par la synthèse menée sur les nombreux sites contemporains en Champagne (Riquier et al., 2022).

Ces occupations protohistoriques viennent s’insérer dans la forte densité repérée dans ce secteur de la vallée de la Marne. Les bords de la vallée semblent davantage occupés par des nécropoles de l’âge du Bronze ou de La Tène ; les habitats ne sont pas légion et leurs traces restent minces. L’un des points de rattachement en termes de fonctionnement pourrait être l’important site de Saint-Gibrien « Au-Dessus du Vieux Pont », fouillé par A. Villes, en 1990 et 1991, lors du suivi du tracé autoroutier A 26, qui a livré ce qui un habitat centralisateur de la période gauloise (Villes, 1995). Le nombre impressionnant de bâtiment mis au jour sur cette emprise évoque un site de contrôle au statut particulier. Il se trouve à peine à quelques centaines de mètres au nord-ouest de « Derrière les Grands Clos ». Les chronologies d’occupation montrent un phasage important durant le Hallstatt final et La Tène ancienne, qui tendent à indiquer que les sites de stockages de la fouille de 2012 étaient sous son contrôle.

1

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Sommaire

Volume 1

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Cadre de l’intervention archéologique

1. Présentation générale

2. Contexte archéologique

2.1. Commune de Saint-Gibrien
2.2. Ancienne Commune de Villers-le-Château (rattachée administrativement à Saint-Pierre)
2.3. Commune de Fagnières
2.4. Commune de Matougues
2.5. Communes de Récy et Saint-Martin-sur-le-Pré

3. Topographie et environnement

4. Environnement géologique et observations géomorphologiques de terrain

5. Méthode de fouille

6. Traitement des données

7. Aperçu des résultats

II. Résultats

1. Le Néolithique moyen II

1.1. Les structures
1.2. Le mobilier céramique du Néolithique moyen II
1.3. Le mobilier lithique en silex
1.4. Conclusion sur l’occupation du Néolithique moyen II

2. Le Néolithique récent

2.1. Les structures
2.2. Conclusion sur l’occupation du Néolithique récent

3. Le Néolithique final / L’âge du Bronze ancien : les poids de tisserand de la fosse 1061

3.1. La fosse 1061
3.2. Le rôle des pesons dans le tissage
3.3. Relevé et enregistrement des données
3.4. Effectif
3.5. Description du matériel
3.6. Fabrication des pesons
3.7. Typo-morphologie
3.8. Éléments de comparaison
3.9. Discussion / Interprétation des vestiges
3.10. Conclusion sur l’occupation du Néolithique final / âge du Bronze ancien

4. La Protohistoire

4.1. La transition entre l’âge du Bronze final et le Hallstatt ancien
4.2. La transition entre le Hallstatt final et La Tène ancienne
4.3. La Tène ancienne à finale
4.4. Les structures protohistoriques au sens large
4.5. Les structures potentiellement protohistoriques
4.6. Éléments de phasage et d’interprétation des occupations protohistoriques
4.7. Le mobilier céramique
4.8. La fibule de l’inhumation du silo 1351 (US 1174, individu A)
4.9. Les inhumations en structures réutilisées

5. Les fosses en “ Y “ non datées

5.1. La fosse 1133
5.2. La fosse 1387
5.3. Conclusion sur les fosses de piégeage de “ Derrière-les-Grands-Clos “

6. Les autres indices chronologiques et les structures non datées

6.1. Les indices d’une présence historique
6.2. Les structures non attribuables et non assimilables à l’une des occupations

7. Études transchronologiques : paléoenvironnement et faune

7.1. Données anthracologiques
7.2. Rapport d’étude carpologique des occupations néolithiques et laténiennes
7.3. Les restes fauniques

8. Synthèse des occupations et éléments de comparaisons

8.1. Le Néolithique et le début de l’âge du Bronze
8.2. La Protohistoire, de l’âge du Bronze final à La Tène
8.3. Occupations historiques d'empreinte faible
8.4. Conclusion sur les structures non datables

9. Conclusion générale

10. Bibliographie

11. Table des figures


Volume 2

12. Annexes des études spécialisées

III. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

LANGRY-FRANCOIS, F. (dir.). (2014). Saint-Gibrien (Marne), « Derrière les Grands Clos » (Rapport de fouilles, 2 vol.). Metz : Inrap Grand-Est. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0134277>.

Rapport de diagnostic

BAUDRY A-C. (dir.). (2012). Saint-Gibrien (Marne), « Derrière les Grands Clos » (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Metz : Inrap Grand-Est. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0123324>.

Publications citées dans l'introduction

RIQUIER, V., DESBROSSE, V., REMY, A. (2022). Les établissements palissadés en Champagne, état de la question. Dans C. MAITAY, C. MARCIGNY et V. RIQUIER (dir.), L’habitat rural du 1er âge du Fer, enclos palissadés de l’Atlantique à la Moselle (p. 159-181). Recherches Archéologiques21, Paris : Inrap/CNRS éditions.

RICHARD, I. & DARTON, Y., (2021). Un sujet du second âge du Fer atteint d’un syndrome de Klippel-Feil inhumé dans un silo. Dans S. KACKI, H. REVEILLAS H. et C.J. KNÜSEL (dir.), Rencontre autour du corps malade, Prise en charge et traitement funéraire des individus souffrants à travers les siècles : Actes de la 10e Rencontre du Gaaf, 23-25 mai 2018, Bordeaux (p. 137-140). Reugny : Gaaf.

RIQUIER, V. (coord.), ACHARD-COROMPT, N., AL SANATEE, S., AUBRY, B., AUDE, V., AUXIETTE, G., BAILLEUX, G., BLANCHET, S., BLASER, R., BURGEVIN, A., COUBRAY, S., DANDURAND, G., DIGAN, M., DOLBOIS, J., GEBHARDT, A., GHESQUIERE, E., LEDUC, C., LORIN, Y., MAITAY, C., MARTI, F., MICHLER, M., NERE, E., POISSONNIER, B., REMY, A., RICHARD, I., SANSON, L., THOMAS, Y., TRISTAN, C., WATTEZ, J. & ZUMBRUNN, O. (2019). Les systèmes de fosses profondes à la Pré- et Protohistoire : cartographie des fosses cylindriques et des Schlitzgruben à l’échelle nationale (Rapport d’Axe de Recherches Collectif). Inrap, 319 p.

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Citations

L'ensemble

LANGRY-FRANÇOIS, Fabien (dir.), BANDELLI, Alessio, BELLAVIA, Valentina, DUBUIS, Bastien, IRRIBARRIA, Roland, MÉDARD, Fabienne, OLLIVE, Vincent, RICHARD, Isabelle, TOULEMONDE, Françoise, ZIPPER, Katinka et coll. (2023). Derrière les Grands Clos (Champagne-Ardenne, Marne, Saint-Gibrien) : rapport de fouille 2014 (2 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 33). <https://doi.org/10.34692/33JJ-CR95>.

Le volume 1

LANGRY-FRANÇOIS, Fabien (dir.), BANDELLI, Alessio, BELLAVIA, Valentina, DUBUIS, Bastien, IRRIBARRIA, Roland, MÉDARD, Fabienne, OLLIVE, Vincent, RICHARD, Isabelle, TOULEMONDE, Françoise, ZIPPER, Katinka et coll. (2023). Derrière les Grands Clos (Champagne-Ardenne, Marne, Saint-Gibrien) : rapport de fouille 2014. Vol. 1, Textes. Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 33). <https://doi.org/10.34692/33JJ-CR95>.

Le volume 2

LANGRY-FRANÇOIS, Fabien (dir.), BANDELLI, Alessio, BELLAVIA, Valentina, DUBUIS, Bastien, IRRIBARRIA, Roland, MÉDARD, Fabienne, OLLIVE, Vincent, RICHARD, Isabelle, TOULEMONDE, Françoise, ZIPPER, Katinka et coll. (2023). Derrière les Grands Clos (Champagne-Ardenne, Marne, Saint-Gibrien) : rapport de fouille 2014. Vol. 2, Annexes des études spécialisées et inventaires. Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 33). <https://doi.org/10.34692/33JJ-CR95>.

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Errata

Page 61, sur la figure 9, une datation erronée a été reportée pour la structure 1074 ; la datation correcte se situe dans le texte : 3811-3656 cal. BC.

Page 86, ligne 4, il faut lire US 1064 et non US 1065.