Mise en défense du port de La Rochelle et de ses abords (XIVe-XXe siècles) : l’enceinte du Gabut (Charente-Maritime, Nouvelle-Aquitaine)

Sous-titre

Rapport de fouille 2019

Numéro DAP
44
Image d'entête
DAP 44 | La Rochelle « Parking du Gabut » (Charente-Maritime)
Média
DAP 44 | La Rochelle « Parking du Gabut » (Charente-Maritime)
date expertise
décembre 2022
date achevement
mars 2019
Paragraphes

Le projet de réaménagement des abords du Vieux Port de La Rochelle a nécessité la réalisation d’une fouille archéologique. Celle-ci s’est cantonnée à l’espace d’un parking situé au sud du havre hébergeant le port de la ville et a permis, entre autres, de mettre au jour l’arase d’une des enceintes rochelaises du XIVe siècle (fig. 1).

Fig. 1 : Vue d’ensemble de la fouille et de la tour Saint-Nicolas. Cliché : L’œil du drône.

Ce quartier appelé le Gabut est aménagé à l’extérieur du secteur intra-muros délimité par une enceinte fondée dans les années 1160-70. Cette dernière permettait d’asseoir le statut de cette cité portuaire qui s’émancipait rapidement en englobant, dès le début du XIIIe siècle, deux nouveaux quartiers (Saint-Jean du Perrot et Saint-Nicolas). Développés sur deux îlots encadrant, à l’ouest et à l’est, le havre portuaire, ils furent à leur tour dotés de leur propre enceinte. Le Gabut, situé entre le rivage et le quartier Saint-Nicolas, ne fut intégré à la ville qu’à la fin du XIVe siècle, suite à la construction d’une dernière enceinte médiévale reliant la tour Saint-Nicolas à la porte du même nom. Le port était dès lors entouré de murailles et son accès encadré par deux puissantes tours dont l’intérêt stratégique est réel sans omettre toutefois la portée symbolique de cette clôture monumentale qui barrait l’entrée du port. Ce dernier n’était toutefois pas complètement ouvert sur la ville. En effet, les différents quartiers étaient chacun délimités par leurs enceintes dont le franchissement était assuré au moyen de portes flanquées telle la Porte de la Vérité qui ouvrait depuis le quartier Saint-Nicolas vers le Gabut. Les populations usagères prenaient soin de se tenir à distance, en raison des dangers de cette ouverture sur la mer (Tranchant, 2017, p. 227) à l’image des grands ports d’estuaires tels Nantes ou Bordeaux ou de quelques ports côtiers comme à Vannes.

La fouille, située au pied de la tour Saint-Nicolas a permis de reconnaître une portion de l’enceinte du Gabut ainsi que son mode de construction jusqu’alors peu documenté. Sa fondation légèrement talutée a pu être partiellement observée. Elle repose sur une risberme aménagée en galets de lest et renforcée à l’aide de pieux assemblés. Cette découverte fait écho à quelques observations plus anciennes réalisées à plus d’une centaine de mètres vers l’est. Plus récemment, un diagnostic géotechnique mené aux abords de la tour Saint-Nicolas (Boisserie, 2022) a montré que le socle de fondation des murs et tourelles est formé d’un ensemble de pieux battus quasi-jointifs, confirmant ainsi un complexe système de fondation sur pieux dont la date d’abattage renseigné par dendrochronologie implique un début de chantier dans le second quart du XIVe siècle. Ces différentes interventions ont donc permis de documenter une technique de construction méconnue pour le Moyen Âge en dehors de celles adoptées pour les ponts. Le projet de construction de l’enceinte du Gabut et des tours barrant l’entrée du port participent à cet effet d’un chantier exceptionnel assurant à la fin du XIVe siècle sa mise en sécurité. Cette enceinte battue par les flots fut détachée de la cité jusqu’à l’époque moderne. Il faut en effet attendre la seconde moitié du XVIe siècle pour de nécessaires adaptations à l’évolution de l’artillerie. Le parement interne est alors utilisé comme dépotoir. Il sert de fondation à l’installation d’une terrasse maintenue par un muret avec contreforts saillants construit exclusivement en galets de lest (fig. 2). De nombreux rejets domestiques (faune, poissons, poteries, scories métalliques…etc.) étaient mêlés à ces abondants dépôts sédimentaires. Ce constat confirme ceux observés au sein de ports tels Bordeaux ou Brouage (Mouchard, 2019) où l’utilisation d’épaves de bateaux et de galets de lest participaient au renforcement des berges. Enfin, le réemploi de ces mêmes galets dans la construction relève d’une pratique régulière observée dans d’autres villes portuaires à l’instar de murets découverts au niveau de la place Gambetta à Bordeaux (Masson, 2022).

Fig. 2 : Sols des bâtiments des chantiers navals installés contre le mur de terrasse de l’enceinte de la fin du XVIe siècle. Cliché : Barbier E., Inrap.

Ce paysage urbain s’est maintenu jusqu’à la fin du XIXe siècle, moment où l’enceinte a été démantelée. Elle avait été préservée pour répondre à une insécurité manifeste et continue dans la région. Il importe toutefois de signaler la qualité du site naturel protégé, au fond du havre et son adaptation, sur une longue période aux contraintes nautiques. Ces multiples atouts ont participé à la renommée internationale du port de La Rochelle qui était soucieuse d’asseoir ses ambitions politique et économique. Les soins portés à son développement et à sa mise en sécurité, attestent de cette farouche volonté.

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Présentation de l’intervention

1.1. Cadre géologique et géographique
1.2. Contextes archéologique et historique
1.3. Objet de l’intervention
1.4. Méthodologie opératoire
1.5. L’enregistrement des données de fouille

2. Les résultats

2.1. La construction de l’enceinte
2.2. Le remblaiement des abords de l’enceinte (XVe-première moitié XVIe siècle)
2.3. Une reprise de la partie occidentale de l’enceinte (M1.14)
2.4. L’installation d’une terrasse d’artillerie
2.5. L’installation de bâtiments contre le mur de terrasse
2.6. L’abandon des bâtiments au profit d’une fosse (fin XVIIIe siècle ?)
2.7. Les derniers aménagements sur l’enceinte
2.8. La construction des bâtiments de la DDE maritime

3. Synthèses

3.1. La construction de l’enceinte du Gabut à la fin du XIVe siècle : un débat clos ?
3.2. Une importante campagne de réfection de la partie ouest de l’enceinte : un aménagement méconnu ?
3.3. L’aménagement de la plate-forme de tir : une adaptation à l’évolution de l’artillerie
(fin XVIe siècle)
3.4. Un nouveau quartier portuaire : magasins d’artillerie et chantiers navals (post 1630)
3.5. L’abandon des magasins d’artillerie (fin XVIIIe siècle)
3.6. Un affranchissement tardif de l’enceinte (fin XIXe siècle)

4. Conclusion

Bibliographie

Liste des illustrations

III. Études spécialisées

Annexe 1 : La céramique moderne

Annexe 2 : Étude du petit mobilier

Annexe 3 : Catalogue des monnaies

Annexe 4 : La verrerie

Annexe 5 : Les scories de fer

Annexe 6 : Étude des provenances de la pierre

Annexe 7 : Dendrochronologie

Annexe 8 : Étude archéozoologique

Annexe 9 : Exploitation et utilisation des invertébrés marins à l’époque
moderne

Annexe 10 : Documentation sur les magasins d’artillerie situés sur "La
Grave"

Annexe 11 : Diagrammes stratigraphiques

IV. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

BARBIER, Emmanuel (dir.). (2019). La Rochelle (17), Parking du Gabut - L'enceinte du Gabut : mise en défense du port et ses abords (XIVe-XXe siècles)  (Rapport de fouille, 1 vol.). Bègles : Inrap Grand Sud-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0155205>.

Autres rapports d'opération

BOISSERIE, F., GERBAUD, C., ARQUÉ, G., BÉRARD, M. (2022). La Rochelle, Tour Saint-Nicolas. Suivi archéologique de sondages structurels et géotechniques (Rapport final d’opération). Atemporelle Archéologie.

DEMEURE, G. (2009). La Rochelle, 9 pl. du commandant de la Motte Rouge, La Rochelle (17) (Rapport final d’opération archéologique, 2 vol.). Éveha.

GISSINGER, B. (dir.). (2019). La Rochelle, Réhabilitation du Vieux-Port-Quais Maubec, Duperré et Durand (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Département de la Charente-Maritime. 370 p.

GISSINGER, B. (dir.). (2014). La Rochelle, 7-9-11 rue de la Fabrique. L’évolution d’un quartier médiéval et moderne (Rapport de fouille, 3 vol.). Département de la Charente-Maritime. 945 p.

NIBODEAU, Jean-Paul. (2004). La Rochelle (17), quartier Motte-Rouge, Quai de la Georgette (Rapport de diagnostic). Poitiers : Inrap Grand Sud-Ouest.

NIBODEAU, Jean-Paul. (1999). La Rochelle, rue de l’Armide - rue de l’Archimède « Gabut 2 » (Rapport d’expertise). Poitiers : SRA Poitou-Charentes.

POUPONNOT, G. (2010). De nouvelles sections du rempart médiéval dans le quartier Saint-Nicolas (Rapport de diagnostic). Poitiers : Inrap Grand Sud-Ouest.

RICARD, J.-L. (1991). La Rochelle, le Gabut 2 (Sondages d’évaluation). Poitiers : SRA Poitou-Charentes.

ZÉLIE, B.  (dir.). (2010). 23, rue du Duc, quartier Saint-Nicolas, La Rochelle (17), Une fenêtre sur l’urbanisation extra-muros et moderne du quartier (Rapport de fouille, 3 vol). Poitiers : SRA Poitou-Charentes.

Littérature grise

WARMOES, I. (1991). Les fortifications médiévales de La Rochelle, étude des documents iconographiques (Mémoire de maîtrise d’archéologie, 2 vol.). Université Paris I La Sorbonne. 127 p. + figures.

Publications

AUGERON, Mickaël, BONNIN, Jean-Claude, FAUCHERRE, Nicolas, POTON, Didier, RAMBEAUD, Pascal, SAINT AFFRIQUE, Olga de, THOUVENOT, Christophe & VRAY, Nicole. (1998). La Rochelle, capitale atlantique, capitale huguenote. Paris : Éd. du Patrimoine. 77 p. <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3322414w>.

BARBEAU, Shannah & MOUCHARD, Jimmy. (2019). Un site portuaire médiéval en baie de Cayola à Château-d’Olonne, Vendée. Les Nouvelles de l’Archéologie, 156. DOI : 10.4000/nda.6686.

BARBIER, Emmanuel et BONNIN, Jean-Claude. (coll.). (2019). Découvertes archéologiques récentes sur l’enceinte du Gabut et ses abords : une histoire récente et mouvementée. La Lettre d’Archéaunis, 50, 2019, 4-17.

BARBIER, Emmanuel. (2018). Les fouilles du square Valin et du parking du Gabut : redécouverte d’une histoire récente méconnue de la ville de La Rochelle. Arcades.

BARBOT, Amos. (1890). Histoire de La Rochelle. Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis, T. XVIII. Paris : Denys d'Aussy.

BONNIN, Jean-Claude. (1996). L’ancien château de Vauclerc à La Rochelle. La Rochelle.

CHAPELOT, Jean. (2005). Le raffinage du sucre dans la deuxième moitié du XVIe siècle à La Rochelle et ses relations avec les ateliers céramiques régionaux. Archéologie médiévale35, 141-173.

​DELAFOSSE, Marcel. (dir.). (2002). Histoire de La Rochelle. Toulouse : Privat. 312 p

DURANDIÈRE, Ronan, GALLICÉ, Alain, BURON, Gildas, DEVALS, Christophe, DELPIRE, Laurent & CUSSONNEAU, Christian. (2014). Guérande, ville close, territoire ouvert. Nantes : Revue 303. (Cahiers du Patrimoine, 111).

FAUCHERRE, Nicolas. (1996). Places fortes, bastion du pouvoir. Paris : Rempart. 115 p.

FAVREAU, Robert (dir.). (2014). Histoire de l’Aunis et de la Saintonge. Volume 2 : le Moyen Âge. La Crèche : La Geste. 567 p.

FAVREAU, Robert. (1987). Les débuts de la ville de La Rochelle. Cahiers de Civilisation Médiévale, XXX, 5-35.

FAVREAU, Robert, RECH, Régis & RIOU, Yves-Jean. (2002). Bonnes villes du Poitou et des pays charentais (XIIe-XVIIIe siècles) : Actes du colloque de Saint-Jean d’Angély, 24-25 sept. 1999, à l'occasion du 8e centenaire des chartes de commune. Poitiers : Société des Antiquaires de l’Ouest. 468 p. (Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest et des musées de Poitiers ; 8).

GERBER, Frédéric & NIBODEAU, Jean-Paul. (2014). Impact de la découverte du Nouveau Monde sur l’espace urbain des villes portuaires de la façade atlantique : Bordeaux et La Rochelle. Les Nouvelles de l’Archéologie137, 14‑18.

GERBER, Frédéric. (2010). Le port, lieu de recyclage. Deux exemples à Bordeaux du XIIe au XVe siècle. Archéopages, 29, 58‑63. DOI : 10.4000/nda.2577.

HENIGFLED, Yves & MASQUILIER, Amaury. (dir.) (2008). Archéologie des enceintes urbaines et de leurs abords en Lorraine et en Alsace (XIIe-XVe siècle). Revue Archéologique de l’Est, 26e  supplément. Dijon : ARTEHIS Édition. DOI : 10.4000/books.artehis.12640.

JOURDAN, Jean-Baptiste-Ernest. (1979). Éphémérides historiques de La Rochelle.  2 vol. La Rochelle : A. Siret.. 1ère éd. de 1861 consultable sur : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65690656.

JOURDAN, Jean-Baptiste-Ernest & VARIN, Adolphe. (1982, 1ère éd. 1884). La Rochelle historique et monumentale. La Rochelle : Rumeur des âges. 194 p.

MAHÉ, Jean-Louis. (1997). La Rochelle retrouvée. Saintes : Le Croît Vif.

MASSON, Juliette. (2022). Remploi de galets de lest dans un muret de la fouille place Gambetta à Bordeaux. Carnet du GDR ReMArch : https://remarch.hypotheses.org/723.

MESQUI, Jean. (1991). Châteaux et enceintes de la France médiévale. 2 vol. Paris : Picard.

MESQUI, Jean. (1990). Une double-révolution à La Rochelle, la tour Saint-Nicolas. Bulletin Monumental, 148 (2), 155-190. DOI : 10.3406/bulmo.1990.4288.

MEYNEN, Nicolas. (2007). La Rochelle au XIXe siècle. De la place forte au port de commerce. La Crèche : CPPC.

MOUCHARD, Jimmy. (2019). L’archéologie des ports littoraux et estuariens. Les Nouvelles de l’Archéologie, 156, 44‑47. DOI : 10.4000/nda.6576.

PROUTEAU, Nicolas, DE CROUY-CHANEL, Emmanuel & FAUCHERRE Nicolas (dir.). (2011).  Artillerie et fortification, 1200-1600. Rennes : Presses universitaires de Rennes. 236 p.

SALAMAGNE, Alain. (2011). L’artillerie de la ville d’Arras en 1369. Dans N. Prouteau, E. De Crouy-Chanel et N. Fuacherre (dir.), Artillerie et fortification, 1200-1600 (p. 49-59). Rennes : Presses universitaires de Rennes.

SEGUIN, Marc. (2005). Histoire de l’Aunis et de La Saintonge : le début des Temps Modernes (1480-1610). La Crèche : La Geste. 428 p.

TRANCHANT, Mathias. (2017). Les ports maritimes de la France atlantique (XIe-XVe siècle). Volume I : tableau géohistorique. Rennes : Presses universitaires de Rennes.

TRANCHANT, Mathias. (2003). Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge. Rennes : Presses universitaires de Rennes.

Citations

BARBIER, Emmanuel (dir.), NIBODEAU, Jean-Paul, BARME, Maude, BONNIN, Jean-Claude, CLAVEL, Benoit, GAILLARD, Jacques, GENEVIÈVE, Vincent, LE DIGOL, Yannick, MOUGNE, Caroline, SAINT-DIDIER, Guillaume, SIMON, Laure, SOULAT, Jean, VÉQUAUD, Brigitte et coll. (2024). Mise en défense du port de La Rochelle et de ses abords (XIVe-XXe siècles) : l’enceinte du Gabut (Charente-Maritime, Nouvelle-Aquitaine) : Rapport de fouille 2019 (1 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 44). DOI :  https://doi.org/10.34692/v26y-5t77.

Auteur(s) / direction
Chronique de site
Parking du Gabut à La Rochelle (Charente-Maritime)
Pactols chronologie
Département
bouton addthis
Droits
Tous droits réservés
Langage
FR
Format
text/xml
Type
Text

Les vestiges antiques de l’avenue du général de Gaulle (Basse Normandie, Calvados, Port-en-Bessin-Huppain)

Sous-titre

Rapport de fouille 2015

Numéro DAP
27
Image d'entête
DAP 27 | Port-en-Bessin-Huppain « Avenue du général de Gaulle » (Calvados)
Média
DAP 27 | Port-en-Bessin-Huppain « Avenue du général de Gaulle » (Calvados)
date expertise
décembre 2015
date achevement
juin 2015
Paragraphes

Une fouille a été réalisée en juin 2013 sur 4215 m² en rive gauche du fond d’estran, près du cimetière et de l’ancienne église disparue de Port-en-Bessin (Calvados), sur des terrains destinés à la construction de logements par la société Parthélios Habitat. Les vestiges découverts se développent au-delà de l’emprise décapée. La première implantation est matérialisée par deux angles de fossés du côté ouest de l’emprise. Faute de mobilier dans les comblements, ces aménagements sont placés avant le début de l’Antiquité par le biais de la stratigraphie.

Au Ier s. av. J.-C. et jusqu'au début du Ier s. ap. J.-C., une occupation antique pérenne et structurée, délimitée par un imposant fossé, voit la mise en place d’un bâtiment maçonné à contreforts et d’un mur de clôture. Entre le Ier s. et le début du IIIe s. ap. J.-C. s’ouvre la principale phase de développement et de fonctionnement du site, qui se décompose en trois séquences qui demeurent encore difficiles à dater précisément.

Dans la séquence 1, les éléments de la phase précédente sont maintenus et complété par de nouveaux fossés et par un appentis adossé contre la face extérieure du mur de clôture. La seconde séquence voit la disparition du bâtiment à contreforts au profit d’un édifice rectangulaire à exèdre possédant un foyer en son centre. À cette occasion, le passage dans le mur d’enceinte est réduit et la limite de propriété vient presque s’accoler au bâtiment. La dernière séquence est marquée par une ultime modification des architectures maçonnées, avec le remplacement de l’édifice précédant par une nouvelle construction plus exiguë, au nord-ouest du passage dans le mur d’enceinte, et la remise en service du premier fossé. Un bâtiment à ossature de bois prend place dans la bande de terrain récupérée entre le mur d’enceinte et le fossé. Entre le IIIe et le IVe s. ap. J.-C. l’abandon et le démantèlement du site sont effectifs et cette phase n’est marquée que par des pertes monétaires autour des bâtiments désaffectés.

Enfin, de la fin de l’Antiquité jusqu’à nos jours on signalera les traces d’ornières correspondant à un possible chemin conduisant à l’église (?), antérieur à la pose d’un câble électrique, datant peut-être de la Seconde Guerre mondiale.

Cette première opération archéologique préventive, conduite dans le périmètre de signalement de vestiges antiques situés la rive gauche de l’estran, a ouvert une fenêtre extrêmement instructive sur la nature, la qualité et la chronologie des aménagements conservés. Elle fut également l’occasion de rouvrir le débat sur le possible exutoire maritime du chef-lieu de cité antique, l’hypothèse d’une agglomération portuaire, le caractère stratégique qui en découle, etc., en repartant de la documentation disponible et en dépassant le contexte restrictif de la plaine fermée de Commes/Port-en-Bessin. Sur cette question, le travail d’analyse du réseau ancien conduit dans le cadre du PCR Arbano, a démontré en 2015 (Allinne et Léon, 2015, p. 332‑333) que la relation terrestre de Bayeux – Augustodurum, chef-lieu de cité des Baïocasses – à Port-en-Bessin – « portus » principal désigné par l’historiographie – ne s’établissait pas de manière aussi directe et flagrante que l’on pourrait l’attendre dans un tel cas de figure.

Ainsi, en 2014, lors de la rédaction du rapport, les données relatives à la relation au littoral ou plus largement au domaine maritime (commerce et exploitation) par l’intermédiaire du mobilier apparaissaient limitées et peu explicites. Les quelques pièces de l’instrumentum qui évoquaient des activités de pêche (poids, harpon…) ne constituaient pas un corpus suffisamment étoffé pour l’envisager dans le cadre d’une exploitation à grande échelle et à des fins d’exportation. Les quantités et le panel de coquillage rejetés n’étaient pas davantage démonstratifs. Pour une part collectée sur le littoral (moule, coques, Saint-Jacques, bulots, patelles) et pour une autre sans doute importée (huîtres), ils traduisent avant tout des produits consommés sur place. Toutefois, la présence d’un grand clou en bronze à tête prismatique , Type Feugère D2 (Feugère, 2004, p. 205) dans les couches en relation avec le bâtiment à contrefort, exemplaire caractéristique de la charpenterie navale au regard des comparaisons disponibles [1] mais insuffisamment pris en compte à l’époque, évoque franchement l’existence d’un chantier de construction de navire autour du site.

Enfin, si l’existence d’un bâtiment à contreforts orientait vers la fonction de stockage et par extension vers l’éventualité d’un entrepôt en relation avec une activité portuaire au sein d’une agglomération, la faible densité de la dotation architecturale et le périmètre fort peu étendu des découvertes anciennes (à peine 3 ha autour de l’ancienne église, site actuel compris) ajoutés à l’absence d’un mobilier caractéristique, ne militaient pas pour une telle activité ou pour une configuration d’habitat aggloméré. Cette analyse est aujourd’hui fortement à nuancer. L’hypothèse que Port-en-Bessin puisse être un port actif à l’époque romaine peut s’envisager dans le cadre plus large et non exclusif de la seule relation au chef-lieu, par exemple celui de l’exploitation artisanale des ressources marines, de la pêche vivrière ou de la redistribution de produits par cabotage tout le long du littoral de la Baie de Seine. La présence de telles activités est désormais attestée sur le site voisin de Commes où les pourpres Nucella Lapillus servent à fabriquer des teintures (Allinne et al., 2021 ; Allinne, 2021). On trouve également sur ce site un bâtiment à contreforts (Allinne, 2019). Le PCR « Face à la Mer », engagé en 2019, intègre ces perspectives de recherches et le site de Port-en-Bessin fait partie des principaux acteurs de cette relecture (Paez-Rezende dans Léon et al., 2021, p. 51‑53).

1

Comparable à des exemplaires sortis du Rhône et présentés au musée départemental de Arles Antique, ou à celui de Martigues, Les Laurons.

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Présentation de l’opération

1.1. Situation géographique et cadre de l’intervention
1.2. Rappel des résultats du diagnostic
1.3. Problématique et objectifs de l’intervention
1.4. Déroulement de l’intervention et méthodologie
1.5. Bilan technique et opérationnel

2. Présentation générale du site et de son environnement

2.1. Le site dans son contexte naturel
2.2. Les données archéologiques couvrant la période gallo-romaine

3. Analyse descriptive et fonctionnelle des vestiges

3.1. État de conservation des vestiges et stratigraphie
3.2. Les réseau de fossés
3.3. Les architectures
3.4. Les vestiges d’accompagnement de l’habitat et des activités
3.5. Les traces d’une voirie
3.6. Un vestige contemporain

4. Les études

4.1. La céramique antique
4.2. L’instrumentum
4.3. Le numéraire
4.4. Le verre
4.5. Rapport d’inventaire de la faune
4.6. Un vestige contemporain

5. L’organisation des vestiges par phases

5.1. Les vestiges non phasés et les vestiges présumés gallo-romains au sens large
5.2. Les vestiges antérieurs au début de l’Antiquité (phase 1)
5.3. L’implantation d’une occupation antique structurée (phase 2 : Ier s. av. J.-C. – début du Ier s. ap.
J.-C.)
5.4. La phase principale de développement et de fonctionnement (phase 3 : Ier s. – début du IIIe s. ap. J.-C.)
5.5. L’abandon et le démantèlement ? (phase 4 : IIIe – IVe s. ap. J.-C.)
5.6. Les traces post-antiques (phase 5)

6. Éléments de synthèse

6.1. Un point sur l’organisation du site et sur l’architecture
6.2. Discussion autour de la qualification du site
6.3. Situation de Port-en-Bessin dans le réseau de circulation ancien

Bibliographie et documents

Liste des figures

III. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

PAEZ-REZENDE, Laurent (dir.). (2015). Port-en-Bessin, Calvados, Les vestiges antiques de l’avenue du Général de Gaulle (Rapport de fouille, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0137360>.

Rapport de diagnostic

CARPENTIER, Vincent (dir.). (2013). Port-en-Bessin, Calvados, Vestiges d’un vicus portuaire antique, avenue du Général de Gaulle (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0127424>.

Rapports d'activités cités dans l'introduction

LÉON, Gaël, FLOTTÉ, David, GHESQUIÈRE, Emmanuel, LEPAUMIER, Hubert, MARCIGNY, Cyril, PAEZ-REZENDE, Laurent, ROPARS, Anne & THEVENET, Corinne. (2021). FALM - Face à la Mer : Projet Collectif de Recherche (Rapport d'activité 2019-2020). Bourguébus : Inrap Grand-Ouest. 150 p.

ALLINNE, Cécile & LÉON, Gaël. (2015). Arbano, L’Antiquité en Basse-Normandie : Projet collectif de recherche (Rapport d'activité 2015, 5e année). Caen : Groupe Antiquité. 497 p.

Publications citées dans l'introduction

ALLINNE, Cécile. (2021). Commes – Le Dessous des Cotis. Programme d’analyses (2018). ADLFI. Archéologie de la France - Informations. <https://journals.openedition.org/adlfi/74678>.

ALLINNE, Cécile, QUÉVILLON, Sophie, THIERRY, Marc-Antoine, DUPONT, Catherine, RUPIN, Gwendoline & GUIHARD, Pierre-Marie. (2021). Commes – Le Bourg. Programme d’analyses (2017). ADLFI. Archéologie de la France - Informations. <https://journals.openedition.org/adlfi/72728>.

ALLINNE, Cécile. (2019). Commes – Lotissement « Le Dessous des Cotis ». Fouille programmée (2015). ADLFI. Archéologie de la France - Informations. <https://journals.openedition.org/adlfi/24122>.

FEUGÈRE, Michel. (2004). Annexe [Les nécropoles de Vernègues (B.-du-Rh.). Deux ensembles funéraires du Haut-Empire à la périphérie d'une agglomération secondaire]. Pour une typologie de la clouterie antique. Revue archéologique de Narbonnaise, 37 (1), 205‑209. <https://www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_2004_num_37_1_1694>.

Citations

PAEZ-REZENDE, Laurent (dir.), BARTHÉLÉMY, Céline, CHANSON, Karine, GUIHARD, Pierre-Marie, LÉON, Gaël, MARIE, Amélie, PALLUAU, Jean-Marc, VIPARD, Laurent & WARDIUS, Christophe. (2022). Les vestiges antiques de l’avenue du général de Gaulle (Basse Normandie, Calvados, Port-en-Bessin-Huppain)  : Rapport de fouille 2015 (1 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 27). <https://doi.org/10.34692/0p6b-x698>.

Auteur(s) / direction
CTRA
Période(s)
Chronique de site
Avenue du Général de Gaulle à Port-en-Bessin-Huppain (Calvados)
Département
bouton addthis
Droits
Tous droits réservés
Langage
FR
Format
text/xml
Type
Text