Les Trois Mares : Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128 (Île-de-France, Essonne, Palaiseau)

Sous-titre

Rapport de fouille 2020

Numéro DAP
45
Image d'entête
DAP 45 | Palaiseau « Les Trois Mares » (Essonne)
Média
DAP 45 | Palaiseau « Les Trois Mares » (Essonne)
date expertise
septembre 2021
date achevement
novembre 2020
Paragraphes

Suite à un diagnostic réalisé en 2000 (S. Serre, 2000), au lieudit « Les Trois Mares » à Palaiseau (Essonne), une fouille préventive a été engagée en 2001 sur la moitié de la surface explorée à cette occasion, soit 2 ha. Le site est localisé sur le plateau de Saclay, à l'est de la commune du même nom, à 350 m au sud de la route départementale n°36 et borde la route départementale n°128, face à la limite occidentale du domaine de l’École Polytechnique, à 25 km au sud de Paris.

Les phases d’occupation

Si de nombreux indices attestent d’une occupation de ce secteur dès le Néolithique, les vestiges fouillés sont datés au plus tôt de la seconde moitié du IIe siècle avant J.-C.
Cette occupation protohistorique se développe très nettement à partir du début du Ier siècle avant notre ère jusqu'à la période augustéenne sous la forme d'au moins un enclos fossoyé où se regroupent bâtiments d'habitation et greniers en bois et torchis. Il est intéressant de remarquer que les états les plus récents reprennent la disposition des états antérieurs (il en est de même d’ailleurs pour la phase gallo-romaine). On note aussi la résilience et la permanence de l’orientation générale des fossés, qui reste relativement identique tout au long de la longue vie du site. Ce réseau, mis en place très tôt, influence donc largement l’organisation du paysage aux phases suivantes. Les aménagements repérés sont en fait intégrés dans un parcellaire plus large que la zone d’intervention, révélé lors des fouilles postérieures de 2013 et 2014 au nord et à l’est du site (C. Giorgi, 2016 et 2018) (fig. 1). Un véritable complexe a été mis au jour dont l’enclos présenté ici constitue le pôle principal.

Fig. 1 : Plan d’ensemble des fouilles successives de Palaiseau « Les Trois Mares ». Cliché : C. Giorgi et R. Touquet, Inrap.

Pour la période gallo-romaine, l’espace est recomposé par un nouveau réseau fossoyé qui s’inscrit dans l’organisation des modules antérieurs. Bâtiments en meulière ou encore en bois pour certains, prennent la place des limites précédentes au plus tôt dès le milieu du Ier siècle ap. J.-C. Plusieurs séquences de construction peuvent être partiellement restituées jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C. Il s’agit des dépendances d'une villa, pars rustica, dont la pars urbana se trouve plus à l’est et a été fouillée en 2014 (C. Giorgi, 2017).

Le site est encore occupé à la fin du IVe siècle et très certainement au début du Ve siècle. Aucune interruption, il convient de le signaler, n’a été discernée.

On peut donc retenir les phases principales suivantes :

  • À La Tène D1, un premier fossé orienté est-ouest, matérialise l’axe principal de l’occupation. Au moins deux bâtiments y sont associés.
  • Au début du Ier siècle avant J.-C., un enclos fossoyé quadrangulaire est implanté, à l'intérieur duquel sont présents des bâtiments d'habitation, des granges et des greniers construits en bois et torchis. Son occupation se prolonge jusqu’à la période augustéenne qui voit le comblement, sur un laps de temps assez court, des fossés. Les principaux bâtiments subsistent et sont même pour certains réaménagés ou reconstruits (la présence de nombreux clous dans les comblements liés directement à l’occupation de l’enclos en témoigne). Plusieurs fosses d’extraction de limon utilisées ensuite comme dépotoirs domestiques attestent encore de ces transformations au moins sous le règne de Tibère.
  • Dès le IIe siècle après J.-C. (peut-être dès la fin du Ier siècle ?), des bâtiments en pierre remplacent progressivement ceux en bois, jusqu'au IIIe siècle après J.-C.
  • Quelques fosses, des comblements sommitaux de fossés, des palissades, des sols piégés par des effondrements de murs ou par des tassements, ainsi qu'un four domestique installé sur les bords d'une mare, indiquent que le site est encore occupé à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle après J.-C.

Les habitants du plateau de Saclay au fils des siècles

L’image livrée par ce site reste encore pour certains aspects, imprécise mais illustre cependant un certain confort matériel des populations de ce secteur francilien. À la fin de l'âge du Fer, elles semblent déjà intégrées à un vaste réseau d'échanges venant de Méditerranée (nombreuses amphores dès la fin du IIe siècle en particulier), disposant d'un vaisselier diversifié de qualité et d'un important outillage métallique. De plus, la très bonne conservation des restes osseux animaux permet aussi de bien cerner l'évolution des pratiques alimentaires durant la fin de La Tène dans cette partie de l’Île-de-France, aux confins des cités carnutes et parisii.

Outre la continuité de l’occupation du site, de La Tène C2 à l’Antiquité tardive, ses éléments constitutifs montrent aussi une relative permanence. Les fossés, par exemple, qui structurent l’espace, conservent une constance dans les tracés et les orientations. Il en est de même pour les bâtiments, dont certains sont plusieurs fois rebâtis au même emplacement. À cet égard, le plus remarquable est le bâtiment principal, situé à l’ouest, maintenu dans sa position et fonction résidentielle durant au moins un siècle et demi voire plus.

Quant aux différentes fonctions attestées, on mentionnera surtout les activités domestiques, ce qui semble logique :

  • Le tissage représente une activité sans doute non négligeable si l’on considère les nombreux pesons découverts à proximité de chaque bâtiment d’habitation (Blin et coll., 2003).
  • Le filage et le travail des textiles ou des peaux sont également attestés par les fusaïoles et les alênes mises au jour (fig. 2 et 3).
  • La présence récurrente de nombreuses scories dans les structures de La Tène finale indique l’existence probable d’un atelier de travail du métal voire de réparation d’objets. Mais aucune trace de forge ou d’autres structures (réduction, affinage…) n’a été mise au jour dans l’emprise fouillée. Il faut signaler toutefois la présence d’un lingot de fer, sous forme de barre, dont on peut poser la question de son éventuelle fabrication sur place (ce qui sera confirmé par les fouilles postérieures de 2013 et 2014).
  • L’élevage et l’agriculture sont suggérés par la présence de quelques objets particuliers, par exemple les forces, les serpes, et par extension les faisselles, mais leur faible nombre laisserait plutôt penser qu’il s’agit d’outils et de vaisselle nécessaires au quotidien.

Fig. 2 : Poinçon en os. Cliché : Laurent Petit, Inrap.

Fig. 3 : Porte aiguille en alliage cuivreux. Cliché : Laurent Petit, Inrap.

La plupart des objets de valeur, comme les éléments de parure (fig. 4), l’armement et les monnaies, découverts autour de ces bâtiments, témoigne du niveau de vie des occupants durant La Tène. Dans la classification actuelle des sites ruraux, les sites les plus aisés sont caractérisés comme « aristocratiques » par opposition aux sites ruraux plus modestes appartenant à de « simples fermiers » (Malrain, 2002, p.139). Le site de Palaiseau apparaît s’inscrire entre ces deux extrêmes.

Fig. 4 : Perle en verre (Ier siècle avant J.-C.). Cliché : Laurent Petit, Inrap.

Le paysage agricole

À partir des données carpologiques, on note une remarquable continuité des espèces cultivées, tout au long de cette longue occupation, avec la présence pour les céréales d’orge vêtue (Hordeum vulgare vulgare) et surtout de blé nu (Triticum aestivum/durum/turgidum).

En ce qui concerne les légumineuses, leur présence est sporadique. En revanche, pour les phases antiques, de nouvelles espèces cultivées apparaissent, certaines connues anciennement tels que le lin (Linum usitatissimum), d’autres témoignant de la romanisation : le noyer royal (Juglans regia), la vigne (Vitis vinifera) et la coriandre (Coriandrum sativum) présents dès l’époque tibérienne.

On relèvera l’absence totale des blés vêtus sur le site, et ce dès l’époque laténienne. C’est une situation exceptionnelle car en Île-de-France ces blés sont généralement fortement représentés tout au long de l’âge du Fer et ne sont remplacés par les blés nus qu’après la conquête romaine. Le choix exclusif de cette espèce à Palaiseau dès le Ier siècle av. J.-C. représente donc un trait original et signale à nouveau des relations précoces avec les régions méridionales, ce que tend à confirmer par ailleurs la présence d’amphores vinaires italiques en grand nombre dès La Tène C2 (Blin et coll., 2001). La culture de la coriandre au Ier siècle, épice considérée au Haut-Empire comme un produit rare et coûteux, confirme aussi l’existence à la période romaine de contacts avec cet espace méditerranéen. Les données des études archéozoologiques et céramiques apportent une pierre de plus à l’édifice : on note pour l’époque laténienne l’arrivée précoce de grands animaux.

L’ensemble de ces éléments conduit à formuler l’hypothèse que Palaiseau était peut-être un habitat de rang élevé, qui entretenait des relations suivies avec les grands circuits commerciaux provenant du sud, dès le second âge du Fer. Par comparaison avec d’autres sites ruraux ou des sites dits « aristocratiques », la fouille du site de Palaiseau constitue donc un jalon pour leur compréhension.

Sommaire

Volume 1 : texte et inventaires techniques

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Introduction

1.1. Le Plateau de Saclay
1.2. L’opération archéologique
1.3. Méthodologies de fouille et d’étude
1.4. Présentation générale des structures
1.5. Répartition géographique des mobiliers : principes graphiques

2. Présentation du site par phase chronologique

2.1. Phasage chronologique du site
2.2. La phase I : La Tène C2-D1 (Milieu et fin du IIe siècle avant n. è.)
2.3. La phase II : La Tène D1 (-150/-80 avant n. è.)
2.4. La phase III : La Tène D2 - période gallo-romaine précoce (-80/-30
avant n. è.)
2.5. La phase IV : Le Ier siècle ap. n. è.
2.6. Les phases V et VI : IIe et IIIe siècles ap. n. è. (phase V) et continuité
au début de l’Antiquité tardive (phase VI)
2.7. La phase VII : un bâtiment du haut-Moyen-Âge ?
2.8. La phase VIII : Un chemin moderne et ses abords

3. Présentation du mobilier et analyse spatiale

3.1. La céramique
3.2. La faune
3.3. L’Instrumentum

4. Conclusion et éléments de synthèse

Bibliographie

Liste des illustrations

Liste des tableaux

IV. Inventaires techniques


Volume 2 : études spécialisées

Études spécialisées

1. Les céramiques

1.1. Présentation générale
1.2. La céramique des ensembles 1 à 12 (de La Tène C2/D1 au milieu du Ier s. ap. n. è.)
1.3. La céramique des autres contextes
1.4. Conclusion
Annexe 1 : Inventaire de la céramique de La Tène C2/La Tène D1 jusqu’à la fin du IVe ou le début du Ve siècle
Annexe 2 : Planche de synthèse des céramique.
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux

2. Les amphores

2.1. L’origine des amphores et des produits
2.2. La distribution des produits dans le temps
2.3. Les amphores Dressel 1 et leur signification
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux

3. La faune

3.1. Introduction
3.2. Les animaux
3.3. Conclusion
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux

4. Les monnaies gauloises

5. Les autres monnaies

5.1. Période antique
5.2. Période moderne
5.3. Période contemporaine
5.4. Période indéterminée

6. Le mobilier métallique

6.1. Introduction
6.2. La chronologie
Annexe 1 : autres mobiliers métalliques
Inventaire du mobilier métallique
Table des Illustrations

7. Rapport d’étude carpologique

7.1. Présentation du site
7.2. Échantillonnage
7.3. Traitement des échantillons
7.4. Présentation des données
7.5. État de conservation du matériel et implications sur le spectre taxinomique
7.6. Les espèces alimentaires
7.7. Les produits de « luxe »
7.8. Les espèces sauvages
7.9. Conclusion
Inventaire des taxons
Bibliographie

8. Analyse pollinique

Préambule
8.1. Description des données
8.2. Interprétation des données
8.3. Conclusion
Bibliographie
Table des Illustrations

9. Les restes anthracologiques

9.1. Technique et principes d’identification
9.2. Résultats qualitatifs
Liste des tableaux

10. Terres crues architecturales

Introduction
10.1. Le mobilier
10.2. Nettoyage. Traitement et comptage des fragments
10.3. 10.3 Les matériaux
10.4. Fabrication des torchis
10.5. Conclusion

11. Fils et pesons : éléments pour une approche des techniques de
tissage en Gaule romaine

11.1. Les contextes de découverte
11.2. Description des pesons
11.3. Mode d’utilisation
11.4. Expérimentation
11.5. L’activité textile à l’âge du Fer et à l’époque gallo-romaine dans le Nord de la Gaule
11.6. Conclusion générale
Bibliographie
Table des Illustrations
Liste des tableaux

12. Un moule à alvéole (lingotière ?) (US 21008 ) ; vestige d’un atelier
polymétallique ?

Bibliographie
Table des Illustrations

13. Mobilier en os et fusaïole

14. Métallurgie

Inventaire général
Inventaire des culots
Inventaire des culots et autres résidus par US

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

BLIN, Olivier (dir.). (2020). Palaiseau (Essonne), "Les Trois Mares" : (Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128) (Rapport de fouille, 2 vol.). Pantin : Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0161191>.

Autres rapports d'opération

GIORGI, Cyril (dir.). (2016). Palaiseau (Essonne), Lieu-dit "Les Trois Mares" : avenue de la Vauve (Rapport de fouille, 2 vol.). Pantin : Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0143900>.

GIORGI, Cyril (dir.). (2018). Palaiseau (Essonne), ZAC du quartier de l'école Polytechnique : (tranche 1) : Bassin de rétention n°2 : à l'est de l'avenue de la Vauve (RD 128), et les parcelles N 2.1 et N 2.2 (Rapport de fouille, 3 vol.). Pantin :  Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0153034>.

SERRE, Sylvie. (2000). Palaiseau (Essonne), "Les Trois Mares / Vitapole Danone" (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Paris : Afan Centre-Île-de-France, Saint-Denis : SRA Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0112036>.

Publications

BLIN, Olivier, LAUBENHEIMER, Fanett & PISSOT, Véronique. (2001). Les amphores de Palaiseau "Les Trois Mares". Dans Les denrées en Gaule romaine, production, consommation, échanges : Table ronde, 15-16 nov. 2001, Nanterre (p. 38-42). Nanterre : Maison de l'Archéologie et de l'Ethnologie.

BLIN, Olivier, MÉDARD, Fabienne & PUYBARET, Marie-Pierre. (2003). Fils et pesons : éléments pour une approche des techniques de tissage en Gaule romaine du Nord. Dans S. Lepetz et V. Matterne (dir.), Cultivateurs, éleveurs et artisans dans les campagnes de Gaule romaine : Actes du colloque AGER, Compiègne, juin 2002 (p. 157-176). Revue archéologique de Picardie, 1-2. DOI : 10.3406/pica.2003.2363.

MALRAIN, François, MATTERNE, Véronique & MÉNIEL, Patrice. (2002). Les paysans gaulois (IIIe siècle - 52 av. J. C.). Paris : Éditions Errance, Inrap. 236 p.

Citations

BLIN, Olivier (dir.), ALLENET DE RIBEMONT, Gisèle, BECQ, Gilles, BÉNARD, Claire, CARRIÈRE-DESBOIS, Catherine, COUBRAY, Sylvie, DHÉNIN, Henri, GINOUX, Nathalie, GIORGI, Cyril, LAUBENHEIMER, Fanette, LE CALVÉ, Gaëlle, LEROYER, Chantal, MATTERNE, Véronique, MÉDARD, Fabienne, MÉNIEL, Patrice, MORET-AUGER, Florence & PISSOT, Véronique. (2024). Les Trois Mares : Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128 (Île-de-France, Essonne, Palaiseau) : Rapport de fouille 2020 (2 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 45). DOI : 10.34692/g7jp-fm50.

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Les Trois Mares à Palaiseau (Essonne)
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Mise en défense du port de La Rochelle et de ses abords (XIVe-XXe siècles) : l’enceinte du Gabut (Charente-Maritime, Nouvelle-Aquitaine)

Sous-titre

Rapport de fouille 2019

Numéro DAP
44
Image d'entête
DAP 44 | La Rochelle « Parking du Gabut » (Charente-Maritime)
Média
DAP 44 | La Rochelle « Parking du Gabut » (Charente-Maritime)
date expertise
décembre 2022
date achevement
mars 2019
Paragraphes

Le projet de réaménagement des abords du Vieux Port de La Rochelle a nécessité la réalisation d’une fouille archéologique. Celle-ci s’est cantonnée à l’espace d’un parking situé au sud du havre hébergeant le port de la ville et a permis, entre autres, de mettre au jour l’arase d’une des enceintes rochelaises du XIVe siècle (fig. 1).

Fig. 1 : Vue d’ensemble de la fouille et de la tour Saint-Nicolas. Cliché : L’œil du drône.

Ce quartier appelé le Gabut est aménagé à l’extérieur du secteur intra-muros délimité par une enceinte fondée dans les années 1160-70. Cette dernière permettait d’asseoir le statut de cette cité portuaire qui s’émancipait rapidement en englobant, dès le début du XIIIe siècle, deux nouveaux quartiers (Saint-Jean du Perrot et Saint-Nicolas). Développés sur deux îlots encadrant, à l’ouest et à l’est, le havre portuaire, ils furent à leur tour dotés de leur propre enceinte. Le Gabut, situé entre le rivage et le quartier Saint-Nicolas, ne fut intégré à la ville qu’à la fin du XIVe siècle, suite à la construction d’une dernière enceinte médiévale reliant la tour Saint-Nicolas à la porte du même nom. Le port était dès lors entouré de murailles et son accès encadré par deux puissantes tours dont l’intérêt stratégique est réel sans omettre toutefois la portée symbolique de cette clôture monumentale qui barrait l’entrée du port. Ce dernier n’était toutefois pas complètement ouvert sur la ville. En effet, les différents quartiers étaient chacun délimités par leurs enceintes dont le franchissement était assuré au moyen de portes flanquées telle la Porte de la Vérité qui ouvrait depuis le quartier Saint-Nicolas vers le Gabut. Les populations usagères prenaient soin de se tenir à distance, en raison des dangers de cette ouverture sur la mer (Tranchant, 2017, p. 227) à l’image des grands ports d’estuaires tels Nantes ou Bordeaux ou de quelques ports côtiers comme à Vannes.

La fouille, située au pied de la tour Saint-Nicolas a permis de reconnaître une portion de l’enceinte du Gabut ainsi que son mode de construction jusqu’alors peu documenté. Sa fondation légèrement talutée a pu être partiellement observée. Elle repose sur une risberme aménagée en galets de lest et renforcée à l’aide de pieux assemblés. Cette découverte fait écho à quelques observations plus anciennes réalisées à plus d’une centaine de mètres vers l’est. Plus récemment, un diagnostic géotechnique mené aux abords de la tour Saint-Nicolas (Boisserie, 2022) a montré que le socle de fondation des murs et tourelles est formé d’un ensemble de pieux battus quasi-jointifs, confirmant ainsi un complexe système de fondation sur pieux dont la date d’abattage renseigné par dendrochronologie implique un début de chantier dans le second quart du XIVe siècle. Ces différentes interventions ont donc permis de documenter une technique de construction méconnue pour le Moyen Âge en dehors de celles adoptées pour les ponts. Le projet de construction de l’enceinte du Gabut et des tours barrant l’entrée du port participent à cet effet d’un chantier exceptionnel assurant à la fin du XIVe siècle sa mise en sécurité. Cette enceinte battue par les flots fut détachée de la cité jusqu’à l’époque moderne. Il faut en effet attendre la seconde moitié du XVIe siècle pour de nécessaires adaptations à l’évolution de l’artillerie. Le parement interne est alors utilisé comme dépotoir. Il sert de fondation à l’installation d’une terrasse maintenue par un muret avec contreforts saillants construit exclusivement en galets de lest (fig. 2). De nombreux rejets domestiques (faune, poissons, poteries, scories métalliques…etc.) étaient mêlés à ces abondants dépôts sédimentaires. Ce constat confirme ceux observés au sein de ports tels Bordeaux ou Brouage (Mouchard, 2019) où l’utilisation d’épaves de bateaux et de galets de lest participaient au renforcement des berges. Enfin, le réemploi de ces mêmes galets dans la construction relève d’une pratique régulière observée dans d’autres villes portuaires à l’instar de murets découverts au niveau de la place Gambetta à Bordeaux (Masson, 2022).

Fig. 2 : Sols des bâtiments des chantiers navals installés contre le mur de terrasse de l’enceinte de la fin du XVIe siècle. Cliché : Barbier E., Inrap.

Ce paysage urbain s’est maintenu jusqu’à la fin du XIXe siècle, moment où l’enceinte a été démantelée. Elle avait été préservée pour répondre à une insécurité manifeste et continue dans la région. Il importe toutefois de signaler la qualité du site naturel protégé, au fond du havre et son adaptation, sur une longue période aux contraintes nautiques. Ces multiples atouts ont participé à la renommée internationale du port de La Rochelle qui était soucieuse d’asseoir ses ambitions politique et économique. Les soins portés à son développement et à sa mise en sécurité, attestent de cette farouche volonté.

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Présentation de l’intervention

1.1. Cadre géologique et géographique
1.2. Contextes archéologique et historique
1.3. Objet de l’intervention
1.4. Méthodologie opératoire
1.5. L’enregistrement des données de fouille

2. Les résultats

2.1. La construction de l’enceinte
2.2. Le remblaiement des abords de l’enceinte (XVe-première moitié XVIe siècle)
2.3. Une reprise de la partie occidentale de l’enceinte (M1.14)
2.4. L’installation d’une terrasse d’artillerie
2.5. L’installation de bâtiments contre le mur de terrasse
2.6. L’abandon des bâtiments au profit d’une fosse (fin XVIIIe siècle ?)
2.7. Les derniers aménagements sur l’enceinte
2.8. La construction des bâtiments de la DDE maritime

3. Synthèses

3.1. La construction de l’enceinte du Gabut à la fin du XIVe siècle : un débat clos ?
3.2. Une importante campagne de réfection de la partie ouest de l’enceinte : un aménagement méconnu ?
3.3. L’aménagement de la plate-forme de tir : une adaptation à l’évolution de l’artillerie
(fin XVIe siècle)
3.4. Un nouveau quartier portuaire : magasins d’artillerie et chantiers navals (post 1630)
3.5. L’abandon des magasins d’artillerie (fin XVIIIe siècle)
3.6. Un affranchissement tardif de l’enceinte (fin XIXe siècle)

4. Conclusion

Bibliographie

Liste des illustrations

III. Études spécialisées

Annexe 1 : La céramique moderne

Annexe 2 : Étude du petit mobilier

Annexe 3 : Catalogue des monnaies

Annexe 4 : La verrerie

Annexe 5 : Les scories de fer

Annexe 6 : Étude des provenances de la pierre

Annexe 7 : Dendrochronologie

Annexe 8 : Étude archéozoologique

Annexe 9 : Exploitation et utilisation des invertébrés marins à l’époque
moderne

Annexe 10 : Documentation sur les magasins d’artillerie situés sur "La
Grave"

Annexe 11 : Diagrammes stratigraphiques

IV. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

BARBIER, Emmanuel (dir.). (2019). La Rochelle (17), Parking du Gabut - L'enceinte du Gabut : mise en défense du port et ses abords (XIVe-XXe siècles)  (Rapport de fouille, 1 vol.). Bègles : Inrap Grand Sud-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0155205>.

Autres rapports d'opération

BOISSERIE, F., GERBAUD, C., ARQUÉ, G., BÉRARD, M. (2022). La Rochelle, Tour Saint-Nicolas. Suivi archéologique de sondages structurels et géotechniques (Rapport final d’opération). Atemporelle Archéologie.

DEMEURE, G. (2009). La Rochelle, 9 pl. du commandant de la Motte Rouge, La Rochelle (17) (Rapport final d’opération archéologique, 2 vol.). Éveha.

GISSINGER, B. (dir.). (2019). La Rochelle, Réhabilitation du Vieux-Port-Quais Maubec, Duperré et Durand (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Département de la Charente-Maritime. 370 p.

GISSINGER, B. (dir.). (2014). La Rochelle, 7-9-11 rue de la Fabrique. L’évolution d’un quartier médiéval et moderne (Rapport de fouille, 3 vol.). Département de la Charente-Maritime. 945 p.

NIBODEAU, Jean-Paul. (2004). La Rochelle (17), quartier Motte-Rouge, Quai de la Georgette (Rapport de diagnostic). Poitiers : Inrap Grand Sud-Ouest.

NIBODEAU, Jean-Paul. (1999). La Rochelle, rue de l’Armide - rue de l’Archimède « Gabut 2 » (Rapport d’expertise). Poitiers : SRA Poitou-Charentes.

POUPONNOT, G. (2010). De nouvelles sections du rempart médiéval dans le quartier Saint-Nicolas (Rapport de diagnostic). Poitiers : Inrap Grand Sud-Ouest.

RICARD, J.-L. (1991). La Rochelle, le Gabut 2 (Sondages d’évaluation). Poitiers : SRA Poitou-Charentes.

ZÉLIE, B.  (dir.). (2010). 23, rue du Duc, quartier Saint-Nicolas, La Rochelle (17), Une fenêtre sur l’urbanisation extra-muros et moderne du quartier (Rapport de fouille, 3 vol). Poitiers : SRA Poitou-Charentes.

Littérature grise

WARMOES, I. (1991). Les fortifications médiévales de La Rochelle, étude des documents iconographiques (Mémoire de maîtrise d’archéologie, 2 vol.). Université Paris I La Sorbonne. 127 p. + figures.

Publications

AUGERON, Mickaël, BONNIN, Jean-Claude, FAUCHERRE, Nicolas, POTON, Didier, RAMBEAUD, Pascal, SAINT AFFRIQUE, Olga de, THOUVENOT, Christophe & VRAY, Nicole. (1998). La Rochelle, capitale atlantique, capitale huguenote. Paris : Éd. du Patrimoine. 77 p. <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3322414w>.

BARBEAU, Shannah & MOUCHARD, Jimmy. (2019). Un site portuaire médiéval en baie de Cayola à Château-d’Olonne, Vendée. Les Nouvelles de l’Archéologie, 156. DOI : 10.4000/nda.6686.

BARBIER, Emmanuel et BONNIN, Jean-Claude. (coll.). (2019). Découvertes archéologiques récentes sur l’enceinte du Gabut et ses abords : une histoire récente et mouvementée. La Lettre d’Archéaunis, 50, 2019, 4-17.

BARBIER, Emmanuel. (2018). Les fouilles du square Valin et du parking du Gabut : redécouverte d’une histoire récente méconnue de la ville de La Rochelle. Arcades.

BARBOT, Amos. (1890). Histoire de La Rochelle. Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis, T. XVIII. Paris : Denys d'Aussy.

BONNIN, Jean-Claude. (1996). L’ancien château de Vauclerc à La Rochelle. La Rochelle.

CHAPELOT, Jean. (2005). Le raffinage du sucre dans la deuxième moitié du XVIe siècle à La Rochelle et ses relations avec les ateliers céramiques régionaux. Archéologie médiévale35, 141-173.

​DELAFOSSE, Marcel. (dir.). (2002). Histoire de La Rochelle. Toulouse : Privat. 312 p

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Citations

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Une équipe d’archéologues de l’Inrap fouille actuellement et sur prescription de l’État (Drac Hauts-de-France) un site montrant une succession...

Productions céramiques et activités métallurgiques au Ier et IIe siècles de notre ère dans l'agglomération antique de Saint-Valérien (Bourgogne, Yonne, Saint-Valérien, rue du Gâtinais)

Sous-titre

Rapport de fouille 2014

Numéro DAP
32
Image d'entête
DAP 32 | Saint-Valérien « Rue du Gâtinais » (Yonne)
Média
DAP 32 | Saint-Valérien « Rue du Gâtinais » (Yonne)
date expertise
décembre 2015
date achevement
juin 2014
Paragraphes

L’agglomération antique de Saint-Valérien a bénéficié depuis 2009 d’un regain d’intérêt né à la faveur de plusieurs projets immobiliers qui ont donné lieu à la prescription de quatre opérations de fouille préventives dont l’intervention au nº 31 de la rue du Gâtinais constitue la dernière en date. Ce rapport de fouille clôturait ainsi un cycle d’investigations sur la localité qui nous a permis de proposer une synthèse renouvelée de l’état des connaissances archéologiques à l’époque romaine.

Depuis l’édition du rapport les connaissances acquises sous le régime de l’archéologie préventive ont été complétées par des recherches programmées avec la mise en œuvre en 2017 d’une prospection géophysique dans le cadre des actions du PCR AggloCenE (Venault, Nouvel et coll., 2017, p. 187-259) (fig. 1 et 2). Réalisée par la société Geocarta, cette campagne de détection a permis de lever le voile sur une zone de quinze hectares s’étendant au sud de la voie Orléans – Sens, dont le potentiel se percevait seulement d’après des photos aériennes, laissant deviner une trame viaire orthogonale et quelques bâtiments. Les anomalies révélées ont confirmé l’extension de l’agglomération vers le sud avec la mise en évidence de douze îlots urbanisés délimités par les voies. De plan rectangulaire, aux contours réguliers, ces îlots occupent des emprises de surface inégale dont la dimension relève du multiple du jugère : cinq, quatre ou trois jugères.

Fig. 1 : Plan des anomalies détectées par méthode magnétique (Géocarta).

Fig. 2 : Plan interprété des vestiges détectés par méthode magnétique (S. Venault, Inrap).

L’intérêt des résultats réside avant tout dans la découverte de douze temples qui font passer la localité antique de Saint-Valérien du statut d’agglomération artisanale de bord de voie à celui de complexe cultuel de vaste ampleur. Un des îlots délimite une aire sacrée de 78 x 92 m occupée par trois temples (fig. 3 nº 21, 58, 60) adoptant un plan à cella unique à galerie périphérique ouverte vers l’est par un porche. À l’ouest, des alignements de cellules de petites dimensions se développant potentiellement selon un plan en U (nº 57) pourraient être assimilées aux vestiges d’horrea susceptibles de contribuer à l’économie du sanctuaire. Au sud, un autre îlot accueille un édifice cultuel inscrit dans un rectangle de 55 x 13 m comportant 5 cellae allignées (no 64). À l’est, quatre autres temples à plan centré se répartissent deux à deux dans deux autres îlots (nº 3, 4, 62, 63).

Fig. 3 : Carte schématisée de l’occupation du site au Haut-Empire (cartographie d’après le protocole du PCR AggloCenE) (S. Venault, Inrap).

Les îlots gravitant autour des aires cultuelles ne présentent guère d’anomalies permettant d’isoler des structures à vocation domestique même s’il semble logique de leur attribuer des fonctions résidentielles. Seules des concentrations plus ou moins denses d’anomalies maculiformes évoquant des fosses pourraient trahir la présence d’habitation et des activités artisanales.

Outre l’apport de connaissances concernant le développement de l’agglomération antique, le grand intérêt de cette prospection a été cette découverte inattendue d’un ensemble cultuel de si grande envergure dans une localité située à seulement 15 km de Sens. Alors que les pratiques religieuses durant l’Antiquité étaient seulement illustrées sur la commune par une statuette en bronze de Mercure (Parruzot, 1959), une statue d’Epona issue d’un puits du Bas-Empire (Driard et Deyts, 2013) et une petite aire cultuelle mal caractérisée à l’est du Pré de la ville (nº 9) (Driard, 2010, p. 77-84), la découverte de ces 12 temples renouvelle totalement la perception que l’on pouvait avoir de cet habitat groupé de bord de voie. La présence d’une source apparaît à l’évidence comme un facteur déterminant à la fondation d’un sanctuaire autour duquel se serait développée l’agglomération. L’aménagement de cette source a nécessité des travaux de captage et de dérivation conséquents de manière à répondre aux besoins de l’agglomération, non seulement pour l’usage des temples, mais aussi pour celui d’un établissement thermal soupçonné en partie nord du site. En l’absence d’entretien des équipements hydrauliques, corollaire au déclin de l’habitat à l’Antiquité tardive, le ruisseau n’a pas tardé à reprendre son cours naturel, même si les résidents de l’époque ont essayé de s’adapter en drainant le bord du chenal avec des scories (Driard, 2010, p. 105). Si l’on en juge par les fouilles du Pré de la Ville (ibid.) et l’étendue la zone humide figurée sur la carte de l’état-major, ce retour à l’état hydrographique initial a sans nul doute signé la fin du fonctionnement du sanctuaire, qui était alors recouvert par les niveaux d’inondation.

Par son étendue dédiée aux pratiques cultuelles, estimée à près de 3 hectares, et ne serait-ce que par les dimensions de l’aire sacrée d’un des îlots qui, à elle seule, couvre 7000 m², Saint-Valérien s’impose comme un site religieux de premier ordre à l’échelle du territoire sénon, au même titre que les agglomérations de Chateaubleau/Riobé au nord, Triguères et Montbouy au sud, ou encore Sceaux-du-Gâtinais/Aquae Segetae à l’est. Toute tentative de hiérarchisation de l’activité religieuse d’un site fondée uniquement sur des critères surfaciques, en l’occurrence l’emprise estimée au sol des équipements associés à la pratique du culte, est un exercice qui prête le flanc à la critique, même si ce sont parfois les seules données dont dispose l’archéologue. De surcroît, il faut tenir compte, dans le cas présent, du caractère diachronique de l’information, la contemporanéité des édifices n’étant pas assurée, certains ayant pu disparaître dès l’époque romaine pour être remplacés par d’autres. On remarquera toutefois que les secteurs dédiés étaient suffisamment vastes pour que les temples se juxtaposent sans se superposer, ce qui tendrait à penser que l’aire cultuelle a fait l’objet d’un programme architectural planifié et conçu relativement tôt.

Aussi, compte tenu de ces réserves et en l’état des connaissances, on peut évaluer l’emprise consacrée aux usages publics et cultuels à 10% de la superficie supposée de l’agglomération (30 ha), voire 15 % si on intègre au calcul la surface occupée par les thermes. Un taux qui permet de comparer Saint-Valérien à la liste des agglomérations de rang 4, définie par Christian Cribellier dans le cadre du PCR relatif aux agglomérations secondaires antiques en région Centre-Val de Loire, c’est-à-dire celles qui « comportent des fonctions religieuses dominantes, signalées par une parure monumentale souvent disproportionnée par rapport à la taille générale de l’agglomération, et dont les fonctions économiques ne semblent pas très développées » (Cribellier, 2016, p. 57).

On constate ainsi que la voie Sens – Orléans est jalonnée de sanctuaires importants localisés à Saint-Valérien, Dordives, Sceaux-du-Gâtinais, Boiscommun-Chemault, la distance séparant chacun des sites depuis Sens étant de 15, 24, 12 et 22 kilomètres, soit une journée, à une demi-journée de marche. Effet de source ou réalité archéologique, les agglomérations connues placées sur cet axe, excepté Ingrannes/Fines et Beaune-la-Rolande, sont toutes dotées d’équipements cultuels disproportionnés par rapport au reste de l’habitat.

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Présentation de l’opération

1.1. Cadre de l’intervention
1.2. Contexte topographique, géologique et hydrographique
1.3. État des connaissances sur le site
1.4. Méthodologie et déroulement de l’intervention

2. Résultats

2.1. État de conservation des vestiges et critères de datation
2.2. La voirie
2.3. Artisanat de la terre cuite : une production de vases à usage culinaire
2.4. Artisanat du métal
2.5. Autres témoins de l’occupation
2.6. Analyses anthracologiques
2.7. Synthèse sur l’organisation du site et évocation architecturale du bâti bordant les rues
2.8. Conclusion

3. Bibliographie

4. Table des illustrations

Annexe – Répartition des déchets métallurgiques par structure

Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

VENAULT, Stéphane (dir.). (2014). Productions céramiques et activités métallurgiques au Ier et IIe siècles de notre ère dans l'agglomération antique de Saint-Valérien : Saint-Valérien, rue du Gâtinais (Rapport de fouilles, 1 vol.). Dijon : Inrap Grand-Est-Sud. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0132327>.

Rapport de diagnostic

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Publications et rapports cités dans l'introduction

CRIBELLIER, Christian. (2016). Agglomérations secondaires antiques en région Centre – Val de Loire (63e suppl. à la Revue archéologique du Centre de la France). Tours : FERACF.

DRIARD, Cyril. dir. (2010). Saint-Valérien (89), Le Pré de la Ville, rue du Chemin de César (Rapport de fouille, 3 vol.). Limoges : Eveha.

DRIARD, Cyril & DEYTS, Simone. (2013). Une statue d’Epona en tôle de bronze sur modèle en bois à Saint-Valérien (Yonne). Revue archéologique de l'Est, 62, 435-442. <http://journals.openedition.org/rae/7641>.

PARRUZOT, Pierre. (1959 ). Un nouveau Mercure découvert dans le Sénonais. Revue archéologique de l'Est, 11 (1), 29-32.

VENAULT, Stéphane, NOUVEL, Pierre (dir.), BILLOIN, David, CARD, Christophe, JAL, Morgane, MOUTON-VENAULT, Sylvie, SAGESSE, Adrien & VURPILLOT, Damien. (2017). Projet collectif de recherche, AggloCenE, Agglomérations antiques du Centre Est de la Gaule, inventaire archéologique, cartographie et analyses spatiales (Rapport d’activité 2017). Besançon : UMR Chrono-environnement. <https://agglocene.huma-num.fr/>.

Citations

VENAULT, Stéphane (dir.), AHÜ-DELOR, Anne, BELLAVIA, Valentina & CABBOÏ, Sandra (2022). Productions céramiques et activités métallurgiques au Ier et IIe siècles de notre ère dans l'agglomération antique de Saint-Valérien (Bourgogne, Yonne, Saint-Valérien, rue du Gâtinais) : Rapport de fouille 2014 (1 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 32). <https://doi.org/10.34692/9nfp-q050>

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Depuis 2001, Le Centre Jean Bérard développe un programme sur l’artisanat antique dans l’aire Vésuvienne, à Pompéi et Herculanum. Dans ce cadre,...