Les Trois Mares : Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128 (Île-de-France, Essonne, Palaiseau)
Rapport de fouille 2020
Suite à un diagnostic réalisé en 2000 (S. Serre, 2000), au lieudit « Les Trois Mares » à Palaiseau (Essonne), une fouille préventive a été engagée en 2001 sur la moitié de la surface explorée à cette occasion, soit 2 ha. Le site est localisé sur le plateau de Saclay, à l'est de la commune du même nom, à 350 m au sud de la route départementale n°36 et borde la route départementale n°128, face à la limite occidentale du domaine de l’École Polytechnique, à 25 km au sud de Paris.
Les phases d’occupation
Si de nombreux indices attestent d’une occupation de ce secteur dès le Néolithique, les vestiges fouillés sont datés au plus tôt de la seconde moitié du IIe siècle avant J.-C.
Cette occupation protohistorique se développe très nettement à partir du début du Ier siècle avant notre ère jusqu'à la période augustéenne sous la forme d'au moins un enclos fossoyé où se regroupent bâtiments d'habitation et greniers en bois et torchis. Il est intéressant de remarquer que les états les plus récents reprennent la disposition des états antérieurs (il en est de même d’ailleurs pour la phase gallo-romaine). On note aussi la résilience et la permanence de l’orientation générale des fossés, qui reste relativement identique tout au long de la longue vie du site. Ce réseau, mis en place très tôt, influence donc largement l’organisation du paysage aux phases suivantes. Les aménagements repérés sont en fait intégrés dans un parcellaire plus large que la zone d’intervention, révélé lors des fouilles postérieures de 2013 et 2014 au nord et à l’est du site (C. Giorgi, 2016 et 2018) (fig. 1). Un véritable complexe a été mis au jour dont l’enclos présenté ici constitue le pôle principal.
Pour la période gallo-romaine, l’espace est recomposé par un nouveau réseau fossoyé qui s’inscrit dans l’organisation des modules antérieurs. Bâtiments en meulière ou encore en bois pour certains, prennent la place des limites précédentes au plus tôt dès le milieu du Ier siècle ap. J.-C. Plusieurs séquences de construction peuvent être partiellement restituées jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C. Il s’agit des dépendances d'une villa, pars rustica, dont la pars urbana se trouve plus à l’est et a été fouillée en 2014 (C. Giorgi, 2017).
Le site est encore occupé à la fin du IVe siècle et très certainement au début du Ve siècle. Aucune interruption, il convient de le signaler, n’a été discernée.
On peut donc retenir les phases principales suivantes :
- À La Tène D1, un premier fossé orienté est-ouest, matérialise l’axe principal de l’occupation. Au moins deux bâtiments y sont associés.
- Au début du Ier siècle avant J.-C., un enclos fossoyé quadrangulaire est implanté, à l'intérieur duquel sont présents des bâtiments d'habitation, des granges et des greniers construits en bois et torchis. Son occupation se prolonge jusqu’à la période augustéenne qui voit le comblement, sur un laps de temps assez court, des fossés. Les principaux bâtiments subsistent et sont même pour certains réaménagés ou reconstruits (la présence de nombreux clous dans les comblements liés directement à l’occupation de l’enclos en témoigne). Plusieurs fosses d’extraction de limon utilisées ensuite comme dépotoirs domestiques attestent encore de ces transformations au moins sous le règne de Tibère.
- Dès le IIe siècle après J.-C. (peut-être dès la fin du Ier siècle ?), des bâtiments en pierre remplacent progressivement ceux en bois, jusqu'au IIIe siècle après J.-C.
- Quelques fosses, des comblements sommitaux de fossés, des palissades, des sols piégés par des effondrements de murs ou par des tassements, ainsi qu'un four domestique installé sur les bords d'une mare, indiquent que le site est encore occupé à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle après J.-C.
Les habitants du plateau de Saclay au fils des siècles
L’image livrée par ce site reste encore pour certains aspects, imprécise mais illustre cependant un certain confort matériel des populations de ce secteur francilien. À la fin de l'âge du Fer, elles semblent déjà intégrées à un vaste réseau d'échanges venant de Méditerranée (nombreuses amphores dès la fin du IIe siècle en particulier), disposant d'un vaisselier diversifié de qualité et d'un important outillage métallique. De plus, la très bonne conservation des restes osseux animaux permet aussi de bien cerner l'évolution des pratiques alimentaires durant la fin de La Tène dans cette partie de l’Île-de-France, aux confins des cités carnutes et parisii.
Outre la continuité de l’occupation du site, de La Tène C2 à l’Antiquité tardive, ses éléments constitutifs montrent aussi une relative permanence. Les fossés, par exemple, qui structurent l’espace, conservent une constance dans les tracés et les orientations. Il en est de même pour les bâtiments, dont certains sont plusieurs fois rebâtis au même emplacement. À cet égard, le plus remarquable est le bâtiment principal, situé à l’ouest, maintenu dans sa position et fonction résidentielle durant au moins un siècle et demi voire plus.
Quant aux différentes fonctions attestées, on mentionnera surtout les activités domestiques, ce qui semble logique :
- Le tissage représente une activité sans doute non négligeable si l’on considère les nombreux pesons découverts à proximité de chaque bâtiment d’habitation (Blin et coll., 2003).
- Le filage et le travail des textiles ou des peaux sont également attestés par les fusaïoles et les alênes mises au jour (fig. 2 et 3).
- La présence récurrente de nombreuses scories dans les structures de La Tène finale indique l’existence probable d’un atelier de travail du métal voire de réparation d’objets. Mais aucune trace de forge ou d’autres structures (réduction, affinage…) n’a été mise au jour dans l’emprise fouillée. Il faut signaler toutefois la présence d’un lingot de fer, sous forme de barre, dont on peut poser la question de son éventuelle fabrication sur place (ce qui sera confirmé par les fouilles postérieures de 2013 et 2014).
- L’élevage et l’agriculture sont suggérés par la présence de quelques objets particuliers, par exemple les forces, les serpes, et par extension les faisselles, mais leur faible nombre laisserait plutôt penser qu’il s’agit d’outils et de vaisselle nécessaires au quotidien.
La plupart des objets de valeur, comme les éléments de parure (fig. 4), l’armement et les monnaies, découverts autour de ces bâtiments, témoigne du niveau de vie des occupants durant La Tène. Dans la classification actuelle des sites ruraux, les sites les plus aisés sont caractérisés comme « aristocratiques » par opposition aux sites ruraux plus modestes appartenant à de « simples fermiers » (Malrain, 2002, p.139). Le site de Palaiseau apparaît s’inscrire entre ces deux extrêmes.
Le paysage agricole
À partir des données carpologiques, on note une remarquable continuité des espèces cultivées, tout au long de cette longue occupation, avec la présence pour les céréales d’orge vêtue (Hordeum vulgare vulgare) et surtout de blé nu (Triticum aestivum/durum/turgidum).
En ce qui concerne les légumineuses, leur présence est sporadique. En revanche, pour les phases antiques, de nouvelles espèces cultivées apparaissent, certaines connues anciennement tels que le lin (Linum usitatissimum), d’autres témoignant de la romanisation : le noyer royal (Juglans regia), la vigne (Vitis vinifera) et la coriandre (Coriandrum sativum) présents dès l’époque tibérienne.
On relèvera l’absence totale des blés vêtus sur le site, et ce dès l’époque laténienne. C’est une situation exceptionnelle car en Île-de-France ces blés sont généralement fortement représentés tout au long de l’âge du Fer et ne sont remplacés par les blés nus qu’après la conquête romaine. Le choix exclusif de cette espèce à Palaiseau dès le Ier siècle av. J.-C. représente donc un trait original et signale à nouveau des relations précoces avec les régions méridionales, ce que tend à confirmer par ailleurs la présence d’amphores vinaires italiques en grand nombre dès La Tène C2 (Blin et coll., 2001). La culture de la coriandre au Ier siècle, épice considérée au Haut-Empire comme un produit rare et coûteux, confirme aussi l’existence à la période romaine de contacts avec cet espace méditerranéen. Les données des études archéozoologiques et céramiques apportent une pierre de plus à l’édifice : on note pour l’époque laténienne l’arrivée précoce de grands animaux.
L’ensemble de ces éléments conduit à formuler l’hypothèse que Palaiseau était peut-être un habitat de rang élevé, qui entretenait des relations suivies avec les grands circuits commerciaux provenant du sud, dès le second âge du Fer. Par comparaison avec d’autres sites ruraux ou des sites dits « aristocratiques », la fouille du site de Palaiseau constitue donc un jalon pour leur compréhension.
Volume 1 : texte et inventaires techniques
I. Données administratives, techniques et scientifiques
II. Résultats
1. Introduction
1.1. Le Plateau de Saclay
1.2. L’opération archéologique
1.3. Méthodologies de fouille et d’étude
1.4. Présentation générale des structures
1.5. Répartition géographique des mobiliers : principes graphiques
2. Présentation du site par phase chronologique
2.1. Phasage chronologique du site
2.2. La phase I : La Tène C2-D1 (Milieu et fin du IIe siècle avant n. è.)
2.3. La phase II : La Tène D1 (-150/-80 avant n. è.)
2.4. La phase III : La Tène D2 - période gallo-romaine précoce (-80/-30
avant n. è.)
2.5. La phase IV : Le Ier siècle ap. n. è.
2.6. Les phases V et VI : IIe et IIIe siècles ap. n. è. (phase V) et continuité
au début de l’Antiquité tardive (phase VI)
2.7. La phase VII : un bâtiment du haut-Moyen-Âge ?
2.8. La phase VIII : Un chemin moderne et ses abords
3. Présentation du mobilier et analyse spatiale
3.1. La céramique
3.2. La faune
3.3. L’Instrumentum
4. Conclusion et éléments de synthèse
Bibliographie
Liste des illustrations
Liste des tableaux
IV. Inventaires techniques
Volume 2 : études spécialisées
Études spécialisées
1. Les céramiques
1.1. Présentation générale
1.2. La céramique des ensembles 1 à 12 (de La Tène C2/D1 au milieu du Ier s. ap. n. è.)
1.3. La céramique des autres contextes
1.4. Conclusion
Annexe 1 : Inventaire de la céramique de La Tène C2/La Tène D1 jusqu’à la fin du IVe ou le début du Ve siècle
Annexe 2 : Planche de synthèse des céramique.
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux
2. Les amphores
2.1. L’origine des amphores et des produits
2.2. La distribution des produits dans le temps
2.3. Les amphores Dressel 1 et leur signification
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux
3. La faune
3.1. Introduction
3.2. Les animaux
3.3. Conclusion
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux
4. Les monnaies gauloises
5. Les autres monnaies
5.1. Période antique
5.2. Période moderne
5.3. Période contemporaine
5.4. Période indéterminée
6. Le mobilier métallique
6.1. Introduction
6.2. La chronologie
Annexe 1 : autres mobiliers métalliques
Inventaire du mobilier métallique
Table des Illustrations
7. Rapport d’étude carpologique
7.1. Présentation du site
7.2. Échantillonnage
7.3. Traitement des échantillons
7.4. Présentation des données
7.5. État de conservation du matériel et implications sur le spectre taxinomique
7.6. Les espèces alimentaires
7.7. Les produits de « luxe »
7.8. Les espèces sauvages
7.9. Conclusion
Inventaire des taxons
Bibliographie
8. Analyse pollinique
Préambule
8.1. Description des données
8.2. Interprétation des données
8.3. Conclusion
Bibliographie
Table des Illustrations
9. Les restes anthracologiques
9.1. Technique et principes d’identification
9.2. Résultats qualitatifs
Liste des tableaux
10. Terres crues architecturales
Introduction
10.1. Le mobilier
10.2. Nettoyage. Traitement et comptage des fragments
10.3. 10.3 Les matériaux
10.4. Fabrication des torchis
10.5. Conclusion
11. Fils et pesons : éléments pour une approche des techniques de
tissage en Gaule romaine
11.1. Les contextes de découverte
11.2. Description des pesons
11.3. Mode d’utilisation
11.4. Expérimentation
11.5. L’activité textile à l’âge du Fer et à l’époque gallo-romaine dans le Nord de la Gaule
11.6. Conclusion générale
Bibliographie
Table des Illustrations
Liste des tableaux
12. Un moule à alvéole (lingotière ?) (US 21008 ) ; vestige d’un atelier
polymétallique ?
Bibliographie
Table des Illustrations
13. Mobilier en os et fusaïole
14. Métallurgie
Inventaire général
Inventaire des culots
Inventaire des culots et autres résidus par US
Rapport de fouille
BLIN, Olivier (dir.). (2020). Palaiseau (Essonne), "Les Trois Mares" : (Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128) (Rapport de fouille, 2 vol.). Pantin : Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0161191>.
Autres rapports d'opération
GIORGI, Cyril (dir.). (2016). Palaiseau (Essonne), Lieu-dit "Les Trois Mares" : avenue de la Vauve (Rapport de fouille, 2 vol.). Pantin : Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0143900>.
GIORGI, Cyril (dir.). (2018). Palaiseau (Essonne), ZAC du quartier de l'école Polytechnique : (tranche 1) : Bassin de rétention n°2 : à l'est de l'avenue de la Vauve (RD 128), et les parcelles N 2.1 et N 2.2 (Rapport de fouille, 3 vol.). Pantin : Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0153034>.
SERRE, Sylvie. (2000). Palaiseau (Essonne), "Les Trois Mares / Vitapole Danone" (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Paris : Afan Centre-Île-de-France, Saint-Denis : SRA Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0112036>.
Publications
BLIN, Olivier, LAUBENHEIMER, Fanett & PISSOT, Véronique. (2001). Les amphores de Palaiseau "Les Trois Mares". Dans Les denrées en Gaule romaine, production, consommation, échanges : Table ronde, 15-16 nov. 2001, Nanterre (p. 38-42). Nanterre : Maison de l'Archéologie et de l'Ethnologie.
BLIN, Olivier, MÉDARD, Fabienne & PUYBARET, Marie-Pierre. (2003). Fils et pesons : éléments pour une approche des techniques de tissage en Gaule romaine du Nord. Dans S. Lepetz et V. Matterne (dir.), Cultivateurs, éleveurs et artisans dans les campagnes de Gaule romaine : Actes du colloque AGER, Compiègne, juin 2002 (p. 157-176). Revue archéologique de Picardie, 1-2. DOI : 10.3406/pica.2003.2363.
MALRAIN, François, MATTERNE, Véronique & MÉNIEL, Patrice. (2002). Les paysans gaulois (IIIe siècle - 52 av. J. C.). Paris : Éditions Errance, Inrap. 236 p.
BLIN, Olivier (dir.), ALLENET DE RIBEMONT, Gisèle, BECQ, Gilles, BÉNARD, Claire, CARRIÈRE-DESBOIS, Catherine, COUBRAY, Sylvie, DHÉNIN, Henri, GINOUX, Nathalie, GIORGI, Cyril, LAUBENHEIMER, Fanette, LE CALVÉ, Gaëlle, LEROYER, Chantal, MATTERNE, Véronique, MÉDARD, Fabienne, MÉNIEL, Patrice, MORET-AUGER, Florence & PISSOT, Véronique. (2024). Les Trois Mares : Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128 (Île-de-France, Essonne, Palaiseau) : Rapport de fouille 2020 (2 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 45). DOI : 10.34692/g7jp-fm50.
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